Bouteflika crée "une confusion créative" dans le champ politique (1re partie)
Lorsque le 08 mai 2012, Bouteflika a déclaré vouloir se retirer de la vie politique et recommande à sa classe de faire de même avec sa fameuse phrase «Tab Ejnana», de nombreux partis et pas des moindres se sont vivement souciés de sa succession.
Maintenant qu’il semble revenir sur cette décision, les mêmes corporations qui ont seulement changé de têtes s’opposent non seulement à un quatrième mandat mais aussi à la révision constitutionnelle, pourtant promises avec leur accord en pleine effervescence du printemps arabe. Rappelons qu’à partir de décembre 2010, la Coordination Nationale pour le Changement et la démocratie (CNCD) avait appelé à manifester comme dans tous les pays arabes chaque samedi pour occuper voire «camper» dans la place du premier mais les quelques centaines de participants ont été vite dispersés par les forces de l’ordre et une dizaine de baltaguias. De nombreuses manifestations à partir du 19 février 2011 ont obligé le gouvernement de l’époque, cinq jours après à lever l’état d’urgence en vigueur depuis 1992.Cela n’a pas empêché les gardes communaux de camper sur la place des martyrs à partir du 6 avril de la même année.
Face donc à des auto-immolations de plus en plus fréquentes et la grève de plus de 80% des fonctionnaires, Bouteflika sort de sa réserve le 15 avril 2011 pour promettre carrément une réforme constitutionnelle qui semble agréer tout le monde. Il faut cependant préciser que cette contestation a été menée par les responsables du CNCD dont Boumala, Saïd Sadi et son équipe, avec la présence de Ali Yahia abdennour et la dernière semaine, Ali Belhadj, s’est fait remarqué. Aucun des partis de l’hémicycle et qui crée aujourd’hui au scandale d’un quatrième mandat de Bouteflika n’a pris position ni a participé. Alors pourquoi devra t-on aujourd’hui équationner Bouteflika ? Pourquoi sa candidature fait tant trembler les acteurs politiques ? N’ont-ils pas vendu leurs âmes pour un salaire faramineux en lui accordant un troisième mandat sans referendum populaire ? Si les partis qui créent au scandale, avaient maîtrisé la voracité de leurs élus au parlement, il n’y aurait un cas Bouteflika aujourd’hui. Désormais, faudrait-il donc assumer et jouer le jeu politique ?
1- Bouteflika se représente et après ?
Le dernier remaniement ministériel opéré porte désormais l’empreinte personnelle de Bouteflika. Il a surpris ceux qui le croyaient mourant, incapable de lever une main pour signer. Les autres qui pensaient qu’en écartant ses proches, juste avant son évacuation à l’hôpital Val-de-Grâce, il préparait ses bagages pour quitter le palais d’El Mouradia. D’autres disaient qu’il était incapable de gouverner sans s’entourer du clan d’Oujda, et ceux de Tlemcen, etc. Il a montré que clan ou pas, il pouvait renvoyer et ramener : qui il veut et quand il le veut. Auparavant, il a fait valoir ses prérogatives constitutionnelles, de chef suprême des forces armées pour restructurer les services de la redoutable DRS en l’amputant du service de la communication, de la direction de la sécurité de l’armée et de la police judiciaire. Les enquêtes judiciaires et les fameux dossiers sur les uns et sur les autres sont entre les mains d’un homme de confiance, devenu vice-ministre de la défense. Ce réaménagement s’est effectué avec une telle souplesse que même les principaux concernés reconnaissent l’avoir appris comme tous les Algériens par la presse. En d’autres termes, il n’y a eu aucune résistance de la part de l’armée et ceci discrédite la thèse de la lutte de deux clans au pouvoir que développaient certains analystes. Que Bouteflika ait une brouille avec le général Toufik ne serait en fait qu’un fantasme médiatique. La presse et les experts d’outre mer ont fait de cet officier supérieur, peut-être intègre et dévoué un «Bouloulou», ce personnage mythique avec qui ont fait peur aux enfants pour les faire