Ni Etat policier, ni Etat intégriste
Nombre d'observateurs n'hésitent pas à faire un parallèle entre les événements d'Egypte et ceux qu'a connus l'Algérie au début de l'année 1992. Si des similitudes existent bel et bien, le processus ayant conduit aux deux coups d'Etats différent, en particulier en ce concerne le rôle joué par les islamistes.
En Algérie, la «martyrologie politique» islamiste fait de l’interruption du processus électoral en janvier 1992 la «première des violences». Cette «demi-vérité», - les demi-vérités sont en réalité les plus beaux mensonges ! -, tend à occulter l’autre vérité, celle là incontestable, qui veut que l'interruption du processus électoral en janvier 1992 n'était qu'une réplique du coup d'Etat de juin 1991 qui avait conduit au départ du gouvernement Hamrouche. Alors, n’est-il pas important de rappeler que les islamistes du Fis avaient largement contribué au coup d'arrêt brutal des réformes démocratiques en organisant une grève insurrectionnelle qui avait servi de prétexte aux secteurs du pouvoir les plus conservateurs de prétexte pour faire intervenir l’Armée ?
En Egypte, les tentations hégémoniques des frères musulmans et l’exclusion des autres composantes politiques ont provoqué un vrai hiatus au sein de la société égyptienne qui a été exploité par l’oligarchie militaire pour mettre fin avec une brutalité extrême à la présidence Morsi. Une extrême brutalité qui a soulevé l’indignation générale et à laquelle répond le cynisme criminel des frères musulmans qui n’hésitent pas à exposer femmes, hommes et enfants à la mort. Attribuer alors aux seuls pouvoirs en place la responsabilité de la violence relève du mensonge politique et vise à exonérer de leur part de leurs responsabilités les islamistes égyptiens et algériens.
Le "printemps arabe" : des faux espoirs aux vraies désillusions
Aussi, aujourd’hui plus que jamais, la question fondamentale qui est posée aux élites démocratiques comme aux sociétés est comment en finir avec cette bipolarité Armées/islamistes qui prend en otage les peuples et étouffent leurs aspirations à la liberté, la justice et la démocratie.
Nombre de démocrates de gauche, pour qui la démocratie politique est indissociable de la démocratie sociale, - à l’opposé d’une gauche panarabiste, nourrie de marxiste orthodoxe qui fait de la démocratie politique un «instrument aux mains de la bourgeoisie» -, ont cru percevoir dans les soulèvements populaires un moment historique décisif, celui du basculement des pays dit arabo-musulmans dans la modernité politique. Le slogan "dégage", mot d'ordre de ralliement des nouvelles petites bourgeoisies arabes, secrétées par le processus de globalisation des technologies de l'information et des modes de vie consuméristes, résume les limites d'une révolte "existentielle" que certains se sont précipités à confondre avec un authentique processus révolutionnaire.
L'issue politique du "printemps arabe" a fini par dissiper les illusions et à refroidir les plus optimistes. Plutôt qu'une "Nahdha démocratique", le "printemps arabe" ressemble à une séquence politique dont les caractéristiques et la portée stratégique empruntent davantage aux "révoltes arabes" du début du 20eme siècle encouragées par l’empire britannique qu'à un processus d'émancipation et de libération des peuples des carcans autoritaires. Si il y a près d’un siècle, il s'agissait de mettre fin à l'empire Ottoman, aujourd'hui, c'est du démantèlement des Etats nationaux post-coloniaux dont il est question.
Le pacte Armées/islamistes ou comment l’Empire asservit les peuples
Surfant sur l'échec des modernisations autoritaires, dont l'inspiration remonte à l'égyptien d'origine albanaise Mohamed Ali, les puissances occidentales, en particulier les Etats-unis, voyaient dans le pacte entre militaires et islamistes, un modèle alternatif susceptible de garantir la stabilité, de renforcer l’ordre néolibéral moyenâgeux et pérenniser l’hégémonie occidentale.
