Les oracles et le dauphin
Pour le quatrième anniversaire de son intronisation, Bouteflika refuse de trop s'éloigner de la maison Algérie. Lui qui aimait tant les voyages, le voila assigné à résidence. Il n’ira pas en Inde pour participer au sommet Afrique-Inde qui s’ouvrira demain à New Delhi. Trop faibli physiquement, peur de quelques mauvais coups contre sa personne ? Pour le coup, il se décharge sur son ancien Chef du gouvernement, Ouyahia, tombé (en apparence) en disgrâce mais toujours prêt à reprendre du service dès qu'on le siffle, à qui est confié la mission de le représenter personnellement et de conduire la délégation algérienne à ce sommet de deux jours qui doit réunir treize chefs d’Etat et de gouvernement africains avec le gouvernement indien. Le communiqué est clair là-dessus : Ouyahia représentera « personnellement » Bouteflika. La nuance mérite attention. « Représenter personnellement » un président de la République constitue assurément une promotion de taille pour un ambitieux prêt à embarquer dans n’importe quel train pourvu qu’il roule. Voilà qui fait de l’heureux représentant une sorte de vice-président ou, pourquoi pas, un dauphin potentiel de président lui-même ? L' impresario serait-il monté en grade jusqu'à devenir l'héritier du trône... Trêve de spéculations ! Pourtant, qu’on le veuille ou non, cette désignation a plus d’un sens. Elle peut s’interpréter aussi bien comme le retour officiel du chef du RND dans le giron présidentiel, à une position et avec une mission, certes provisoires, mais plus élevées et importantes que celles jamais attribuées au chef du gouvernement en poste, que comme le premier pas vers la chute de ce dernier. On imagine bien le chef du RND dans son nouveau costume de président intérimaire paradant aux cotés des chefs d’Etats africains conviés à la rencontre. De quoi lui donner des idées….
Quant à Bouteflika, pour l’occasion, il a décidé de réunir, une fois n’est pas coutume, un Conseil des ministres… mais, comme nul n’est parfait et que l’improvisation est la règle pour un pouvoir régalien, ce conseil impromptu − le dernier remonte au 27 février − n’a pas d’ordre du jour ou du moins les ministres convoqués l’ignore. Il se murmure dans les coulisses de l’administration que même diminué le président a encore l’énergie nécessaire pour jouer au père fouettard avec les ministres qui n’auraient pas réalisé leurs programmes, c’est-à-dire presque tous. L’ensemble des membres du gouvernement est convié à la séance pour subir l’examen en question. Bouteflika est obligé de tarabuster la troupe pour se faire livrer quelques grands chantiers à inscrire à l’actif de son bilan au moment de faire campagne. Inaugurer une ligne de métro, quelques kilomètres d’autoroute quand on est candidat à une élection, ça aide beaucoup. Mais le plus attendu dans cette journée est sans aucun doute la fameuse déclaration, annoncée par le quotidien En-Nahar et abondamment commentée par toute la presse nationale, à propos du projet de « révision » de la Constitution qui doit lui ouvrir la voie à un troisième mandat.
Il faut dire qu’à l’approche du 8 avril, date anniversaire de son élection, la machine à fabriquer la rumeur s’est emballée. Et les (faux) oracles, ces mystérieuses sources « bien informées » ou « proches de… » nichés dans des zones opaques et douteuses du système, se sont mis de nouveau à prophétiser. L’augure livré sous la forme d’un article dans le quotidien d’En Nahar nous a révélé que « contrairement aux bruits qui courent » l’initiateur et le bénéficiaire dudit projet, ne serait pas prétendant à un nouveau mandat. A moins que… le bon peuple d’Algérie ne le persuade du contraire ! Et comment celui-ci pourrait-il manifester son appui et son désir de voir rempiler son autocrate ? Tout simplement en participant massivement au référendum par lequel va s’opérer le viol de la constitution, pardi ! Car il est évident que « si les Algériens participent avec franchise au référendum populaire, cela voudra dire qu’ils apportent leur appui au Président pour qu’il concrétise le plus important des projets de réforme politique. » L’enjeu immédiat, suggère le mystérieux informateur, est le futur scrutin − ce référendum consenti et conçu comme un gage de respect de la souveraineté populaire ; il s’agit de ne pas le « rater », mieux, il faut à tout prix le transformer en plébiscite de Bouteflika. Paroles d’oracles !
Meriem Benmehdi
Commentaires (8) | Réagir ?
Je me demande vraiment le pourquoi de cette levée de boucliers. Ce qui qui arrive est prévu de longue date. Ouyahia est le successeur naturel de Boutef. C'est ce que les "décideurs de l'ombre" ont planifié. Alors, où est la surprise? Boutef pour un troisième mandat qu'il ne pourra jamais terminer. Ouyahia vice président. Reprise des renes après l'abandon (pour raisons de santé) Et la succession s'effectue en douceur. Machevialique non?
l homme des sales besognes est de retour la descente aux enfers continue