dormir. Ce général, réputé intouchable s’est rangé comme l’a fait avant lui feu Lamari en devenant un simple fonctionnaire et peut-être même qu’il saisira l’occasion pour prendre sa retraite le plus normalement du monde. Il n’y a ni gagnant ni perdant, c’est le pouvoir de 1962 qui continue de régner en Algérie. Ceux qui s’accroche à la thèse polémologique et conflictualiste de clans au pouvoir et se demandent si la défaite de la DRS serait réelle ou conjoncturelle peuvent attendre car les événements qui se déroulent risquent de les dépasser. Il n’est pas extraordinaire que doté d’un tempérament de vieux révolutionnaire têtu, il ridiculisera la scène politique algérienne en procédant à la révision de la Constitution en vue d’instaurer un septennat qui lui permettra de rallonger son bail à El Mouradia, ne serait-ce que pour deux années supplémentaires. Il est certain et tout le monde le sait qu’il l’obtiendra. Si la révision de la constitution et un quatrième mandat sont jugés de trop pour les algériens, ce n’est pas en demandant l’autorisation au wali de Tataouine qu’ils affichent leur opposition mais en mesurant l’ampleur de leur démarche au sein de la population. Les leaders politiques ont habitué les citoyens Algériens de se distancer de leur base dès qu’ils arrivent au sommet. Ils développent un discours virulent contre le pouvoir en place mais dès qu’ils le rejoignent ils s’en accommodent en prenant sa teinte. Les pays voisins semblent donner des leçons á l’Algérie dans ce domaine. La Tunisie par exemple a réussi de trouver une entente entre huit partis politiques pour discuter une feuille de route avec des échéances précises de démocratisation de la vie politique. En Egypte, malgré la décapitation de la tête de la confrérie des frères musulmans, sa base ne quitte pas la rue pour réclamer le retour de la légitimité constitutionnelle etc.
2- Bouteflika a-t-il les moyens de sa politique ?
Il dispose, s’il veut contrôler les prochaines élections présidentielles de tous les atouts entre ses mains : une coalition extrêmement disciplinée surtout après les sanctions des ministres qui se sont opposé à la nomination de Saidani à tête du FLN. Ceci, constitue un avertissement à ceux qui entravent la démarche de Bensalah au RND. D’ailleurs depuis ce remaniement, on ne les entend plus. Belaiz après avoir fait valoir sa retraite, revient en consultant pour surveiller la révision des listes électorales. Tayeb Louh, ancien magistrat syndicaliste, tiendra la voûte de toute consultation populaire si besoins est. Pour la crédibilité extérieure et l’adhésion internationale à sa démarche, il a placé quelqu’un dont la compétence est indiscutable et si clan il y a, c’est le seul de toute l’équipe gouvernementale dont la neutralité est notoirement connue. (A suivre)
Rabah Reghis, consultant et économiste pétrolier
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Commentaires (3) | Réagir ?
"Les nains sont petits par la taille mais grands par la soif"
En vérité, devant une absence totale de clarification du pouvoir actuel, du fait meme de son total mépris du peuple et de la haute idée qu'il a de sa puissance, et une opposition trés controversée et divisée, une armée disciplinée par faiblesse et calculs, la seule ombre (et encore) se pourrait etre les puissances étrangéres. Cependant qu'à à faire la france, ou les USA de l'instauration d'un pouvoir intégre et démocrate en Algérie? Leur seul souci, c'est une algérie sans grands boulversements, bien tenu en mains et qui ne dérange pas leur plan géostratégique global
Des pouvoirs comme celui qui régne en Algérie est le réve des puissances mondiales: il est incolore, inodore, une dictature molle sans éclat, sans gros probléme. Le pays n'est pas géré, l'anarchie y régne... qu'à cela ne tienne : l'argent du pétrole cache tous les vices et permet de parer aux urgences: il n'y a plus d'avenir, plus de générations futures... le pays mourra avec chacun de nous.