Armes chimiques en Syrie : Moscou refuse toute enquête

Malgré les centaines de morts, la Russie maintient avec cynisme son soutien à Damas.
Malgré les centaines de morts, la Russie maintient avec cynisme son soutien à Damas.

Après avoir demandé au régime de Bachar el-Assad de collaborer avec les experts de l'ONU, la Russie a finalement estimé que l'insécurité sur place l'empêchait.

La Russie a jugé vendredi "inacceptables" les appels en Europe à faire pression sur l'ONU et en faveur de l'usage de la force contre le régime syrien de Bachar el-Assad après des informations selon lesquelles il aurait utilisé des armes chimiques près de Damas. "Dans ce contexte de nouvelle vague de propagande antisyrienne, nous pensons que les appels de quelques capitales européennes à faire pression sur le Conseil de sécurité de l'ONU et à décider dès maintenant de recourir à la force sont inacceptables", a indiqué le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué.

Une offensive a eu lieu mercredi dans la Ghouta orientale et à Mouadamiyat al-Cham, des secteurs à la périphérie de Damas aux mains des rebelles, qui a fait un nombre de victimes encore indéterminé. L'opposition a accusé le régime de Bachar el-Assad d'avoir eu recours à l'arme chimique, des affirmations catégoriquement rejetées par ce dernier. Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, avait déclaré jeudi qu'une "réaction de force" était nécessaire si l'usage d'armes chimiques était "avéré".

Vendredi, le chef de la diplomatie britannique, William Hague, a déclaré que Londres pensait à "une attaque chimique du régime d'Assad à grande échelle" et voulait que "les Nations unies puissent l'établir".

Une enquête impossible

L'attaque dans cette zone contrôlée par les rebelles s'est produite alors qu'une mission d'inspection de l'ONU se trouve en Syrie pour enquêter sur le recours à l'utilisation éventuelle d'armes chimiques dans de précédents faits. Il n'y a "malheureusement pas de signes" montrant que l'opposition syrienne est "prête à garantir la sécurité et l'efficacité des experts (de l'ONU) dans leurs travaux sur ce territoire contrôlé par les rebelles", a ajouté le ministère russe. "Cela empêche de fait une enquête sur un possible recours à des armes chimiques en Syrie, à laquelle appellent de nombreux pays et la Russie", a-t-il ajouté.

"La Russie continue de suivre de très près les développements autour de la prétendue attaque chimique. Il apparaît de plus en plus de nouveaux témoignages selon lesquels cette action criminelle avait un caractère clairement provocateur", a encore estimé le ministère. La Russie, l'un des plus fidèles soutiens au régime de Bachar el-Assad auquel elle livre des armes, avait déclaré dès mercredi que les soupçons d'utilisation par les autorités syriennes d'armes chimiques par le régime de Damas était une "provocation planifiée".

L'envoyé spécial de la Ligue arabe et de l'ONU, Lakhdar Brahimi, a estimé pour sa part que le conflit syrien était "la plus grande menace" actuelle contre la paix mondiale, et a lancé un appel aux différentes parties à venir s'assoir à la table des négociations. Une offensive a eu lieu mercredi dans la Ghouta orientale et à Mouadamiyat al-Cham - des secteurs situés respectivement à la périphérie est et ouest de Damas aux mains des rebelles - qui a fait un nombre de victimes encore indéterminé. L'opposition a évoqué 1 300 morts et accusé le régime d'avoir mené ces attaques avec des gaz toxiques.

"Viol du droit international"

L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), qui s'appuie sur un large réseau de militants et de médecins, a lui comptabilisé 170 morts et n'a pu confirmer l'utilisation d'armes chimiques. Cette ONG a cependant affirmé que le régime avait violemment bombardé cette région mercredi, puis jeudi. Les autorités syriennes ont catégoriquement démenti les allégations d'utilisation d'armes chimiques, un haut responsable de la sécurité estimant qu'avoir recours à ces armes, alors même que des experts de l'ONU se trouvent en Syrie, aurait été "un suicide politique".

"Toute utilisation d'armes chimiques, où que ce soit, par qui que ce soit, et quelles que soient les circonstances, violerait le droit international. Un tel crime contre l'humanité devrait avoir de graves conséquences pour celui qui l'a perpétré", a prévenu pour sa part Ban Ki-moon, en demandant, à l'instar de nombreux pays occidentaux et ONG, que l'équipe de l'ONU présente en Syrie puisse enquêter sur ces attaques.

Les experts de l'ONU sont arrivés dimanche, avec un mandat se limitant à déterminer si des armes chimiques avaient été utilisées dans le passé à Khan al-Assal (nord), Ataybé (près de Damas) et Homs (centre). Mais selon l'ONU, le chef de l'équipe, Ake Sellström, a entamé des négociations avec le régime pour pouvoir enquêter sur les attaques de mercredi. Interrogé par l'Agence France-Presse sur le programme des inspecteurs, un haut responsable des services de sécurité à Damas a indiqué ne pas avoir d'informations à ce sujet, se contentant de dire : "Ils travaillent selon un plan convenu à l'avance avec des modalités précises." "Sur le plan international, il y a de plus en plus la conviction que s'il y a eu attaque à l'arme chimique, celle-ci a été perpétrée par les terroristes", a-t-il en outre estimé, ajoutant que ces allégations d'armes chimiques pouvaient aussi n'être qu'une "immense comédie".

Vidéos choquantes

Le président américain Barack Obama a déclaré vendredi dans un entretien télévisé que les nouvelles allégations sur l'utilisation d'armes chimiques par l'armée syrienne étaient "sérieusement" préoccupantes. La Suède s'est dite quasi certaine que le régime syrien avait employé de telles armes. La Grande-Bretagne, par la voix de son ministre des Affaires étrangères William Hague, a annoncé que le Royaume-Uni "pense que c'est une attaque chimique du régime Assad". À l'appui de leurs accusations, les militants anti-régime ont diffusé des vidéos de personnes inanimées ne portant aucune trace de sang, ou de médecins administrant de l'oxygène à des hommes ou des enfants pour tenter de les aider à respirer. Des images qui ont provoqué l'indignation du monde entier.

Les enfants paient un lourd tribut dans ce conflit, qui a fait plus de 100 000 morts dont 7 000 enfants en deux ans et demi selon l'ONU, et poussé à la fuite des millions de Syriens. Selon l'Unicef, le nombre d'enfants syriens réfugiés à l'étranger a atteint le million, tandis que deux autres millions ont été déplacés dans le pays. Entre-temps, les violences continuaient de faire rage dans le pays comme à Alep, la métropole du Nord divisée entre quartiers rebelles et pro-régime. Selon l'OSDH, six civils, dont un journaliste de la télévision officielle al-Ikhbariya, ont été tués et dix-neuf autres blessés lorsqu'un kamikaze s'est fait exploser dans un restaurant d'un quartier tenu par les forces loyalistes.

Avec AFP

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