L'Egypte de Morsi était donc l'archétype de la configuration politique qui devait se généraliser à l'ensemble du monde dit arabo-musulman. Comme tout empire, l'Amérique découpe le monde en des ensembles transnationaux, principalement déterminés par l'ethnie et la religion et non par l'histoire et les traditions nationales. Ces ensembles géoculturels théorisé par Samuel Huntington est ce qui commande la vision américaine du monde. Une vision impériale qui a contaminé l'ensemble occidental, l'Europe en général et une France en particulier, de gauche ou de droite, qui a fini par liquider son héritage gaulliste.
Ce nouveau monde, où la barbarie se dissimule derrière une façade libéral, dirigée par une aristocratie politico-financière mondialisée qui depuis une trentaine d'années s'acharnent méthodiquement à dépouiller les Etats nationaux de leurs attributs de souveraineté, à réduire les parlements nationaux à des chambres d’enregistrements. Une nouvelle féodalité dotée de moyens technologiques colossaux servant de véritable machine de guerre pour imposer une "dictature du marché" qui transforme l'individu-citoyen en un consommateur effréné sans conscience et dépouillé de toute morale.
La liquidation nationale au nom de la «chute du régime»
La démocratie est, dans ce contexte chaotique, ou plus exactement celui d'un chaos organisé par les puissances de l'argent qui se sont accaparées l’essentiel des leviers politiques, dépossédant ainsi les peuples de toute protection, un enjeu universel. La défense de la démocratie dans les pays occidentaux et sa promotion dans les pays dominés par des régimes autoritaires passent par cet impératif stratégique qu’est la sauvegarde des cadres et des communautés nationales.
Les forces qui agissent dans le sens de leurs démantèlements, qu'elles prennent appui sur la religion, la langue ou l’ethnie, s'inscrivent consciemment ou inconsciemment dans les stratégies de la nouvelle aristocratie politico-financière mondialisée qui pour assurer sa domination, prévenir l’émergence de puissants mouvements sociaux, alimente les clivages et fractures ethno-religieuses.
En Algérie, ces forces réactionnaires se drapent dans les oripeaux d’opposants radicaux, s’excitant comme des petits diables à l’idée d’une chute du prix du baril de l’or noir ou guettant avec jubilation le moindre signe annonçant une explosion sociale, non pour alerter, ou mettre en garde, mais pour l’alimenter et tenter de la provoquer. Ces pyromanes politiques, vrais-faux dévots de la démocratie, n’ignorent pourtant pas que cette perspective n’entrainera pas seulement la «chute du régime» mais l’effondrement du pays. Dès lors, comment s’étonner de voir ces activistes et aventuriers, cyberdissidents ou autres, en vrais charlatans politiques incapables de distinguer pouvoir et Etat, régime politique et institutions se retrouver dans les mêmes tranchées que ces «lumpen-bourgeoisies» culturellement sous-développées, ces affairistes véreux qui ont pillé le pays et transformé l’Etat algérien en propriété privée ? Les Chakib Khellil et consorts trouveront sûrement chez ces mercenaires au service d'intérêts étrangers des alliés objectifs.
Un statuquo qui fait le jeu des forces antinationales
Mais ce qui alimentent fondamentalement ces tendances centrifuges, c'est l'inconséquence voire la cécité de l' « élite militaro-sécuritaire » dont les professions nationalistes et les mises en garde contre les "tentatives de déstabilisation interne et externe" sont contredites dans les faits. Prisonnière des petits jeux de sérail, des pseudo-équilibres qui pérennise un dangereux statuquo, incapable de changer ses rapports avec la société civile pour ne voir en elle qu’un moyen d’entretien de la façade démocratique, cette élite, dont le patriotisme n’est pas en cause et qui se veut comme le rempart ultime et la dépositaire des intérêts supérieurs de la Nation est aujourd'hui plus hier, mise devant ses responsabilités historiques. L'amour de la partie ne pourra plus autoriser tous les silences, tous les renoncements et toutes les lâchetés.
A n'avoir pour seul dessein que de défendre un régime politiquement et moralement condamné et d’entraver systématiquement, en organisant le vide politique, l'émergence d'une alternative démocratique autonome, revient à parier sur le pire et à jouer avec le feu. Les patriotes où qu’ils se trouvent ont le devoir d’agir pour isoler les extrémistes de tous bords et refuser que soit enterré définitivement le rêve des pionniers du mouvement national : celui d'une Algérie souveraine et démocratique, juste et solidaire.
