Retour sur les 80 jours "parisiens" de Bouteflika / 4. LE SOUTIEN FRANÇAIS
Un après-midi de la première semaine de juin 2013.
Dans un grand palace parisien, le frère cadet du chef de l'Etat Abdelaziz Bouteflika, Saïd Bouteflika, rencontre, pendant deux heures et demie, deux hauts fonctionnaires du ministère français de l'Intérieur. Ils disent avoir des informations capitales à propos d’un complot qui se tramerait autour de son frère président, en soins à Paris, de la part du Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS), les services secrets algériens, et qui devait apparemment aboutir à un putsch contre le chef de l'Etat algérien, en soins prolongés à l'hôpital militaire parisien du Val-de-Grâce, un établissement qui accueille régulièrement des personnalités françaises et étrangères importantes. Il faut dire que le terrain était propice pour ce genre d’initiative. La longue absence du chef de l’État avait créé la un vide immense dans ce système politique messianique, bâti autour du seul président. Le DRS, qui compte en son sein quelques ennemis rassis du président, a voulu exploiter l’opportunité. Quelques jours auparavant, il avait fait parvenir un bulletin de santé du Val-de-Grâce à Aboud Hicham, l’un de ses officiers fraîchement rentré d’un curieux "exil" en France pour devenir directeur de deux quotidiens, Mon Journal (en français) et Djaridati (en arabe). Les deux journaux consacrèrent alors deux pages à la "détérioration" de l'état de santé du chef d'État, citant "des sources médicales françaises et des proches de la présidence algérienne". Ils annonçaient aussi, s'appuyant sur les mêmes interlocuteurs, que le président Bouteflika était "rentré mercredi à l'aube à Alger en état comateux".
C’était un désaveu frontal des thèses officielles qui soutenaient que la maladie du président était mineure et passagère.
En fait, les Français s’attendaient à pareil scénario. Bouteflika est absent de son pays depuis quarante-quatre jours, une éternité, et rien ne permettait de croire à un rétablissement, du moins pas avant très longtemps et pas total. L’Algérie est dans l’impasse. Eux n'avaient jamais cru à une guérison rapide. Ils connaissent la gravité de l'affection qui a frappé le président et savent que l’état de santé de ce dernier ne lui permet plus de gouverner et encore moins de prétendre participer à la course pour un quatrième mandat présidentiel en 2014. Le président était arrivé à l’hôpital en piteux état, ce samedi soir 27 avril 2013.
Ils ont agi vite. Vite et bien. Dans la totale discrétion.
Les Français ont joué le jeu. Leur jeu. En informant le jeune frère, ils continuent d'agir pour le maintien du statu quo. Bouteflika leur est préférable à tout autre pouvoir en Algérie. Une Algérie qui retournerait aux militaires, ils n’en veulent pas. Ils ont eu une amère expérience du mandat Liamine Zéroual, de cette Algérie bourrue des colonels arrogants, l’Algérie de Boumediène qui s’était fait un point d’honneur de bouder l’ancienne puissance colonisatrice au point de ne jamais y faire de voyage, fût-il privé, ou celle de Zéroual qui avait refusé de serrer la main de Chirac, au siège de l'ONU, après des propos jugés inconvenants par l'Algérie. Aussi, sans se "mouiller", partagent-ils avec Saïd Bouteflika la stratégie du black-out. Eux, comme le frère cadet ont intérêt à cacher le plus longtemps possible la vérité sur la gravité de la maladie du président. Pas pour les mêmes raisons. Ils savent que le clan Bouteflika n’a pas le choix : Il est capital de continuer à faire illusion auprès de l'opinion internationale et garder entre les mains les rênes du pays, car sinon... Sinon, eh bien, sinon ce serait la fin de l’impunité pour le cercle présidentiel outrageusement impliqué dans des affaires de corruption, ce serait le pire qui serait à envisager pour le clan Bouteflika qui dirige ce pays depuis 14 ans, à commencer par son frère président qui pourrait être jugé pour haute trahison, comme commence d'ailleurs à l'exiger une certains anciens officiers de l'opposition.
