L’hypocrisie du "deux poids, deux mesures" dans le secteur de l'emploi
Le secteur de M. Tayeb Louh a connu ces derniers mois une revalorisation des salaires allant même à augmenter le point indiciaire, ce qui fait du salaire d’un gardien de nuit à la CNAS plus important qu’un chef d’agence de l’ANEM ou de l’ANSEJ.
L'injustice se situe surtout au niveau de l’augmentation des salaires de quelques structures relevant du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité Sociale dont les Directeurs Généraux sont bien estimés et bien proches de Monsieur le Ministre, par contre les fonctionnaires des autres structures comme l’ANEM et l’ANSEJ se sentent délaissés et marginalisés parce que leurs directeurs généraux sont éloignés des décisions prises par le Ministre malgré que tout le monde relève de la même fédération des travailleurs de la sécurité sociale.
L’ANEM et l’ANSEJ étaient les pompiers du système en 2011, leur mission principale était de calmer les jeunes, les apaiser même au détriment de leur dignité et de leur santé afin que le printemps arabe ne s’installe pas en Algérie et que M. Louh continue à être ministre et que le gouvernement reste en place.
Beaucoup de fonctionnaires de ces deux structures sont stressés à ce jour, d’autres ont démissionné et sans actuellement sans emploi. Il faut voir les dossiers de médecine de travail des intéressés pour pouvoir croire les retombés de la pression subie par ces pauvres malheureux. Qui les défend ? Les Directeurs Généraux ou le Ministre, certainement pas. Ces malheureux sont-ils dignes, ne sont-ils pas le maillon faible de la tutelle ?
Les doubles standards ne datent pas d’hier, mais on se demande si, à l’instar de l’hypocrisie ambiante, ils n’ont pas atteint de nouveaux sommets en ces temps d’intérêts et non de plans d’action et de rendement individuel et collectif, les seuls paramètres d’évaluation.
Pourquoi le secteur travail cristallise-t-il autant de sentiments d'injustice ? Il faut, pour le comprendre, revenir aux éléments constitutifs de l'activité laborieuse des êtres humains dans les sociétés démocratiques. Le travail est à la fois un statut, une valeur d'échange et une activité créatrice. Ces trois composantes renvoient chacune à un principe de justice : le statut implique un principe d'égalité d'accès dans la hiérarchie des positions sociales ; l'échange, entre le travail et le salaire, repose sur la reconnaissance des mérites ; l'activité créatrice, aussi restreinte soit-elle, a pour corollaire un principe d'autonomie, qui doit permettre épanouissement et réalisation de soi.
Egalité, mérite, autonomie, trois principes de justice, donc, qui régissent le monde du travail et surtout lorsqu’il s’agit du Ministère du travail et auxquels tous les individus adhèrent. Le problème, c'est que ces Directeurs Généraux se font la guerre ! Lorsqu'ils revendiquent l'égalité, les travailleurs dénoncent l'arrivisme de certains de leurs collègues, le "règne de nomination des incompétents", le "chacun pour soi", la chute de toute déontologie professionnelle : certains trichent ou ont intérêt à "truander" l'autre... Tout les petits fonctionnaires qui craignent que le ce secteur n'entraîne le règne de l'égoïsme ou l'anomie, les travailleurs accusent l'avancement par le mérite ou l'autonomie briseuse de solidarité de creuser les inégalités. Mais à qui profite cette division au niveau central ?
Ce sont pourtant ces mêmes travailleurs de l’ANEM et de l’ANSEJ qui, à un autre moment revendiquent la reconnaissance de leur mérite, qu'il soit justifié par des rendements ? Ou, dans les nouvelles organisations de management, par la performance qu'ils estiment fournir. L'égalité peut alors apparaître comme un ordre hiérarchique paralysant, ouvrant à des privilèges tels que l'ancienneté, dans ce monde où se côtoient bourdons oisifs et abeilles laborieuses ... Pourtant les bilans de placement annoncés par le Ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité Sociale le rendent heureux et très satisfait de ses structures locales.
