Ôtons nos bâillons !
Je crois qu’il est temps de parler, d’écrire et dénoncer les manigances de ceux qui veulent sucer la substance créatrice du patriotisme vers notre république. Et ce malgré la défection lâche des intellectuels algériens qui assistent au naufrage de ce grand pays tout en étant muets.
On remarque que la plupart sont vendus, d’autres réduits au silence par le seul fait de s’allier au clan des décideurs et d’autres ont décidé de se dérober par peur de se voir chassés par les semeurs de la répression. La période n’est pas opportune aux discours stériles ni aux disputes insensées, la situation exige de chacun un effort pour immuniser notre pays contre d’éventuels risques de fissures comme c’est le cas dans d’autres pays frères tels la Tunisie, la Libye, l’Egypte. Les graves révélations faites aux sujets des détournements des fonds publics par des responsables, des ministres doivent nous inciter à dénoncer massivement cette dérive dont les auteurs ne sont que nos dirigeants aidés par notre silence à faire de notre pays une jungle où il est tout simplement aisé de voler sans impunité aucune. Les scandales financiers sont un détonateur d’éveil qui doit dessiller les yeux de tous les citoyens tant la tumeur de la corruption et le mal de la dépravation ont atteint la moelle spirituelle de la nation.
La récente révolte des Algériens a révélé l’omniprésence certaine d’un vide multidimensionnel, résultat d’une politique rétrograde édifiée pour maintenir la pâmoison populaire. Les événements qui ont secoué le pays ont sondé la profondeur du défaitisme au sein des révoltés. La spontanéité qui caractérise vraisemblablement cette révolte explique sans ambages l’absence confirmée d’une prise en charge des soucis du peuple. La question identitaire est considérée comme étant le déflagrateur de cette insurrection. Le mépris, la mal-vie et l’exclusion ont alimenté le courroux de la population de la région. Les fausses prévisions du pouvoir, qui affiche d’ailleurs son indifférence criminelle quant aux besoins de la nation en matière de droit, ont abouti à cette explosion. Cet écrit répond franchement aux multiples menées des décideurs qui veulent réduire le message, pourtant intelligible, de cette révolte à un autre chahut de gamins.
La répression, reconvertie en code pénal puis adoptée par la lâcheté de nos élus, éclaircit la volonté de Bouteflika d’instaurer une république à la manière hitlérienne à travers ses discours hybrides, ne cessant de tendre la main aux fondamentalistes, sous prétexte de préserver les constantes nationales dont la langue arabe devenue, par le suintement démesuré de l’ânerie, symbole de la régression culturelle du pays. L’étrange avancée de l’oppression ne fait qu’interpréter le projet de nos autocrates d’étouffer cette démocratie encore mineure, voire frêle. L’urgence d’une solidarité s’impose, c’est à nous qu’incombe la mission de structurer notre force, d’organiser ce mouvement pour ne pas nuire à l’espoir déjà en gestation, celui d’une Algérie éminente. La crise qui émaille le quotidien algérien ne cesse de se muer en cataclysme qui ronge notre statut de nation. À vrai dire, la responsabilité de cette course à l’abîme, dont tout le peuple est victime, n’est imputée qu’aux détenteurs du pouvoir depuis l’indépendance.