L'homme idoine
Saïd sait qu'il peut compter sur le silence des autorités françaises. Entre Bouteflika et la France, il existe le pacte de reconnaissance. Paris a aidé Bouteflika à revenir au pouvoir ; et comme avec les Américains, Bouteflika reste redevable aux Français d'une reconnaissance. En 1999, ils s'étaient réjouis d’avoir pour interlocuteur ce même personnage malléable, qui, contrairement à Houari Boumediène qui s’était fait un point d’honneur de bouder l’ancienne puissance colonisatrice au point de ne jamais y faire de voyage, fut-il privé, lui, fera une dizaine de voyages parfaitement stériles. Ils s'accrochent, depuis, à ce président qui a besoin de paillettes pour exister politiquement et dont ils savent la vieille fascination pour la France, depuis toujours, depuis son fameux message envoyé à Giscard en 1978, lors du retour de Boumediène de Moscou à Alger via Paris, ou depuis ses innombrables visites en France… Le chef de l'Etat algérien n’a pas effectué une seule visite officielle bilatérale en Afrique depuis 1999, mais il s’est rendu 12 fois en France, s'imposant même à l’Élysée sans qu’on l’y invite, dont l’une, le 19 décembre 2003, a franchement embarrassé ses hôtes français, obligés de le recevoir à déjeuner ! Jamais un chef d’État algérien ne s’était à ce point rabaissé devant l’ancienne puissance colonisatrice.
"Pathétique Bouteflika", avait titré le quotidien Nice Matin, sous la plume de son directeur de rédaction, au lendemain de la visite parisienne de quelques heures sollicitée par le président algérien le 3 octobre 2003. Le journal se gausse : "Clic-clac, merci Kodak ! La visite du président algérien n’aura duré que quelques heures. Prétexte officiel, l’inauguration de deux expositions dans le cadre de la fameuse Année de l’Algérie. Raison réelle : être pris en photo, et sous toutes les coutures, avec Jacques Chirac, l’ami français, à la veille d’échéances algériennes majeures. Pathétique visite, et si embarrassante pour la France."
Non, il n'y avait rien à craindre des autorités françaises qui ont toujours su accéder à tous les caprices de cet homme à l’égo démesuré, et qui aime s’entendre parler, qui n’avait rien des colonels qui l’avaient précédé au gouvernail algérien, Boumediène, Chadli ou Zéroual. Le Maroc a eu sa saison en France ? Alors l’Algérie aura la sienne. Une kermesse culturelle s’ouvre à Paris le 31 décembre 2002 pour ne se clôturer qu’en décembre de l’année suivante, une procession de galas, d’expositions de toutes sortes, de films et de pièces de théâtre proposés au public français au moment où Alger ne dispose même pas d’une salle de cinéma digne de ce nom ! Le président algérien n’obtiendra pas d’investissements de la part de la France, mais se contentera d’un match de football France-Algérie, en octobre 2001, que ne justifiait ni le niveau respectif des deux équipes ni le moment. Organisé sans préparation, dans un contexte de passions électriques entre les deux pays et les deux communautés, le match tourne au cauchemar : l’hymne national français est hué par une partie du public, et le terrain est envahi par les supporters algériens mécontents de la correction que subissait leur équipe (4 buts à 1). Le match restera comme le plus noir souvenir de l’année pour les Français : 69 % des internautes français, interrogés par le sondeur Jérôme Jaffré, affirment que La Marseillaise sifflée lors de France-Algérie est l’événement qui leur a le plus déplu dans l’actualité française.
Ils ne trouveraient pas meilleur partenaire pour leurs desseins économiques mais aussi politiques et stratégiques. Chirac a mis cette thèse à profit. Lui qui s’est empressé de rendre visite au président Bouteflika fraîchement réélu pour son deuxième mandat, en avril 2004, avant même la confirmation du scrutin par le Conseil constitutionnel, a toujours su satisfaire les caprices de son homologue algérien. Il s’est fait grassement payer en retour : les ventes françaises en Algérie ont augmenté de 700% en l’espace de 6 ans !
