L’imposture Benflis ou la réédition du scénario de 2004
Comment bloquer l’émergence d’un vrai candidat d’opposition face à Bouteflika.
En 2004, Bouteflika s’apprête à solliciter un second mandat face au scepticisme général et surtout face à la grogne d’une vaste composante de la hiérarchie militaire déçue par le bilan désastreux du "moins mauvais des candidats" de 1999. Bouteflika et sa cour tlemcénienne redoutent surtout le retour des principaux candidats de 1999, le fameux groupe des six qui en se retirant de l’élection présidentielle avait totalement discrédité la légitimité de celui qui tentait de ne pas être un "trois-quarts de président".
Leur peur était aggravée par le fait que le Chef d’Etat Major de l’ANP affichait clairement son opposition à Bouteflika, soutenu dans l’ombre par Khaled Nezzar et ses relais au sein des régions militaires et des unités de combat. Leur cauchemar était qu’un candidat issu du groupe des six et de surcroit originaire de l’est comme Ahmed Taleb, Hamrouche ou Sifi ne gagne le soutien des militaires et mette fin à l’aventure du "Nain d’Oujda" !
C’est ainsi que fut conçu un plan diabolique pour d’une part empêcher l’émergence d’un candidat crédible de l’est et neutraliser ensuite le bouillonnant mais naïf Chef d’Etat-Major : Mohamed Lamari et ses soutiens au sein de l’armée.
Ce plan qui portait la signature de Larbi Belkhir avec en filigrane le soutien technique des services Français nécessitait aussi la collaboration des généraux Touati, Smain et Toufik, tous trois obligés de Belkhir. Il restait à mobiliser d’autres opposants à Lamari dont le gras général Gaïd Salah qui devait être mis à la retraite et à imposer le silence à Khaled Nezzar empêtré dans des affaires de foncier et esté en justice à l’étranger.
Il fut aisé pour Bouteflika de séduire et/ou soudoyer Ait Ahmed pour obtenir son soutien au moins à postériori. Le vieux Zaïm avait depuis 1999 réduit sa perspective à la longueur de son nez et méprisait royalement toute opposition autre que la sienne.
Ce plan comportait trois parties ou phases. Dans une première phase, trouver un homme lige, un candidat de l’est autour duquel, par d’habiles manipulations, on pourrait réunir les soutiens de Lamari et d’autres décideurs opposés à Bouteflika.
Dans une deuxième phase, gonfler la candidature de cet homme jusqu’à obliger les candidats potentiellement dangereux pour Bouteflika à se désister au profit de ce candidat. Troisièmement, le jour j, trafiquer les élections, faire battre à plate couture le candidat lige et pousser à la démission Lamari et ses soutiens militaires.
La première phase fut de choisir un candidat qui devait remplir le rôle de leurre. Il devait être de l’est, de préférence des Aurès (il faut aussi faire oublier Zeroual). Il devait jouir d’un certain crédit d’opposant à Bouteflika mais surtout il devait être d’une faible personnalité et d’une grande naïveté pour pouvoir être manipulé aisément et ne pas déraper au risque de faire échouer le plan.
Le choix se porta sur Benflis ! Pourquoi ?
Il faut rappeler le parcours de cet ancien procureur général à Constantine du temps de Boumedienne, éjecté du corps de la magistrature à la fin des années 70 (On imagine mal un procureur démissionner à l’époque) et qui se retrouve en 1989 avec Miloud Brahimi, à la demande de Larbi Belkhir et par l’intermédiaire de Khediri, alors DGSN, comme membre fondateur de la Ligue Algérienne des Droits de l’Homme (LADH), une ligue fantoche créée par les services pour contrer la Ligue Algérienne de Défense des Droits de l’homme (LADDH de Ali Yahia Abdenour, Said Saadi, Arezki Ait Larbi, Noureddine Ait Hamouda, BOUCEBSI Mahfoud, REBAINE Ali-Faouzi et autres vrais militants poursuivis et emprisonnés par Chadli.
Après les émeutes de 1988, Benflis est parachuté par Larbi Belkhir ministre de la justice dans le gouvernement Merbah. Il restera comme l’homme de Belkhir dans le gouvernement Hamrouche où il s’opposera aux enquêtes sur les affaires des 26 milliards, des licences d’importation de la Chambre Nationale de Commerce et du détournement des terres agricoles, affaires que Hamrouche avait lancé dans le sillage de ses réformes. Après l’éviction de Hamrouche, il continua d’occuper ce poste de Ministre de la Justice durant un mois avant qu’on lui demande de démissionner en juillet 1991 pour le préserver en vue de la grande répression qui s’annonçait contre les islamistes ou pour mettre à sa place un homme plus énergique.
Il disparut de la scène politique pendant 8 ans durant la tragédie nationale et n’émit aucune opinion ou prise de position durant toutes les années de massacre des Algériens.
Le pire et le comique est qu’aujourd’hui, sur ses sites Internet et Facebook, il fait écrire «En 1992, il considéra que la création de camps d’internement administratif dans le sud algérien destinés aux islamistes sans la possibilité pour les détenus de bénéficier d'un recours judiciaire, ou de pouvoir exercer leur droit a la défense, était une atteinte aux droits de l’homme dont il est un fervent militant. En conséquence, Ali Benflis présenta sa démission du gouvernement Ghozali». Ce qui est totalement faux puisqu’un ministre qui démissionne ne pouvait en aucun cas communiquer. Souvenons-nous de Merbah à qui tous les médias avaient été fermés y compris les médias français. De plus comment peut-on démissionner en juillet 1991 pour protester contre des faits survenus en 1992 ?
