Le FFS et la question électorale : bilan d’une stratégie calamiteuse (III)
Troisième volet de l'étude consacrée par le Dr Ramdane Redjala à la participation du FFS aux élections.
"Elections" présidentielles 9 avril 2009 : le FFS boycotte
A défaut de présenter un candidat, le Front des forces socialistes envisagea dès le 14 février de boycotter activement sur la scène nationale et internationale l’échéance présidentielle. Dans une interview à TSA.com, Karim Tabbou justifie ce choix en soulignant que "la réalité du pouvoir se trouve en dehors de tout cadre institutionnel et ne se soumet à aucun contrôle". Ce qui ne l’a pas empêché de participer à celle de 1999 alors que la nature du régime n’a pas changé. Dès lors, il tente vainement de dénoncer cette "élection" qui ressemble à celles qui l’ont précédée. Sur la scène diplomatique, domaine réservé du zaïm, son action a été inexistante. Le pouvoir ne se sent nullement menacé. A l’intérieur du pays, les rares initiatives furent interdites comme à Batna, Annaba et Sidi Bel Abbes. Mais dans l’ensemble, ses activités de boycott n’ont guère débordé les frontières de la Kabylie.
Si Karim Tabbou a pu tenir meetings à Béjaïa, Tizi Ouzou, Bordj Bou Arreridj et Sétif, il le doit à la spécificité de cette région, à son hostilité historique dès juillet 1962 au triumvirat Ben Bella-Boumediene-Khider. "Le FFS a défié le pouvoir en organisant, jeudi matin (2/04), durant plus d’une heure, malgré l’interdiction qui lui aurait été signifiée, un meeting sur la voie publique, devant le siège de sa section locale situé en plein centre de Tizi Ouzou." Le Soir d’Algérie 5 avril 2009.
Le FFS veut se donner le beau rôle en apparaissant comme le seul opposant à Bouteflika. Pourtant, lorsque le vent de la contestation se lève en janvier 2011 contre ce dernier, le zaïm freinera des quatre fers et savonnera la planche à la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) qui échappe à sa tutelle. Tel est le paradoxe de Hocine Aït Ahmed. Durant cette campagne électorale, Karim Tabbou sait à l’occasion caresser dans le sens du poil. Alors que les dirigeants du FFS s’efforcent d’occulter le mot Kabylie pour lui substituer celui de la "région centre", le premier secrétaire n’hésite pas cette fois à flatter l’orgueil des Kabyles. Evoquant le printemps sanglant de 2001 avec d’ailleurs l’arrière-pensée de le récupérer à postériori, il déclare : "C’est une insulte pour la région de la part de Bouteflika qui dit ignorer les commanditaires. Souvenez-vous, c’est Zerhouni qui a traité Guermah de voyou", Liberté 7 avril 2009.
Tout en étant absent de la compétition, le FFS entend surveiller le déroulement du vote afin d’évaluer le taux de participation. Pour cela, il compte mobiliser "1030 militants couvrant un échantillon exhaustif de 206 communes réparties en 35 wilayas [afin] de fournir toutes les informations relatives au scrutin en temps réel". La Tribune 8-04-2009. Ainsi, le communiqué n°2 du FFS s’appuie sur ces données pour faire état du désintérêt des Algériens. "Le taux de participation au scrutin présidentiel… ne dépasse pas les 18%..." FFS site officiel 9-04-2009 alors que le Ministre de l’Intérieur fait état d’une participation de 74.11%. Revenant sur cette réélection à la soviétique, K. Tabbou n’a pas de mots assez durs pour la dénoncer. "Bouteflika et ses sbires mériteraient le prix Nobel de l’escroquerie électorale. Décidément, une fabrication aussi gigantesque est la preuve que le peuple algérien est traité en ennemi comme au temps du gouverneur socialiste Naegelin." Le Soir d’Algérie 14-04-2009. Mais lorsqu’il fallait pousser à la roue de l’histoire pour dégommer Bouteflika au cours du premier trimestre 2011, Hocine Aït Ahmed et son cabinet noir avaient opté délibérément, comme en octobre 2002, de se muer en alliés objectifs du régime en dénonçant ceux qu’ils appelaient les émeutiers.
Les législatives du 10 mai 2012. Le FFS participe, le RCD boycotte
Afin de comprendre la participation du FFS à ce scrutin qui a fait couler beaucoup d’encre, il nous faut revenir au moment où le leader charismatique et son cabinet noir imposèrent un changement non pas tactique mais stratégique. En effet, le message qu’adressa Hocine Aït Ahmed le 18 novembre 2011, soit six mois avant les législatives, au conseil national fut d’une importance capitale. Son contenu marque une véritable rupture avec la ligne politique et annonce une révision déchirante.