Si du narcissisme de Bouteflika, de son manque d’épaisseur et de son envoûtement pour la France, Chirac en a fait un profitable business, avec Sarkozy, homme rusé et audacieux, téméraire et sans état d’âme, l’usage allait en être de nature plus politique et avec nettement moins de scrupules. Aussi, le premier grand dessein du nouveau président français semble-t-il celui d’essayer de récupérer les actifs principaux de l'Algérie, ses élites, ses richesses et, bien sûr, l’actif principal : le pétrole et le gaz. Le tout dans un grand projet démoniaque : rétablir une sorte de nouveau protectorat.
Sarkozy caresse deux gros projets : l’Université franco-algérienne ; l’association entre Gaz de France (GDF) et Sonatrach. Au même moment, la plus grande banque du pays, le Crédit populaire (CPA), est proposée à cession aux étrangers. Un bloc de 51% du capital doit être cédé à un partenaire stratégique unique, les Algériens conservant une participation de 49%. Sur les six banques étrangères candidates au rachat, quatre sont françaises !
Sarkozy va vouloir profiter de la faillite nationale sous Bouteflika, de la maniabilité de ce dernier, pour faire avancer son grand dessein méditerranéen dont dépendent la recolonisation déguisée et la réhabilitation d’Israël.
L'hôpital cadenassé
C'est donc sans surprise que le Val-de-Grâce fut fermé aux regards des curieux.
Le black-out sur l’hospitalisation du président Bouteflika était total. L’hôpital de Val-de-Grâce était mieux gardé que Fort Knox. La presse ne trouve rien à se mettre sous la dent. Très tôt le matin, ils étaient déjà quelques dizaines de journalistes et caméraman stationnés, en groupes épars, à quelques mètres de l'hôpital. La météo n'arrange pas les affaires des journalistes. Bien que nous soyons à la fin du mois d'avril, il fait frisquet dans Paris. Les journalistes font le va-et-vient entre l'hôpital et les brasseries de la rue Berthelot du boulevard Port-Royal. L’attente est longue et, surtout, aléatoire, infructueuse. Contrairement à la précédente hospitalisation du président Bouteflika en 2005, rien ne filtre. Pas même la moindre fuite. Les autorités françaises se refusent à tout commentaire. Le seul ministre qui a fait mention de l'hospitalisation du président Bouteflika au Val-de-Grâce, Laurent Fabius, chef de la diplomatie française, s'était borné à souhaiter prompt rétablissement chef de l'État algérien, sans rien ajouter de plus. Auprès de l'administration de l'hôpital, il est carrément impossible d'avoir des les informations précises sur l'état de santé du président algérien. «Il va bien, c'est tout ce que l'on peut vous dire pour l'instant, lâche un représentant de l'équipe médicale qui précise «parler en son nom» et qu'il n'est ni chargé de communiquer des informations ni de rassurer l'opinion. Le président doit faire d'autres examens ce soir et probablement lundi et mardi. Vous saurez alors le résultat.» Savoir quoi ? C'est la bouteille à l'encre. L'hôpital ne communique pas : c'est la règle, ici, où l'on reçoit toutes sortes de grandes personnalités et où la discrétion est une obligation similaire à celle que s'imposent les banques suisses soumises au secret bancaire. Rien à attendre donc de l'administration du Val-de-Grâce. C'est clair, net et précis. À peine a-t-on appris que l'arrivée du président Bouteflika a été précédée par un branle-bas de combat dans le service hospitalier qui devait l'accueillir, des dizaines de malades ayant été transféré dans l'urgence vers d'autres pavillons de soins. Circulez il n'y a rien à voir ! Surtout pas cette année préélectorale où, derrière chaque mot on espère déceler l'indice qui confirmerait ou infirmerait la candidature du «président malade» à l’élection présidentielle prévue en 