La Tunisie retient son souffle avant un congrès salafiste
Les forces tunisiennes étaient sur le qui-vive samedi face au risque de confrontation avec des militants salafistes jihadistes qui ont maintenu leur congrès à Kairouan dimanche malgré son interdiction par le gouvernement dirigé par les islamistes d'Ennahda.
Sur la route de Kairouan (150 km au sud de Tunis), d'importants renforts policiers étaient déployés aux péages, selon une journaliste de l'AFP. Les agents fouillaient en particulier les "louages", ces transports collectifs reliant les villes tunisiennes. Des hélicoptères patrouillaient par ailleurs au-dessus de Kairouan et des barrages de policiers ont été installés à l'entrée de la ville pour fouiller des véhicules. Sur la place faisant face à la mosquée de Kairouan, lieu du rassemblement annoncé, des unités spéciales ont été déployées. Les fouilles semblent viser en particulier les hommes portant la barbe, un attribut salafiste.
"Nous avons pris toutes les dispositions pour que le meeting n'ait pas lieu. S'ils adoptent la logique du défi, je suis prêt à mourir pour ne pas leur permettre d'imposer leur loi", a déclaré à l'AFP un officier de police de Kairouan ne souhaitant pas être identifié. "On ne (les) laissera pas entrer en ville", a-t-il ajouté.
Sur des pages Facebook proches de la mouvance salafiste figuraient des infographies pour localiser les barrages et signaler des itinéraires pour les contourner. A Tunis, les forces de sécurité étaient aussi visibles en nombre, fourgons policiers et camions militaires patrouillant jusque dans les quartiers considérés comme des bastions d'Ansar Ashariaa. Cette organisation a décidé de défier les autorités en maintenant son congrès et en appelant les 40.000 militants qu'il revendique à venir à Kairouan, le centre spirituel et religieux de la Tunisie.
Pas de négociations
Le ministère de l'Intérieur a annoncé vendredi interdire le rassemblement en raison "de la menace qu'il représente pour la sécurité et l'ordre public". Le ministre Lotfi Ben Jeddou a souligné samedi à l'antenne de la radio Mosaïque-FM qu'"aucune négociation n'est en cours" avec le mouvement salafiste. Les ambassades occidentales ont pour leur part demandé à leurs ressortissants de ne pas se rendre à Kairouan ce week-end. Les politiques et médias ont dans l'ensemble salué la fermeté du pouvoir, tout en craignant que la situation dégénère en confrontation violente.
La Presse note que le maintien du congrès est "une provocation qui sonne comme un appel à la révolte de tous les extrémistes et fauteurs de troubles". Le parti islamiste radical Hizb ut Tahrir a lui dénoncé l'interdiction du rassemblement mais a appelé Ansar Ashariaa à s'y soumettre. "Nous considérons comme prioritaire et sage d'annoncer le report du congrès en en faisant porter la responsabilité entière au pouvoir", relève ce parti dans un communiqué. Autrement, "dimanche sera un jour de confrontation sanglante", prédit ce mouvement.
Le bras de fer entre le gouvernement et les groupuscules salafistes, longtemps tolérés par le parti au pouvoir Ennahda, s'est accentué après que les autorités ont reconnu la présence de combattants d'Al-Qaïda en Tunisie. Les forces tunisiennes pourchassent depuis fin avril deux groupes armés retranchés dans l'ouest du pays, près de l'Algérie. Seize soldats et gendarmes ont été blessés par des mines artisanales lors de cette traque.
La semaine dernière, le chef d'Ansar Ashariaa, Saif Allah Bin Hussein dit Abou Iyadh, un vétéran d'Afghanistan ayant combattu avec Al-Qaïda, avait déjà menacé de "guerre" le gouvernement et accusé Ennahda de mener une politique contraire à l'islam. Emprisonné sous le régime déchu de Zine El Abidine Ben Ali, puis libéré par une amnistie décidée après la révolution de janvier 2011, Abou Iyadh est en fuite depuis l'automne 2012, les autorités le soupçonnant d'être l'organisateur de l'attaque en septembre de l'ambassade américaine à Tunis (quatre morts parmi les assaillants).
La Tunisie a vu depuis la révolution se multiplier les violences orchestrées par la mouvance salafiste. Le pays est aussi déstabilisé par une profonde crise politique et la multiplication des conflits sociaux face à la misère et la pauvreté.
AFP
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