L'Algérie au temps des folles espérances
Je suis en visite chez un vieil ami, ancien prof au lycée technique d’Alger. Un travail à deux m’incite à plonger dans ses archives personnelles, un fatras de livres, de revues et surtout de photos et de lettres jaunies. La maison de mon ami est un véritable musée, dédié tout entier à l’Algérie des années bénies qui ont suivi l’indépendance.
Parti dans les pas des "pieds-rouges", ces Français écœurés par la guerre, et qui avaient décidé de contribuer à réparer, chacun avec ce qu’il savait ou pouvait faire, les dégâts commis par la colonisation, ce vieux révolté va vivre et décrire avec un enthousiasme assumé les premières heures de l’indépendance. En véritable chroniqueur, il donne vie dans les dizaines de lettres adressées alors à ses parents et ses amis, à l’Algérie renaissante, l’Algérie vive, folle d’espérance et de foi en l’avenir. Il raconte des rues en liesse, les maquisards descendus des maquis, fraternisant sans retenue avec le peuple. Et s’il n’omet pas d’exprimer quelques inquiétudes face à la crise politique de l’été 62 et aux joutes pour le pouvoir qui se jouent en coulisse, il n’oublie pas de nous livrer quelques anecdotes exquises, telles celles du jour où Ben Bella recevait profs et meilleurs élèves des lycées au palais d’été. Les adolescents invités à un fastueux buffet ont provoqué un joli tintamarre, empêchant l’inspecteur d’académie d’aller au bout de son discours. C’est Ben Bella lui-même, très paternel, qui met fin au raffut.
Dans le courrier de mon ami, je retrouve aussi, narré dans le détail, la fabuleuse association familiale de Belcourt qui dispensait des cours aux enfants des rues et des cours de rattrapage aux élèves en difficulté, avant de les réinsérer dans le circuit éducatif classique. Cette association, fondée par un ancien moudjahid, Ramdane, et l’abbé Scotto, était en grande partie animée par des élèves du lycée technique d’Alger. Elle a permis à une nuée d’enfants, à priori voués à l’échec, de devenir de grands ingénieurs et d’intégrer les entreprises mondiales les plus éminentes.
Tout cela, c’était au temps où tous les Algériens se considéraient comme des frères, où la corruption et la rapine étaient vues comme une ignominie. C’était au temps où l’Algérie aux avant-postes des pays en voie de développement, le temps où elle faisait encore peur au monde. C’était avant que les crimes d’Etat ou islamistes ne s’installent. Que reste-t-il des espérances de 1962 ? La seule impression que tout est à refaire. A un moment, on a dû se tromper de direction et d’hommes. Les chemins pris sont à rebrousser. Les hommes du passé remisés au placard. Il nous a manqué un GPS. C’est vrai qu’à l’époque, il n’existait pas !
Meziane Ourad
Commentaires (2) | Réagir ?
Mon cher Meziane Ourad, paraphrasant Goethe, vous auriez dû intituler
votre billet :"les souffrances du jeune Meziane". Nous aussi nous trimbalons
nos joies et nos peines, nos réussites et nos défaites. en bandoulière...
Pour autant, nous préférons jeter le voile de la pudeur sur la noirceur du
vaste monde, la nostalgie n'étant plus ce qu'elle était...
PS ; le drame, pour nous, c'est qu'à la citoyenneté, nous avons préféré la
fratrie -qui n'est rien d'autre qu'une sorte "d'oumma" (1) ramenée à notre échelle.
Mon cher Meziane, chassez le naturel-intégriste -puisque en dehors du "frère", point de salut- il revient au galop
(1) Allez, osons l'expression :"Oumma arabia !
Nighak à Mohand nous aurions pu aller encore plus loin dans notre "art" de lire "derrière" les lignes.
Admire donc: " Tout cela, c’était au temps où tous les Algériens se considéraient comme des frères, où... C’était au temps où l’Algérie aux avant-postes des pays en voie de développement, le temps où elle faisait encore peur au monde... Que reste-t-il des espérances de 1962 ?... "
C'est peut-être sous l'effet du ramadan, de la Leffe ou de l'âge, mais toujours est-il que "l'Algérie aux avant-postes", "le temps où elle (l'Algérie) faisait encore peur au monde" si ce n'est pas du Ourad plus vrai que nature, ça ne peut être du Kateb Yacine... loin s'en faut!
1962, le début de la fin, ou plutôt l'inverse. Oui, parce que le début que représentait Novembre 54 a été stoppé net par Ben Bella et Bourourou.
Quant à l'Algérie qui faisait peur au monde entier, je vous laisse revisiter "les fins glorieuses" des Sadam Hussein, Mouamar Kaddafi and co; vourourou aurait certainement trouvé LA parade: sa oumma avec à sa tête l'émir du GRANDIOSE Qatar, accessoirement époux de la banane (comprenez Maouza)