2014. Il règne, cela dit, une curieuse atmosphère autour de l'hôpital de Val-de-Grâce, comme une atmosphère d'incrédulité, de frustration. Le sentiment qu'on nous cache quelque chose est dans toutes les têtes. Un médecin algérien nous affirmait, la veille, qu'un accident vasculaire à cet âge est rarement bénin. Mais comment le confirmer ? Et auprès de qui ? On spécule. En 2005, on avait fini par tout savoir sur l'ulcère hémorragique. Cette année, on est incollable sur la fameuse «Ischémie». Plus personne parmi les journalistes chargés de couvrir l'affaire n'ignore que ce barbarisme médical signifie la privation d'apport sanguin et donc d'oxygène et que, le plus souvent, il est provoqué par un vaisseau sanguin qui se bouche. On a compris aussi que, dans le cas de Bouteflika, l'ischémie fut brève et donc le caillot s'est vite dissous, ce qui fait dire aux médecins algériens que l'État de santé du président algérien Abdelaziz Bouteflika «évolue bien», et qu'il n'a subi «aucune lésion irréversible». Soit. Mais pourquoi des «examens complémentaires » aussi médiatisés lorsque l'accident est jugé bénin ? Des médecins algériens qui ont fait le voyage avec le président, répète à qui veut bien les entendre que, même bref et minimes, ce genre d'accident est considéré comme une alerte sérieuse puisque une personne sur trois qui en fut victime a subi un véritable AVC dans l'année qui a suivi. Cela ne semble convaincre personne. Bon nombre de journalistes qui suivent l'affaire cette année, avaient couvert, en 2005, l'épisode "ulcère hémorragique", et se souviennent avoir été inondés de propos rassurants avant que, trois années plus tard, ils apprennent de la bouche du président Bouteflika lui-même qu'il avait été, en fait, "gravement malade" et qu'il a dû à la providence de s'en être sorti indemne. Comment croire en 2013 à la version rassurante des autorités algériennes ?
L. M.
Lire aussi :
- Retour sur les 80 jours "parisiens" de Bouteflika / 1. L'OMERTA
- Retour sur les 80 jours "parisiens" de Bouteflika / 2. LES FAUSSAIRES
- Retour sur les 80 jours "parisiens" de Bouteflika / 3. LE PROTÉGÉ
Commentaires (15) | Réagir ?
/-Tous les chefs d états Algériens,
-Depuis l'indépendance à ce jour,
-On peut les qualifiés de tous les qualificatifs,
-Qu’ils soient bons ou mauvais,
-Sauf celui de traîtres,
-Ils n’ont jamais étés traîtres,
-Et ils n’ont jamais trahis,
-Ou cherchés a brader leur pays.
-Verset 23 :
-Il est, parmi les croyants, des hommes,
-Qui ont été sincères dans leur engagement envers Allah.
-Certains d’entre eux ont atteint leur fin,
-Et d’autres attendent encore;
-Et ils n’ont varié aucunement (dans leur engagement),
-SOURATE 33, Verset 23.
AL-AḤZĀB (LES COALISES).
-« En vérité, l’Algérie n’a pas besoin de devenir membre associé de l’Union européenne puisque lors de la signature des traités de Rome en 1957,
-l’Algérie était département français.
-La France étant membre fondateur de l’Union européenne,
-Nous sommes donc déjà dans l’Union européenne ».
-Bouteflika, voulait dire qu’en 1957,
-On était déjà membre de l’union européenne,
-Comme département français dépendant de la France,
-Aujourd’hui, on est toujours membre de l union européenne,
-Pas en tant que département français dépendant de la France,
-Mais en tant que Nation Algérienne Souveraine, et à part entière,
-Le terme et les conditions changent radicalement.
-Vous n’est pas aussi Algérien que lui,
-Ni autant instruit et à la Hauteur que lui,
-Pourquoi ne citeriez vous pas ses propos,
-Lorsqu il a affirmé au gouvernement français que l’Algérie,
-A un droit sur la moitié du territoire français,
-Et que l’indépendance de la France,
-A été acquit grâce au millions d’algériens morts,
-Pour que la France est ce quelle est aujourd’hui.