Bouteflika : le dernier tour de piste d’un clown impotent
L’art de vendre le singe et de se moquer de celui qui l’achète ne peut plus continuer à faire recette dans une terre brûlée.
Un remaniement ministériel attribué à Bouteflika, tel un poème à la Hölderlin, semant un leurre de polysémie, qui n’est déchiffrable que par une élite d’initiés à ce grand art, offrant matière intarissable, apte à spéculations négatives pour une foule d’analyseurs dépourvus de volonté de souveraineté et de détermination à agir pour restituer un manque crucial en dignité. Ici en l’occurrence au discours sournois des dictateurs, suivi d’une fuite organisée ! Sans que l’on ait la moindre idée de sa provenance, ni une transparence sur l’objectif visé par sa distillation intempestive et reprise en cœur par une presse d’apparence bienveillante, ou l’on nous martèle avec insistance la décapitation de l’organisation souveraine de rab dzair et de sa déchéance prochaine et inéluctable, emportant dans son sillage la terreur que provoquait l’évocation seule des trois lettres mythiques : DRS. Révocation donc ! Par mots clefs, choisis pour l’effroi des consciences facilement maniables, pour la duperie de leur intelligence, déjà prédisposée à la perméabilité de la soumission : Direction centrale de la sécurité de l’armée (DCSA), Mehenna Djebbar, bras droit du rab, colonel Fawzi, information et communication, services presse, maitre de la parole et du silence, service de police judiciaire, chargé de la poursuite des criminels qui font saigner les deniers de l’État, passé maître de la lutte anti-corruption.
Le dispositif en une machine de brouillage et de promesses mensongères s’est désormais ébranlé pour la reconduction du système, entré encore une fois dans un énième processus de régénération, fidèle à ses pratiques sournoises, depuis le coup de force contre le GPRA en 1962. En 2011, c’était les promesses des réformes dans le but de consolider la démocratie par une restauration de la légitimité du suffrage universel et la restitution du pouvoir à la génération post indépendance, évoqué par le laconique «tab djenenâa». Aujourd’hui, c’est de la décapitation de la source du pouvoir et de la terreur des Algériens: le DRS, responsable aux yeux des agents de propagande du système, tel le premier ministre Sellal, des nominations aux postes de responsabilité de l’État sur fiche élaborée par les services, qu’il faudra éradiquer. C’est aussi la promesse de la dynamisation du développement par la transformation du ministère de l’industrie en celui du développement industriel. La nuance est de taille, qui pointe une volonté de reconnaissance d’une faiblesse et de son éradication. Au même titre que pour la reconnaissance de la fraude électorale et la promesse de sa normalisation, autrefois. Le plus subtil et qui n’a pas fait l’objet de l’attention des analyseurs qui gravitent autour du centre d’intérêt du système, c’est la reprise pour son compte du discours technique d’une concurrence menaçante, celle de Benbitour et de son programme de refondation de l’État et des institutions, de la restructuration de l’armée et de la redynamisation du développement économique et social. Abdelmalek Sellal, pour qui veut l’entende, est en campagne pour les présidentielles de 2014 au profit du système depuis les tractations marathon de coulisse qui ont été déclenchés suite à l’AVC de Janus, serviteur zélé de ce système illégitime, patrimonial, autocratique, répressif et corrompu depuis l’accès de l’Algérie à l’indépendance. De la survie du système, dépendra sa propre survie et son immunité devant la justice du peuple, pour toutes sortes de crimes commis depuis son accession en tant que clown à la piste du cirque qui l’emploi, si ce dernier venait à être renversé par une transition démocratique. Voilà pourquoi il est obligé de collaborer et de donner en spectacle sa posture humiliante, pour lui et pour sa famille, du dernier tour de piste d’un clown impotent.
Pendant ce temps-là, le cercle étroit des véritables décideurs, manœuvrent à l’ombre, tel des animateurs de Karakouz, de derrière le rideau, hors champ des caméras et à leur tête l’omniscient et l’omnipotent, l’irreprésentable, Rab Dzair, allias Toufik. Dont un proche collaborateur de Janus, confia très récemment : Bouteflika ne peux prendre aucune initiative sans demander l’autorisation à Dieu lui-même.