Une Algérie Amazigh, imprégnée de culture arabe et universelle et attachée à un Islam ouvert, respectueux de nos traditions millénaires. Une Algérie algérienne ouverte sur le monde et résolument Nord-africaine !
Samir Bouakouir
Commentaires (12) | Réagir ?
Dans ses interventions publiques, l'homme politique est contraint de tenir compte de paramètres dont nous forumistes ne somme pas tenus d'observer. Ainsi mon présent propos ne s'encombre guère des rapports de force politique en Algérie ni des intérêts claniques au sein du pouvoir et de l'état. Plus encore, mon commentaire se déleste allègrement du poids de l'habitude née de 120 ans d'exercice étatique de l'état algérien par le colon et 50 ans de la gestion du même état par les locaux. De notre position de forumistes, nous n'avons aucune raison de sous-traiter les urgences que l'état se donne à coeur joie de créér depuis 1962 pour créer propice au pillage de le mangeoire collective. Que nos posts soient bien inspirés ou à coté de la plaque, nous n'avons pour seul préoccupation que de dire les choses telle qu'on les vit et les ressent. Pas lieu donc de chercher des relais inconscients à la conspiration universelle.
Il y a des conceptions fortement ancrées qui, en raison de l'absence de regard critique sur notre histoire, sont devenues des vérités indiscutables, sacrées. Comme il y a de nos cicatrices, traumatismes et certaines de nos misères actuelles qu'on ne peut ncomprendre sans revisiter d'une façon critique notre passé. Pour un pays qui ne sort d'une domination coloniale que pour entrer dans une autre, l'absence de ce examen lucide du passé fait qu'on ne sait plus lesquelles de nos références sont saines, lequelles sont altérées, lesquelles sont amenées dans les bagages de tel ou tel colon et utilisées pour nous aliéner. Et lorsque l'on a une clique de truands prête à tout à la tête du pays, on on obtient une hiérachie des références sens dessus dessous. C'est ainsi que, aujourd'hui, il est devenu normal d'entendre des algériens, de bonne foi, se dire patriotes tout en défendant un état centraliste et une nation algérienne qui rompt catégoriquement avec l'époque précédant la dernière colonisation. Même pour le nom du pays, premier élément de l'identité, il n'a jamais été question de le discuter. En résumé, la repprise de l'état et de la nation légué par le colonialisme nous prive obligatoirement de références millénaires des plus sûres.
Indubitablement, la notion de nation, prise dans son sens paternaliste de prépondérance d'un groupe ou d'une idéologie sur le autres nous, est le leg de la période 1830 - 1962. La nation est par ailleurs un concept occidental pas plus vieux que le XIX e siècle. De même, nous avons hérité de cette période l'Etat actuel et le nom qu'il porte, l'Algérie.
Limité au cadre conceptuel hérité du colonialisme, l'identité algérienne ne pouvait se définir dans sa multiplicité mais uniquement en opposition à l'Algérie coloniale. Cela tombait bien pour les usurpateurs de 1962 puisque ceux-ci entendaient effacer tout autre fondement que la référence à la guerre anticoloniale !!! Et l'inculture et le déracinement injectés jour après jour depuis 50 ans par tous les canaux d'un pays pétro-gazier sont maintenant relayés par ceux qui sont supposés les combattre. On retrouve chez ces dernièrs le même lexique stigmatisant, la même rhétorique, les mêmes anathèmes jetés sur tous et sur tout ce qui ne s'aligne pas sur la normalité officielle.
Cette imprégnation dans nos esprits de la nation telle que léguée par le colonialisme est un mur mental qui nous empêche d'envisager toute autre forme d'organisation, de regarder le prolongement de nos racines ailleurs que là on a voulu les situer à l'époque de la guerre anticoloniale. Et le regretté Boudiaf l'a payé de sa vie le jour même ou, à la télé, il a eu l'outrecuidance de se parler d'une Algérie sans béquilles.