L’histoire de notre mise en émancipation du joug colonial décrypte clairement ce retour graduel et effrayant vers une dictature préméditée qui s’enracine davantage. Une histoire comblée d’intrigues politiques avec comme moyen l’usage latent de manœuvres qui visent à liquider tous les hommes intègres, compétents, ceux qui ont planifié la victorieuse chute du mythe français. Une espèce de mise en scène se répète pour nous faire croire en une Algérie libre, neutre, loin de toute dépendance. Un nationalisme travesti se manifeste lors des discours officiels, des oraisons funèbres, des allocutions destinées à dévoyer l’opinion nationale en imposant une doctrine qui stimule la haine patriotique, consolide le tribalisme. En se référant au narcissisme individuel, une grave fissure déchire le tissu social, altère les rapports humains pendant que la méfiance s’installe pour devenir une monnaie très répandue entre frères d’une même famille. Ainsi, l’union s’est reconvertie en une valeur virtuelle, voire impossible. Le recours au jésuitisme accorde à nos oppresseurs le titre de penseurs sans idées. Un génie en matière de la désinformation est importé d’outre-mer pour falsifier l’historicité des événements, en réduisant le volume de l’ancestral patrimoine du pays à de simples archives dont certaines sont interdites aux citoyens. La peur de la vérité historique astreint nos despotes à déclarer une guerre, à titre posthume, aux héros de la patrie, les qualifiant de traîtres, en affichant une rancune aiguisée par un complexe d’infériorité.
La volonté de s’immortaliser au siège du pouvoir motive les brillantes fraudes de chaque suffrage. Ces pratiques qu’exerce notre ploutocratie procurent au pays le qualificatif d’une forêt où la démocratie signifie la disponibilité des uns à dompter les autres. Le principe fondateur de la pensée unique est basé sur l’exclusion formelle de toute idée rénovatrice ainsi que le bannissement continuel de la critique et le musellement illégal de la presse. Afin d’opérer un ravinement spirituel au sein de la société, nos décideurs ciblent l’école en prenant la connaissance universelle en otage, choisissant l’enfant comme sujet déteint par les lois pavloviennes dans le dessein de générer une réelle paralysie de l’intelligence voire une inévitable infection des consciences. Le choix des programmes ne répond ni aux aspirations du peuple ni aux normes mondiales de l’éducation. Une culture mâtinée fut mise, intentionnellement, en place où la religion accapare un volume horaire massif au détriment des matières scientifiques afin de pervertir l’intellect algérien. La prédominance quantitative des leçons religieuses dans les programmes a favorisé l’émergence de phénomènes extrémistes abyssaux, dont les conséquences ne font que concrétiser le plan désuet des islamistes.
La médiocrité reste la seule condition exigée pour accéder au haut rang de la hiérarchie administrative. Les postes de responsabilité sensibles dotés de prérogatives sont répartis en fonction des obédiences politiques, d’autres selon l’appartenance aux réseaux de corruption qui permettent aux faibles instituteurs de se voir promus aux postes de directeurs après s’être prosternés devant leurs inspecteurs. Le mouchardage demeure une recette efficace pour plaire aux responsables dans le milieu scolaire, une recette qui prémunit les enseignants bricoleurs contre d’éventuels contrôles pédagogiques. Des félicitations d’obligeance sont destinées à ceux qui fuient les inspecteurs par la fenêtre des classes pour avoir failli à leur devoir. Putréfiée est la situation de l’éducation, cette noble fonction est réduite au bâclage sous les auspices de vigiles qui prennent garde afin que le savoir devienne un brasier qui consumera le crédit de l’école algérienne. Les enseignants qui importunent par leurs mérites sont condamnés à être des cibles particulières des directeurs qui, pour compenser leur défaillance intellectuelle, inventent des styles de harcèlement administratif approuvés par le soutien suiviste de leurs clans. Le sens d’abnégation qui évolue chez les enseignants consciencieux les prédispose à tous genres de malheurs, de dangers dont les conspirations quotidiennes motivées par une jalousie meurtrière qui exhibe un néant transparent en culture.
Rachid Chekri
Commentaires (3) | Réagir ?
Dernièrement, j'ai consulté le classement des meilleures universités du monde. Aucune université algérienne ne s'y trouve, alors que j'ai découvert des établissements africains et israéliens Ne parlons pas des universités occidentales, chinoises, russes et japonaises..
Si Chekri,
" Otons nos baillons": Cet article coiffe la perfection d'une analyse sur mesure de la situation.
Toute ma considération.