Comment il peut en être autrement. Lui, dont le professionnalisme a atteint un tel niveau, jusqu’à lui permettre d’agir et d’influencer le court des tractations géostratégiques. Lui, qui récemment, en collaboration avec les services Russes, vient de faire tomber Morsi, après avoir démonté sa trahison de vouloir brader une partie du Sinaï à Israël. Lui, l’omniscient, dont chaque cadre de l’État et de toutes les institutions, si ce n’est pas de chaque citoyen, est flanqué d’un œil et d’oreilles en permanence en alerte, qui lui rapportent les moindres détails sur leurs activités et leur potentiel de nuisance au système, qui les exposera à une neutralisation immédiate, s’ils venaient à être découvert, dont il est, avec ses proches collaborateurs de l’ombre, le maître absolu.
Comment peut-il faire ingurgiter de telles duperies à une meute de journalistes naïfs ou prêts à collaborer avec ses manoeuvres, selon les cas. Lui, qui maitrise l’art de vendre le singe et de se moquer de celui qui l’achète. Dans les faits, qui a transféré quoi et au profit de qui ? Le DRS, n’est-il pas un organisme lié organiquement aux structures de l'armée et qu'il dépend directement du chef d'Etat-Major, qui dépend lui-même, à son tour, du ministère de la défense, qui n'est autre que le Président de la République en tant que chef suprême des forces armées. Qu’est-ce qui a changé fondamentalement au fonctionnement de la structure du pouvoir ? Rien. Sinon une illusion de «mouvement dans le statut quo». D’expérience, la Sécurité militaire avait subie de son temps le même démantèlement, en ayant été rattachée morcelée à la présidence, sans que cela ne puisse empêcher sa reconstitution sous la dénomination du monstre qu’est devenu le DRS. Devenu lui-même le centre des décisions du système de pouvoir.
A supposer que Bouteflika puisse réussir à s’approprier l’État-DRS à son profit et à celui de son clan et qu’il en sera ainsi, de quelle légitimité le clown peut-il faire valoir sa notoriété sur la suprématie du maître des lieux déchu ? Le soutien du public ! Encore un fantasme. Alors que le peuple algérien le vomit à tel point, qu’il est prêt à en découdre à la moindre échéance favorable qui se présente pour renverser le système de pouvoir représenté par l’État-DRS, héritier de celui qui a régné par la force, sous la dénomination de l’État-SM, contre la volonté du peuple algérien depuis 1962 et que se disputent les hommes du sérail, à chacune de ses étapes, selon une reconfiguration renouvelée, comme celle à laquelle nous assistons spectaculairement aujourd’hui.
Pour être crédible, toute tentative de translation du système de pouvoir actuel, représenté par l’État-DRS autonome, par sa dissolution dans l’organigramme des structures de l’armée et de la présidence de la république, doit au préalable engager des réformes compatibles avec les exigences d'un Etat de droit et l’abandon du rôle de la police politique. Et c’est cet aspect des choses, préfiguré dans le programme du candidat à la présidentielle de 2014, Ahmed Benbitour, qui constitue un véritable atout pour la démocratie et qu’il faudra soutenir. Si seulement le candidat Benbitour abandonne à son tour la tentation de vouloir confisquer à l’État sa souveraineté en voulant confiner la Loi fondamentale dans le champ de l’idéologie religieuse islamique.
Youcef Benzatat
Commentaires (9) | Réagir ?
"On aura tout vu " dans ce pays, " 3ich tchouf " comme on dit chez nous. Notre pays devenu " La mecque des viellards, l'eldorado des centenaires, la silicon-valley de l'Alzheimer " écrivait ce matin H. Laalam dans "pousse avec eux" On comprend maintenant ce que cela veut dire 50 ans c'est trop peu (10mn tout au plus) dans l'âge d'une nation pour faire mûrir le jardin des Tabjnanou. Il faudra peut-être encore 130ans pour déboulonner ce système de vieillards cupides et stupides jusqu'à l'entêtement de mules, jusqu'au ridicule absolu. Quelle déchéance !, Quel deshonneur ! dans le pays de 75% de jeunes.
Merci Youcef Benzatat pour vos articles, je n'en rate aucun même si je ne comprends pas votre soutien inconditionnel pour Benbitour et je en suis même surprise car je vous vois comme un electron libre de tout sentiment d'allégeance. pour le reste c'est toujours un plaisir de vous lire comme beaucoup de lecteurs du Matin qui apprécient, vos analyses, et votre patriotisme sincère et désintéressé, Quant à ceux qui ceux vous critiquent juste pour critiquer, ils sont dépassés par le temps et les événements, il faut juste les ignorer. Bonne continuation