Le message s’ouvre par une formule en arabe rédigée en caractères latins destinée à ses "frères et sœurs… Ikhwani, akhawati, que la paix soit avec vous." Habituellement, elle est suivie de l’expression berbère "azul" pour rappeler qu’il n’oublie pas l’autre composante du peuple algérien, les berbérophones. Cette fois, elle a disparu. Il est vrai que la Kabylie paraît calme voire même prostrée dans son malheur. Mais de nouveaux soubresauts ne sont pas à exclure. Elle ressurgira certainement à ce moment-là. Puis il y a cette phrase lourde de sens. "ll y a un temps pour toute chose en politique." Ce qui signifie que le moment de changer de cap est arrivé. Traduit dans les faits, cela donne :
Nouvelle sémantique
L’armée mais surtout l’ancienne sécurité militaire devenue DRS qui constitue le cœur du pouvoir n’est plus dans sa ligne de mire. Il fait appel à un vieux concept d’origine espagnole obsolète. "Les forces compradores qui ont confisqué l’indépendance algérienne veulent réaménager la façade d’un pouvoir de violence et de prédation et aussi lui donner un vernis démocratique." Voilà un glissement sémantique qui en dit long sur les changements à venir.
Neutraliser Karim Tabbou
Pour mettre en œuvre la nouvelle orientation, le leader ne fait plus confiance à l’impétueux premier secrétaire du moment. Il est donc urgent de le remplacer par quelqu’un de plus malléable, de plus obéissant ou simplement qui corresponde à la nouvelle phase qui s’ouvre. Le message stipule que le futur n°2 doit être susceptible de mobiliser "les énergies capables de nouer entre les militants du parti un contrat éthique [sic] et politique, qui les mette en mesure de la proposer aux Algériens et Algériennes de demain". Est-ce à dire que Karim Tabbou a démérité ? Mais son limogeage est un préalable nécessaire au virage concocté par le zaïm
Pourtant, en 2006, il a essuyé une grosse tempête à la direction du parti. Quels que soient les défauts de ce montagnard du Djurdjura, il a su donner des gages de fidélité. Mais avant de prononcer son verdict, Hocine Aït Ahmed n’hésite pas à le caresser dans le sens du poil. Après avoir rendu hommage aux militants, responsables et élus, il exprime son "estime" et sa "considération" à K. Tabbou dont "la force de conviction et le sens politique qu’il a démontré dans l’exercice de ses fonctions de Premier secrétaire le promettent à un bel avenir dans le parti". Cet avenir s’annonce tellement radieux que l’intéressé a disparu de toutes les structures dès le lendemain.
Je décide, vous exécutez !
C’est sans doute la nouvelle version de la démocratie à la sauce Aït Ahmed qui rappelle à ses militants de travailler avec "intelligence et imagination" avant de leur infliger ses directives. "Pour ma part, la feuille de route du parti m’apparaît clairement : des mesures immédiates doivent être prises pour permettre de développer notre action politique et aborder les échéances à venir dans de bonnes conditions. C’est pourquoi, en vertu des pouvoirs que me confèrent les statuts du parti, je décide le report du 5ème congrès et la tenue d’une convention nationale. Celle-ci permettra le débat le plus large et le plus libre autour des échéances électorales à venir. Et le consensus le plus large pour la prise de décision. Je nomme également le camarade Ali Laskri comme Premier secrétaire avec pour mission de rassembler les énergies du parti. J’ai pleinement confiance dans son aptitude à mener à bien cette mission."
Au moment même où K. Tabbou est dépouillé de toute responsabilité, Ali Laskri à qui il a succédé en avril 2007 est de nouveau propulsé au sommet du parti. Telle est la volonté du chef. Les deux hommes sont différents voir opposés. Autant le premier cultive un discours radical, agressif non seulement à l’égard du régime mais aussi envers ses adversaires, se montre tranchant dans ses décisions autant le second se veut souple, prêt à arrondir les angles. Il correspond donc à la nouvelle conjoncture qui consiste à négocier un virage à 180 degrés. Ce changement à la tête du secrétariat du parti à ce moment précis est loin d’être anodin, une simple alternance. Il annonce un changement d’attitude à l’égard du régime. En évoquant "les échéances à venir", Hocine Aït Ahmed et son cabinet noir se placent déjà dans la perspective d’une participation aux législatives du 10 mai 2012. Restent à préparer la base militante et l’opinion à ce retournement déjà envisagé. Dans ces conditions, le maintien de K. Tabbou dans ses fonctions représentait un risque majeur. "J’ai une ligne de conduite de radicalité des principes du parti (…) Mais le propre d’un parti est qu’il y a des opinions différentes qui s’expriment, … Il n’y a pas lieu de prendre ça [son limogeage] comme conséquence d’un conflit. On parle de démocratie, on la pratique", déclare-t-il à TSA.com du 18-11-2011. Avec habileté, il feint d’accepter la règle d’alternance mais sans être dupe.
