Tunisie: la Constituante suspendue, l'opposition vent debout
Mustapha Ben Jaafar, le président de la Constituante tunisienne a annoncé mardi la suspension des travaux de l'Assemblée, tentant ainsi de forcer les islamistes au pouvoir et leurs détracteurs au dialogue pour sortir d'une profonde crise déclenchée par l'assassinat d'un député d'opposition.
La Tunisie est plongée dans une crise politique et sécuritaire profonde. L'annonce de la suspension sine die de la Constitution intervient alors que des centaines de manifestants commençaient à affluer en début de soirée devant l'Assemblée nationale constituante (ANC) pour un grand rassemblement de l'opposition visant à obtenir la démission du gouvernement dirigé par les islamistes d'Ennahda et la dissolution de la Constituante.
"J'assume ma responsabilité de président de l'ANC et suspends les travaux de l'assemblée jusqu'au début d'un dialogue (entre pouvoir et opposition) et cela au service de la Tunisie", a déclaré à la télévision d'Etat Mustapha Ben Jaafar, allié laïque de centre-gauche d'Ennahda. "J'appelle tout le monde à participer au dialogue (...) Les Tunisiens en ont marre", a dit M. Ben Jaafar, dont le parti Ettakatol, sans quitter la coalition au pouvoir, est favorable à la mise en place d'une nouvelle équipe gouvernementale. Aucune réaction des états-majors des principaux partis n'avait été annoncée en milieu de soirée. Revenant sur la menace "terroriste" et les assassinats du député Mohamed Brahmi le 25 juillet, à l'origine de l'actuel crise, et de l'opposant Chokri Belaïd en février, M. Ben Jaafar a dénoncé l'incapacité de la classe politique à s'unifier face au danger, les voyant emprunter la voie "de la division et de la sédition".
La coalition gouvernementale est au bord de l'explosion. Et il n'est pas dit qu'elle résistera jusqu'à la fin de la semaine. Dans la journée, les dirigeants d'Ennahda avaient prévenu une nouvelle fois qu'ils ne renonceraient pas au gouvernement et n'accepteraient pas une dissolution de l'ANC, malgré les manifestations nocturnes quotidiennes de l'opposition et le grand rassemblement de mardi. "Dans les régimes démocratiques, les manifestations ne changent pas les gouvernements, c'est dans les régimes dictatoriaux qu'une manifestation est en mesure de faire tomber le régime", a jugé Rached Ghannouchi, chef d'Ennahda dans le journal La Presse. Le leader islamiste avait déclaré à France 24 que si les Tunisiens souhaitent un référendum, nous irons vers un référendum.
L'opposition espère que le rassemblement de ce mardi soir sera bien plus important que ceux qui depuis une dizaine de nuits rassemblent quelques milliers de personnes. Mais des divisions existent au sein de cette coalition allant de l'extrême gauche au centre-droit. Certains veulent arracher le départ du gouvernement et la dissolution de l'ANC, tandis que d'autres, en particulier la puissante centrale syndicale UGTT et le patronat Utica, plaident pour un nouveau cabinet mais veulent maintenir la Constituante.
Le rassemblement marquera en outre les six mois du meurtre de l'opposant Chokri Belaïd, tué le 6 février. "Ennahda et le gouvernement entraînent le pays vers la destruction. Aujourd'hui le gouvernement partira, sera remplacé par un autre", a martelé à l'antenne de la radio Express-Fm la veuve de M. Belaïd, Besma Khalfaoui. "Le gouvernement sera obligé d'écouter la voix de la rue", a-t-elle ajouté.
Le Premier ministre Ali Larayedh a proposé à maintes reprises d'élargir le gouvernement et de tenir des élections en décembre. Les islamistes ont aussi évoqué, sans réelles précisions, un référendum sur la poursuite de la "transition" post-révolutionnaire. Mais la Tunisie, deux ans et demi après sa révolution et 21 mois après l'élection de l'ANC, n'a ni constitution ni loi électorale permettant l'instauration d'institutions pérennes. L'assemblée était, elle, réunie mardi, malgré le boycott d'une soixantaine de députés, pour débattre de la menace "terroriste".
Outre la traque des assassins des opposants, une opération militaire "aérienne et terrestre" d'ampleur est cours au Mont Chaambi, à la frontière algérienne, pour "éradiquer" un groupe armé lié à Al-Qaïda responsable de la mort de dix militaires depuis le 29 juillet.
M. Larayedh en a profité pour affirmer que les actions de protestation mettaient à mal les efforts des forces de sécurité. "La multiplication des manifestations et des sit-in perturbe les agents des forces de sécurité qui sont obligés d'être dans les rues alors qu'ils devraient participer à des opérations de lutte contre le terrorisme", a-t-il déclaré. "Nous étions les initiateurs du Printemps arabe, soyons les initiateurs d'un état démocratique par des moyens pacifiques", a dit le chef du gouvernement.
R.N./AFP
Commentaires (2) | Réagir ?
les Tunisiens ont la chance d'avoir des politiciens moins corrompus que nous les Algeriens, ils vont s'en sortir, il n'y qu'à suivre Nessma tv pour voir qu'ils nous depassent dans tous les domaines, malgré leur instabilité ils n'ont jamais perdu leurs touristes du bled, chapeau et courage
L'arabisation et islamisation a outrance dans les ecoles, a produit des gens qui ne peuvent intellectuellement meme imaginer une constitution sans la religion. Se reconnaissant des Tunisiens arabise's plutot qu'arabes dans les faits, la logique du subconscient a etabli l'equation arabo-islamique = gouvernement. mais, ce qu'il chercchent et reconnaissent comme seul source de progres et la negation totale de cette equation. Il en est de meme en Egypte, en Lybie et en Algerie.
C'est l'histoire du fou qui n'a pas encore totalement perdu la raison, comme c'est le cas en afganistan - sans espoir !
L'Algerie a les moyens d'eviter une pareille crise avec un federalisme qui laisse emerger une diversite', c. a. d. des poles independants et donc diluer les tendances - ce qui eventuellement finira par l'emergeance d'un point de convergeance, ou un certain denominateurcommun. L'interet est que les references seront nationales, donc credibles. Une telle separation d'ordre politique permets la separation physique des tendances oppose's, et donc le bain de sang - puis, que le meilleurr gagne. Des etats islamistes, des etats ultra-liberaux et la majorite' entre les 2 - La competition dans le sens gestion et developement ditctera le sens de la migration.
Pour cela il faudrait deja que le regime lache son monopole, qu'il ne se donne par soucis de gestion opaque de la rente petroliere. Arrivera le jour uou cette possibilite' de reconfiguration et d'experimentation ne sera pas possible. La gestion du temps !