"On aime grimper dans les arbres, c'est un truc de gamin, la hauteur, l'adrénaline (...) et puis, quand on est dans les arbres, c'est nous les chefs..." Si un directeur général, élagueur, dit "adorer" son métier, son discours sur le travail n'en est pas moins teinté d'une violente critique : exploitation du patron, manque de solidarité («c'est chacun pour sa gueule»), mépris des autres pour ceux qui exercent un métier de pompier...dans les situations les plus difficiles.
Ils sont nombreux, très nombreux même, dans toutes les strates des structures de l’emploi au niveau local, des agents polyvalents, des informaticiens ou aux cadres les mieux lotis, à développer un discours critique inépuisable sur leur travail, sur le travail en général et les innombrables injustices dont chacun se sent victime. Mépris, exploitation, précarité, stress, pression, arbitraire des chefs, malhonnêteté de certains collègues, discriminations, jalousies, piston..., tout y passe !
On le voit bien, les différents principes de justice évoqués pour parler du travail ne vont pas sans contradictions. Si toutes les grandes traditions critiques de la philosophie sociale ont tenté de les hiérarchiser, les travailleurs malheureux, eux, les revendiquent tous et adoptent un système de critiques croisées, produisant ainsi une vision extrêmement pessimiste d'un monde dominé par les injustices.
Le monde est injuste et il faut bien s'y adapter ! Les nombreux travailleurs répugnent d'ailleurs à se voir comme des victimes. Ils préfèrent transformer le déterminisme des situations de travail en une liberté subjective : "Après tout, nous n'avons à nous en prendre qu'à nous" ; "quand nous nous regardons, nous nous désolons, mais quand nous nous nous comparons, nous nous consolons"...disent les travailleurs de l’ANSEJ et de l’ANEM
De toute façon, les injustices existeront toujours : la dénonciation de la "connerie, de l’exploitation, de la jalousie" sont monnaie courante. Ces travailleurs ne voient pas le ministre naturellement bon ! Les victimes elles-mêmes ne sont pas toujours perçues comme innocentes ou sympathiques : au travail, elles ont parfois bien mérité les vexations subies, et la figure des exclus se transforme vite en celle de profiteurs de la société et de menace pour la cohésion nationale...
Que deviennent alors les possibilités d'action collective dans ce climat de scepticisme généralisé ? D'une manière générale, elles se déplacent vers des critiques plus globales du "système", en dénonçant la mainmise de l’UGTA sur les malheureux. Cette décision d’accorder des privilèges aux uns- CNAS, CASNOS...- et d’en priver d’autres ; est porteuse de destruction de tout le secteur...
D'Oran, Houari Bounaama
Commentaires (1) | Réagir ?
Durant toute ma vie aux usa, j'ai et tout le monde que je connais, "jusqu'a recemment", considere' travailler pour le gouvernement, un signe d'echec dans la vie et une securitee' certe, mais pauvrete' absulment guarantie. Dans un pays ou le budget du gouvernement provient des taxes sur les salaires et les corporations, tout depend du secteur prive', pas necessairement des super corporations, du genre microsoft, apple google, etc. mais de celles de moyenne d'effectif de quelques dizaines. Et meme dans le commerce, c. a. d. la distribution, le model standard est la franchise, c. a. d. un partenariat avec la maison mere... Le meilleur model du monde est: Les petites entreprises privee'es dans lesquelles les employe'es detieennent des actions de leur propre company.
Je ne comprends pas pourquoi, 50 ans apres, la SONATRACH a toujours besoin de companies etrangeres - Pourquoi que ce n'est pas qui est soutraite' a la competition nationale, avec des regles tres simples pour prevenir le nepotisme - du genre: interdiction d'intervention dans les decision d'attribution de contract partout ou il y a un degre' de parente' direct, ou interdire a quiconque qui a travaille' pour la sonatrach/sonelgaz au dela d'un certain grade de participer dans des projets d'un employeur qui ont directement lien avec un rpjet de Sonatrach. Voila un parfait mechanisme de relancer l'agriculture prive'e - privilegier les produits locaux, dans toutes les cantines scolaires, militaires, et gouvernementales.