Le report sine die du 5ème congrès et la décision unilatérale de lui substituer une convention permet à Hocine Aït Ahmed "d’annoncer la participation du FFS aux prochaines élections ! C’est également une manière bien intelligente d’éviter au zaïm de rentrer au pays, une « convention nationale » ne nécessité par sa présence comme cela aurait été le cas d’un congrès", écrit Kamel Amarni dans Le Soir d’Algérie du 19-11-2011. Le même ne manque de souligner la singularité de ce leader dans le paysage politique algérien. "Hocine Aït Ahmed qui s’impose un exil volontaire à Lausanne, fait de son parti, le FFS, un cas vraiment atypique : c’est le seul parti légal au monde à être géré par un président résidant à l’étranger ! Et ce, en parfaite violation de la loi sur les partis politiques." Rappelons qu’en 1982 déjà, ce refus de quitter les rivages du lac Léman fut une des causes de la rupture des frères Sadi et leurs amis avec le FFS et son leader.
Amorcer le changement de cap
Promu pour une deuxième fois aux fonctions de 1er secrétaire, Ali Laskri réunit l’exécutif du parti en session ordinaire le 9 décembre 2011 pour présenter les membres de la nouvelle direction. Celle-ci est profondément remaniée puisque 63% de ceux qui la constituaient au mois de juin n’y figurent plus. K. Tabbou n’apparaît dans aucune instance dirigeante. Dans ce parti, la dégringolade est brutale. Un seul reste immuable : le zaïm. A cette occasion, Mr Laskri déclare : "J’ai le sentiment que ma nomination au poste de 1er secrétaire… intervient à un moment où le FFS aborde une étape décisive tant sur le plan interne que sur le plan de la vie politique nationale." On ne peut être plus clair.
Chargé de mettre en musique une partition écrite par le leader et ses conseillers, Ali Laskri montre déjà le bout de l’oreille. "Nous sommes conscients que les échéances à venir, législatives et locales, surviennent dans un contexte international, régional et national particulier… Mais il est certain que ces échéances seront décisives pour les années à venir. C’est pourquoi nous avons le devoir d’initier un débat libre, franc, serein et responsable pour déterminer nos choix politiques et notre stratégie". La nouvelle donne apparue au Maghreb fournit à la direction du FFS un prétexte pour changer de ligne mais sans avoir le courage d’affranchir les militants. Il arrive au FFS ce que le parti de Mohammed Boudiaf, le PRS, a vécu dans les années 1976/1978 même si les contextes sont différents.
Préparer les esprits et saper l’influence de K. Tabbou
Dans cette perspective, le 1er secrétaire entreprend une tournée auprès des principales fédérations dans le but, officiellement, de "mettre la base sur le même point d’information que les instances dirigeantes du parti." En réalité, ces déplacements s’inscrivent dans une campagne de "restructuration" qui vise d’une part à faire avaliser aux militants le changement en cours et d’autre part à marginaliser les partisans de Tabbou. En effet, parmi les nombreux intérimaires qui se sont succédé à la tête du parti, ce dernier a été le seul à avoir exercé aussi longtemps, 55 mois, cette fonction. Il a donc laissé quelques empreintes.
Ali Laskri consacre sa première sortie du 23 décembre 2011 à la fédération d’Alger. Ce choix est loin d’être banal. Il traduit la volonté de la nouvelle direction qui cherche à réduire l’influence réelle et symbolique qu’exerce la Kabylie sur l’histoire de ce parti. A vrai dire cela a commencé depuis quelques années déjà. Accompagné de Rachid Halet, il déclare : "C’est une fédération très importante, vu la place stratégique qu’elle occupe dans le pays. Et nous allons lui accorder toute notre attention." FFS site officiel 24-12-2011.
