Où en sont les négociations pour l’accession de l’Algérie à l’OMC ?
Selon l’agence officielle algérienne APS "e ministre du Commerce, participe, depuis le 05 avril 2013 au 11e round formel de négociations multilatérales pour l’accession de l’Algérie à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et ce après une suspension, de cinq ans, des négociations". Les négociations piétinent depuis le 03 juin 1987, une équipe de négociateurs ayant entamé le 03 avril à Genève des négociations bilatérales entre l’Algérie et 12 pays pour obtenir de nouveaux soutiens.
Les pays membres de l’OMC accaparent plus de 95 % du commerce mondial et la majorité des pays de l’OPEP dont le niveau de production est bien plus élevé que celui de l’Algérie, les derniers en date étant l’Arabie Saoudite et la Russie, sont membres de cette organisation. L’Algérie a-t-elle une stratégie d’adaptation, évitant ce pilotage à vue, au gré de la conjoncture, pour bénéficier des effets de cette adhésion car pour le quotidien économique et financier britannique le Financial Times dans on édition du 05 avril 2013 compare "les dirigeants actuels du pays, pour les 14 dernières années à un chauffeur saisissant les commandes au volant, les yeux fixés sur le rétroviseur, incapable de se concentrer sur les problèmes à venir".
1.- Qu’en est-il du programme de Doha ?
Il y a lieu de préciser que les principales résolutions de la quatrième Conférence ministérielle, tenue à Doha, en novembre 2001, a examiné les problèmes que rencontrent les pays en développement pour mettre en œuvre les Accords actuels de l’OMC, c’est-à-dire les accords issus des négociations du Cycle d’Uruguay. La décision sur la mise en œuvre a porté sur les points suivants que nous résumons très sommairement : exception au titre de la balance des paiements : clarification des conditions moins rigoureuses énoncées dans le GATT. Cela est applicable aux pays en développement s’ils restreignent leurs importations pour protéger l’équilibre de leur balance des paiements. Puis un engagement en matière d’accès aux marchés, des délais plus longs sont accordés aux pays en développement pour leur permettre de s’adapter aux nouvelles mesures SPS des autres pays. Ensuite il y a l’assistance technique aux pays les moins avancés et examen de l’assistance technique dont le transfert de technologie aux pays les moins avancés. Les modalités d’application d’une disposition spéciale concernant les pays en développement, qui reconnaît que les pays développés doivent prendre spécialement en considération la situation des pays en développement lorsqu’ils envisagent d’appliquer des mesures antidumping ; la prorogation du délai imparti aux pays en développement pour mettre en œuvre l’Accord ; l’élaboration d’une méthode pour déterminer quels pays en développement satisfont au critère selon lequel leur PNB par habitant doit être inférieur à 1 000 dollars EU pour qu’ils puissent accorder des subventions subordonnées à l’exportation. De nouvelles règles autorisant les pays en développement à accorder des subventions dans le cadre de programmes qui visent « des objectifs légitimes en matière de développement », sans que cela donne lieu à une action en matière de droits compensateurs ; et enfin, l’examen des dispositions concernant les enquêtes en matière de droits compensateurs.
2.- Quelles incidences sur l’économie algérienne ?