Il réapparut subitement en 1999 comme directeur de campagne électorale de Bouteflika, un homme qu’il ne connaissait ni ne fréquentait et dont il ne partageait ni les origines ni les idées. Mieux, Benflis n’avait aucune compétence ni expérience pour diriger une campagne électorale mais on devine ici encore la main de Larbi Belkhir qui voulait donner au candidat de l’Ouest un cachet moins régionaliste. Benflis joua scrupuleusement son rôle de Chaoui de service et fut récompensé au poste de secrétaire général de la présidence, un poste sans aucun pouvoir sous le règne du directeur de cabinet…Larbi Belkhir.
Après une année, Belkhir se débarrassa d’un autre de ses hommes, un ancien directeur d’études au sein de son cabinet qu’il avait fait nommer premier ministre : Ahmed Benbitour qui commençait à se prendre pour un vrai chef de gouvernement. Il nomma Benflis à sa place et durant 3 ans, le pieux Ali Benflis fut chargé d’amuser la galerie en recevant par exemple aux côtés de Moumen Khalifa, Catherine Deneuve, Gerard Depardieu et Jamal Debbouze à un diner de gala bien arrosé à Club des Pins. Scène immortalisé par Youtube.
En septembre 2001, Belkhir reprit le contrôle du FLN en faisant destituer en douceur son secrétaire général, Boualem Benhamouda qui affichait, comme Lamari, son opposition à Bouteflika. Il le fit remplacer par …Benflis, candidat unique …élu par acclamations à l’unanimité face aux ténors et barons du FLN qui comprirent le message. Dans son premier discours le nouveau secrétaire général du FLN déclara avoir comme objectif principal de « Concrétiser le programme d’action du chef de l’Etat » !
En 2003, Benflis est remplacé au gouvernement par Ouyahia. Il reste secrétaire général du FLN et devient d’un coup de baguette magique un opposant et un rival de Bouteflika. A moins d’un an de la présidentielle, la construction du personnage a commencé. Benflis s’exprime, la presse le reprend. On oublie Hamrouche, Taleb Ibrahimi, Sifi et les autres dont les déclarations sont marginalisés par une presse indépendante mais dont les journalistes phares sont manipulés et/ou stipendiés par les services.
La manipulation bat son plein ! Benflis est reçu par Lamari et Nezzar qui l’assurent du soutien de l’armée, Les services distillent la rumeur de ce soutien. Lamari lui-même est convaincu du soutien de ses pairs dont Toufik, qui en réalité s’impatientait de voir disparaitre ce gradé brutal et désordonné.
Des autres candidats potentiels, seul Hamrouche, lui-même enfant des services, comprend l’imposture et sait que Bouteflika va passer. Il ne se présentera pas. Les autres, de guerre lasse, soutiennent à leur tour le «moins mauvais des candidats».
A quelques jours du scrutin, la phase 2 est achevée. Benflis, courtisan durant 5 ans, opposant durant quelques mois est reçu en France comme un possible successeur de Bouteflika. Les services Français en collaboration avec le roué Smain finissent par convaincre les indécis : Benflis risque de passer.
Le 17 janvier 2003, Françoise Baugé commente ainsi la visite de Benflis à Paris : "Celui qui est souvent présenté à Alger comme le dauphin du président Bouteflika a-t-il la carrure de la destinée qu'on lui prête ? A plus d'un an de l'élection présidentielle de 2004, nul ne le sait, d'autant que l'intéressé adopte un profil particulièrement effacé.
Quand il s'exprime, car il est l'un des rares hauts responsables algériens à ne pas se retrancher dans un silence hermétique, Ali Benflis sait tour à tour être direct ou faire usage d'une remarquable langue de bois. Il est en tout cas le "chouchou" des médias algériens. Rares sont ceux qui s'en prennent à lui dans la presse quotidienne, alors que le président Bouteflika est la cible d'un acharnement systématique.
Ce traitement de faveur rend Ali Benflis presque suspect. Ceux qui tentent de percer l'opacité du régime algérien ne voient pas là un signe de popularité, mais un indice supplémentaire de jeux d'ombre se déroulant en coulisses."
Le 8 avril 2004, Bouteflika est élu avec 85% des voix. Benflis en recueille 6% devançant d’un point Abdallah Djaballah, l’islamiste du groupe des 6 qui, cette fois ne s’est pas retiré. Benflis destitué du FLN, candidat battu à plate couture, ses meetings diffusés en boucle par la chaine télé de Moumen Khalifa, réfugié en Angleterre, avait vraiment cru en son destin. Il avait tout simplement oublié que c’était Larbi Belkhir qui façonnait le destin de ses hommes.
Après avoir appris le limogeage du général Lamari, il se retira discrètement de la scène politique. On n’entendit plus parler de lui. En 2009, il ne s’exprima pas ! 10 ans après, Bouteflika malade, il ressort de sa tanière et annonce qu’il va parler mais ne dit rien. Dimanche 29 septembre, tous les journaux annoncent en huit colonnes à la une avec photos «photoshopées», le retour de Benflis !
La sulfureuse Salima Tlemçani et ses collègues des autres journaux, tout à coup s’ébahissent et nous présentent dans un message très subliminal le retour prochain de Benflis. Retour de Benflis ou retour à 2004. Voilà en tout cas une preuve que le DRS est toujours opérationnel et que sa désorganisation annoncée n’est qu’un leurre comme le candidat Benflis. Mais qui va jouer aujourd’hui les rôles de Belkhir et Lamari ?
M. Djemaï, Cadre de la nation
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