Après la fédération d’Alger, c’est celle de Tizi Ouzou qui reçoit la visite du premier secrétaire le 13 janvier 2012 pour chapeauter la réunion-débat du conseil fédéral. Evoquant la convention nationale prévue pour le mois de février, il annonce : "Je souhaiterais préciser que la convention n’a pas pour vocation à décider de notre position concernant les prochaines législatives… mais d’exposer la synthèse du débat qui aura lieu dans le parti, il est donc essentiel que ce débat ait lieu." Liberté 14-01-2012 Curieuse conception de la démocratie. Voilà une convention qui se substitue au congrès mais dépossédée de toute prérogative. Autant dire qu’elle ne servira à rien si ce n’est à faire croire à l’existence d’un débat destiné surtout à amuser la galerie. Selon le n°2 du FFS, il appartient au conseil national de "se prononcer quant à la participation ou pas du FFS aux législatives de mai prochain". Le Soir d’Algérie 22 janvier 2012. Le FFS ne fait guère mieux que le régime en matière de démocratie. La réalité du pouvoir n’appartient ni aux militants, ni à de prétendues institutions prévues à cet effet. Elle se trouve concentrée entre les mains du leader entouré de son premier cercle.
La convention du 17 février 2012
Elle apparaît surtout comme un moyen de mobiliser la base et d’occuper l’espace médiatique. Elle n’est habilitée à prendre aucune décision. Quant au débat interne, c’est une fiction. Il est contrôlé du début à la fin. Dans son discours d’ouverture, Ali Laskri a fait un long détour pour aborder le sujet du jour et affirmer que la participation s’avère inévitable. "La conjoncture internationale, son impact sur le pays, introduisent de nouveaux paramètres dans l’équation politique algérienne et la problématique de l’élection législative." FFS site officiel 17-02-202.
Ce qui ne l’empêche pas de maintenir le suspense, en ajoutant : "La décision n’est pas arrêtée." Puis il explique l’échec de la mandature 1997-2002 en accablant ses anciens camarades : "Par ailleurs, les participants à nos débats ont soulevé la question de savoir si l’on peut être «dans le système» sans être du système, c’est-à-dire comment rester dans le jeu politique tout en remettant en question ses règles. Si dans le passé nous n’avons pas pu, par notre participation, réussi à changer ces règles, nous savons aujourd’hui que nos élus avaient aussi leur part de responsabilité. Certains d’entre eux ont mal rempli le mandat qui leur a été confié par les militants."
Quant à Hocine Aït Ahmed, considérant que sa présence physique n’est pas indispensable à cette rencontre, il ne déroge pas à ses habitudes. Il apporte sa contribution sous forme de texte lu à la tribune. Tout en écrivant qu’il "est peu probable que les prochaines élections soient des élections ouvertes", il affirme en même temps que le boycott "ne peut assurer qu’il constitue une alternative efficace à la participation." FFS site officiel 17 février 2012. Entre ces deux positions, le leader du FFS a déjà choisi. Entre le boycott qu’il a longtemps pratiqué voire même initié dans l’Algérie indépendante, il préfère cette fois cautionner des élections bidon et envoyer des "députés" au sein d’une Assemblée croupion avec bien sûr tous les avantages y afférents. Il y a donc rupture avec la ligne antérieure à novembre 2011.
Le message de confirmation du 2 mars 2012
Avant même que le conseil national de son parti ne délibère, il confirme la décision d’aller aux législatives. "Mon opinion concernant cette élection est faite depuis un certain temps. J’ai pourtant tenu à prendre la température au sein du parti et à m’imprégner des délibérations des militants avant de me prononcer." Quelle belle hypocrisie. Il décide d’abord et consulte après. Il ne reste plus au conseil national qu’à entériner. Pour justifier son bon vouloir, il ajoute : "Je considère que la participation à ces élections est une nécessité tactique pour le FFS qui s’inscrit en droite ligne de notre stratégie de construction pacifique de l’alternative démocratique à ce régime despotique, destructeur et corrompu." Ce discours repris à l’unisson par les apparatchiks reviendra d’une manière récurrente jusqu’au jour du scrutin. Rappelons au patron du FFS qu’il a été l’un des premiers sinon le premier à recourir à la violence armée et à avoir entraîné la Kabylie dans une impasse au lendemain de l’indépendance. Qu’il se soit reconverti depuis au pacifisme on ne peut que s’en féliciter. Mais tant qu’il occultera sa responsabilité dans le sang versé de septembre 1963 à juin 1965, tant qu’il n’aura pas procédé à une autocritique sincère sur cette période douloureuse pour la Kabylie et qui a laissé des traces indélébiles, son discours pacifique ne sera pas crédible.