Les principes du libre-échange sont identiques à ceux que l’on retrouve avec les accords d’association de l’Union européenne que l’Algérie est tenue d’appliquer depuis le 1er septembre 2005, l’Algérie ayant obtenu le report du dégrèvement tarifaire pour 2020 au lieu de 2017 posant d’ailleurs la problématique est ce que les entreprises algériennes publiques et privées (83% du tissu économique étant constituées en 2013 du commerce et 90% du tissu industrielle d’entreprises familiales) seront-elles concurrentielles. Il faut avoir une vision non statique mais dynamique pouvant être gagnant à moyen terme tout en perdant à court terme. Nous distinguerons les incidences générales des incidences sur les services énergétiques. En ce qui concerne les incidences générales, de ce qui précède, nous permet de mettre en relief les principes directeurs suivants : l’interdiction du recours à la « dualité des prix » pour les ressources naturelles, en particulier le pétrole (prix internes plus bas que ceux à l’exportation) ; l’élimination générale des restrictions quantitatives au commerce (à l’import et à l’export) ; obligation de mettre en place les normes de qualité pour protéger la santé tant des hommes que des animaux (règles sanitaires et phytosanitaires). L’obligation d’observer les règles de protection de l’environnement ; et enfin, récemment, l’OMC a introduit les aspects des capitaux et surtout la propriété intellectuelle dont la protection est une condition essentielle de l’investissement direct étranger et du développement de la sphère réelle, les pays membres s’engageant à combattre le piratage, (renvoyant à la construction de l’Etat de droit et, donc, à l’intégration de la sphère informelle). Les conséquences de tels accords sont : le démantèlement des droits de douanes et taxes pour les produits industriels et manufacturés sur une période de transition ; les relations de partenariat entre les deux parties seront basées sur l’initiative privée. Tous les monopoles d’Etat à caractère commercial sont ajustés progressivement pour qu’à la fin de la cinquième année après l’entrée en vigueur de l’accord, il n’existe plus de discrimination en ce qui concerne les conditions d’approvisionnement et de commercialisation des marchandises entre les ressortissants des Etats membres. La coopération économique devra tenir compte de la composante essentielle qu’est la préservation de l’environnement et des équilibres écologiques. En ce qui concerne les incidences sur les services énergétiques, l’Algérie se doit d’être attentive à la nouvelle stratégie gazière qui semble se dessiner tant au niveau européen qu’au niveau mondial et donc intégrer l’ensemble des paramètres et variables qui traceront la future carte énergétique du monde. Les accords dont il est question plus haut devraient faire passer les industries algériennes du statut d’industries protégées à des industries totalement ouvertes à la concurrence internationale. Ces accords prévoient à l’horizon 2017 la suppression totale des obstacles tarifaires et non tarifaires, avec d’énormes défis aux entreprises industrielles de notre pays. Si ces accords ne peuvent avoir que peu d’impacts sur le marché des hydrocarbures en amont, déjà inséré dans une logique mondiale (pétrole), il en va autrement de tous les produits pétroliers à l’aval qui vont être soumis à la concurrence européenne et internationale. Ainsi, la dualité des prix mesure par laquelle un gouvernement maintient des prix internes à des niveaux plus bas que ceux qui auraient été déterminés par les forces du marché et les restrictions à l’exportation. Autre incidence, l’ouverture à la concurrence du marché des services énergétiques qui concernent toutes les activités et l’urgence d’intégrer la sphère informelle domaine en Algérie. Enfin, l’environnement considéré comme un bien collectif, l’Algérie doit s’engager à mettre en œuvre les différentes recommandations contenues dans les chartes sur l’énergie. L’ouverture des frontières et la spécialisation accrue suscitée par la mondialisation s’imposent de nos jours à tous les pays, l’Algérie comprise.
En résumé, l’ensemble des contraintes imposées tant par l’Accord d’association avec l’Europe que de l’OMC peut arrimer l’économie algérienne à l’économie mondiale et jouer le rôle d’entraînement du développement économique et du progrès social. Ce qui suppose des réformes au niveau intérieur tant politique, social qu’économique par l’accélération de la réforme globale. Concrètement cela passe par la mise en place d’une véritable économie de marché concurrentielle à finalité sociale, l’Algérie étant toujours dans cette interminable transition depuis 1986, ni une économie administrée, ni une économie de marché, d’où les difficultés de régulation. Cela doit être sous-tendu par une bonne gouvernance et un Etat de droit, supposant une profonde moralisation avec ces scandales financiers qui menacent le fondement de l’Etat algérien et démobilisent la population car les réformes d’adaptation à court terme seront douloureux. Cela montre l’urgence d’une production et exportation hors hydrocarbures, une action pour plus de cohésion sociale évitant cette concentration injuste de la répartition de la rente renvoyant à un réaménagement profond des structures du pouvoir actuel assis sur la rente des hydrocarbures. Une autre politique salariale inexistante à ce jour est urgente afin de favoriser le travail, le savoir fondement de la dynamique de l’entreprise existant un lien dialectique entre la logique rentière et l’extension de la sphère informelle spéculative. C’est la condition d’atténuation du chômage et de la pauvreté et donc des tensions sociales afin de mettre fin à ce paradoxe : un Etat riche d’environ 200 milliards de dollars de réserve de change et des tensions sociales qui touchent la majorité des régions du pays.
Dr Abderrahmane Mebtoul, analyste international
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