Le comble, c'est que même de cette guerre de 54, on ne parle jamais de ce qu'elle est structurellement : une émanation de réalités fort diverses et d'une organisation qui calque cette variété. Exit donc, dans l'"histoire", le compromis que constituent les wilayas historiques, à mi chemin entre l'avant la colonisation et le système des départements colonial. Les élites politiques qui présentent la guerre de 54 ans comme l'acte fondateur, le début de tout, sont les meilleurs continuateurs des institutions qui ont fait des ravages durant la période coloniale sur nos identités, sur nos repères.
La référence à une religion d'état et son corrollaire l'islam constante de la nation (lequel islam mèle fondamentalement foi et politique) amène immanquablement, par abus ou par cheminement normal, l'état intégriste et la violence religieuse. Les organisateurs de la grande marche du 25 janvier 92, le FFS, ont certes tiré la sonnette d'alarme; ils n'ont néanmoins pas dénoncé la dérive de la constitution algérienne qui a consacré une religion d'état. C'est cette référence qui a ouvert la voie à la perversion du rôle de l'école en en faisant la pépinière de l'intégrisme et le rempart contre la culture et toute prise en compte du passé; C'est cette consécration qui, par glissement, a chamboulé les références identitaires, permis l'instauration de lois avilissantes, de jours fériés qui défient le monde, etc.. Ce n'est pas que le FFS; nos parents et grands parents se sont tus devant la première insulte à notre pays en 1949; ils ont approuvé des concessions mortelles au congrès de la Soummam pour quelques voix à l'ONU- certes précieuse - mais engageant sérieusement l'avenir.
Il est vrai que cette mise en avant de la religion musulmane est un héritage colonial des affaires indigènes. Il suffit de survoler la terminilogie coloniale désignant les autochtones; on y voit, au fur à mesure que l'administration coloniale s'installait, la part grossissante de la référence "pratique" à "musulmans". Il est vrai que la magnanimité d'Abdelkader avec l'nevahisseur a aidé à cette inclination. Mais, dans le fond, c'est leaspect pratique qui adéterminé cette islamophilie. Il était infiniment plus pratique de faire gouverner et mater les peuples de la colonie par des cadis musulmans (par ailleurs plus lisibles pour un chrétien ou un juif) que de se référer aux assemblées profanes, dont les références peiennes sont oubliés par l'occident depuis des siècles. Il faut dire que Le roumi était opportunément pragmatique. Et puis, "le royaume arabe" chatouille bien les oreilles des orientalistes à la recherche de sheherazad. Ainsi, de barbaresques d'avant 1830, nous sommes passés à "populations berbères et arabes" (dans les statistiques du 19 e siècles notamment), à indigènes, puis aux musulmans.
Dans un tel cadre constitutionnel, qu'attendre du verdict de l'histoire algérienne à propos de nos ancêtres qui ont eu à renvoyer Abdelakader, non pas qu'ils répugnent un front anti-colonial (les bataillons kabyles étaient les seuls à se constituer rapidement et à aller se battre à Sidi Fredj en 1830), mais parce que l'idée de faire partie d'un émirat est pour eux, comme pour nous, l'outrage extrême, la pire insulte aux ancêtres. Sans s'attarder sur le fait que Abdelkader a été pris en flagrant délit de fraternisation avec l'occupant de la place de Vgayet, ce qui n'arrange rien à l'affaire.
Et nous donc, qui avons eu l'outrecuidance de n'avoir pas eu l'idée de nous laisser patiner par l'école algérienne, les organisations de masses, les institutions, les très hauts parleurs des mosquées et des services, devrions nous nous réjouir de la manne pétrolière qui moleste le Sud, perfuse Dracula, détruit notre économie, nos paysages naturels et urbains, nos repères millénaires, compromet nos perspectives d'avenir... et corrompt certaines élites ? Devrions nous élever une stèle au dieu pétrole qui a rendu les algériens inutiles. Le citoyen responsable n'est-il pas celui qui paie les impôts et oblige l'état à lui rendre compte l'usage de son argent. L'état ne s'était-il pas affranchis de nos impots pour nous tenir dans l'état d'inutiles, de honteux ?
ni etat policier ni etat integriste ni etat samir bouakouir un grand hypoquerite qui se joue
pour un democrate qui condamne les personnes non jeuneurs.