Une fois la décision de participer officiellement entérinée, il reste à l’imposer à une base troublée et à certains cadres franchement hostiles. Ces derniers l’ont manifesté par des libres opinions publiées dans la presse. Ils estiment que la direction issue du remaniement de novembre 2011 fait fausse route et qu’elle a dévié de la ligne suivie jusque-là. Cinq anciens ex-premiers secrétaires : Mustapha Bouhadef, Ali Kerboua, Djoudi Mammeri, Karim Tabbou, rejoints plus tard par Samir Bouakouir dénoncent cette dérive menée au pas de charge.
La course à la candidature
Le mandat de député est une fonction très convoitée par les nouveaux cadres du FFS issus pour la plupart de l’administration. Outre l’influence politique, économique et sociale qu’il peut exercer au niveau régional et national, le député bénéficie d’un traitement fort généreux comparé au salaire moyen en Algérie. Ce qui explique la rude concurrence entre les nombreux prétendants. Le bureau fédéral de Tizi Ouzou a reçu une centaine de dossiers tandis que celui de Bejaïa environ quatre-vingt. Le choix s’annonce difficile.
Le FFS partenaire du pouvoir et coup de barre à droite
Jamais le parti de Hocine Aït Ahmed ne s’est mobilisé autant pour un scrutin. Si la base renâcle, en revanche toute la direction est sur le pied de guerre. Durant la campagne électorale, le même discours est ressassé. Aucune position concrète intéressant la vie des citoyens n’est avancée. La nouveauté si l’on peut dire est venue d’un homme réservé jusque-là, Mohand Amokrane Chérifi. Malgré une discrétion voulue, il joue cependant un rôle considérable au sein du FFS et il est fort possible qu’il succède au leader charismatique. Ancien directeur des industries manufacturières et diverses au ministère des Industries légères, il est nommé par décret du 1er juin 1980 directeur de la planification et du développement des industries dans le même ministère. Il devient ensuite ministre du Commerce dans le 2ème gouvernement de Abdelhamid Brahimi. Fonctionnaire de l’ONU en tant que coordinateur de l’Alliance mondiale pour contre la pauvreté dans le cadre du programme des Nations unies pour le développement (PNUD), il est président du Comité d’éthique (ancienne commission de discipline) et conseiller écouté du résident de Lausanne. Son influence est réelle. Il a réglé avec doigté les litiges surgis lors de la désignation des candidats. Ses apparitions publiques se font de plus en plus fréquentes. Outre ces compétences, il a un autre avantage sur ses éventuels concurrents, il partage avec le zaïm la même origine maraboutique. Et ce n’est pas rien.
Invité à exprimer le point de vue du FFS par le Forum des chefs d’entreprises (FCE), il a critiqué la politique économique du régime. "L’Algérie s’est placée hors du combat économique qui s’est engagé à l’échelle planétaire. Elle s’est barricadée dans une stratégie défensive au lieu de s’organiser pour entrer dans la bataille" déclare-t-il. Favorable au secteur privé, il souhaite "libérer l’entreprise des contraintes administratives, fiscales et financières" et que "l’Etat soit un élément de soutien et non un élément de blocage de l’activité économique." Il ne fait pas mystère de ses préférences pour le système libéral et soutient que son parti est celui "des libertés, de toutes les libertés. De la liberté d’expression à la liberté d’entreprendre. Il faut laisser les entreprises agir qu’elles soient privées ou publiques." Cette annonce en faveur des entrepreneurs privés est relayé par celle de M. Laskri qui fait des appels du pied en direction de certaines personnes du régime voire de la haute administration. "Dans les institutions, il y a des gens qui aiment le pays". A ceux-là, le FFS "leur dit qu’il est temps de se manifester pour la construction d’une alternative démocratique." En allant au devant des désirs du patronat, en sollicitant certains dignitaires du système, le FFS dévoile ses intentions. Il ne veut plus rester dans l’opposition. Cette fois, il cherche réellement à s’insérer dans les rouages du régime. Reste à voir jusqu’où ira sa compromission.
Tout ça pour 27 sièges
Les résultats proclamés le 12 mai par le ministre de l’Intérieur ne sont pas à la hauteur des concessions consenties et encore moins au vu des dégâts causés au sein du parti et auprès de l’opinion. Le DRS (ex-sécurité militaire) qui a la haute main sur les élections en Algérie lui a octroyé 21 sièges, soit deux de plus qu’en 1997. Après maints recours, le Conseil constitutionnel, probablement sous contrôle lui aussi, lui concède un petit cadeau de 6 sièges. C’est à peine s’il compense l’augmentation du nombre de députés passant de 380 en 1997 à 462 aujourd’hui. Un article paru le 5 janvier dernier dans le quotidien El Watan évoque les deux derniers scrutins (APC/APW et sénatorial). Son auteur, le politologue Rachid Grim écrit que "c’est le MPA [ex-UDR] de Amara Benyounès qui a raflé la mise, avec l’aide zélée de l’administration. Quant au FFS et au RCD, ils sont restés ce qu’on a toujours voulu qu’ils soient : deux partis kabyles, se contentant des miettes. Avec une palme pour le FFS qui semble avoir vendu son âme pour quelques sièges à l’APN. Ils ont tous deux offert à leurs militants et aux citoyens le spectacle affligeant d’un marchandage de places de président et de vice-président d’APC et d’APW avec le FLN, le RND et même les islamistes de l’AAV. Des marchandages contre nature qui n’avaient d’autre objectif que de s’éliminer l’un l’autre."
Ramdane Redjala (à suivre)
L'auteur est docteur ès Lettres, spécialiste de l'histoire contemporaine de l'Algérie. Il a écrit notamment L'opposition en Algérie depuis 1962, paru chez Editions Rahma.
Lire aussi:
Le FFS et la question électorale : bilan d’une stratégie calamiteuse (I)
Le FFS et la question électorale : bilan d’une stratégie calamiteuse (II)
Le FFS et la question électorale : bilan d’une stratégie calamiteuse (IV)
Commentaires (6) | Réagir ?
Il y a la stratégie de la mangeoire dans laquelle le DRS vous a plongé. Cessez de leurrer le peuple kabyle!Sachez messieurs du FFS et tous les autres qui font semblant de faire de l'opposition, que seul le MAK, cherche l'intérêt du peuple Kabyle!Oui on, est un peuple avec nos us et coutumes, et qu'on a été la victime de ce pouvoir mafieux et assassin, qui ne fait que nous assassiner et aliéner depuis 1962!Qu'avons gagné depuis 1962?On a eu que désolation, provocation, mort, assimilation, embargo, déni identitaire, racket, kidnappings, voles, incendies. Alors, cessez de vous foutre du peuple kabyle!!Cessez de croire au père Noel!depuis quand les partis kabyles ont leurs partisans en dehors du pays kabyle?jamais!Sachez aussi que nos compatriotes ont toujours été solidaires des palestiniens, des Afghans, des irakiens, des bosniaques, voir des tchétchènes, mais jamais des luttes kabyles, dont pourtant les revendications sont nationales ;à l'image des droits de l'homme, de la lutte contre l'injustice, de la démocratie, de la demande de l’allocation chômage revendiqué dans la plate forme d'Elkseur, d'un état de droit auxquels nos compatriotes sont toujours restés sourds et muets, et dont les référents sont malheureusement aux antipodes de nos revendications!Nos compatriotes veulent revenir au temps des Califes et de Mohamed, ils ne veulent pas travailler pour l'avenir, ils regardent dans le rétroviseur opaque de la péninsule arabique médiévale, ils sont beaucoup plus préoccupé par l’au delà que par leur proche avenir. Alors, une fois pour toute, tachez d'unir nos forces, de nous mettre autour d'une table en tant que kabyle, que ce soit FFS, RCD, MAK, je crois qu'on défend le même projet de société c'est e plus important, la même identité, et surtout l'ouverture dans l'universalisme et bannir tous les archaïsmes que vous cautionnez avec ce pouvoir qui vous aliène depuis toujours!le reste n'est que tricherie, duperie, mensonges, perte de temps, on a déjà perdu 1/2 siècle à essayer de démocratiser le reste de 'Algérie, chose impossible, cela ne les intéresse pas, je crois que l'exemple de ce que l'occident nomme printemps arabe, que moi je nomme tornade, est assez édifiant, que la culture arabe n'a généré et ne générera que du négatif, car les arabo musulmans sont insolubles dans le modernisme, la démocratie, la laïcité, qu'ils déclarent illicite, alors que, c'est tout ce qu'ils entreprennent qui est illicite!Pendant que l'occident explore l'espace, eux, spéculent du matin au soir sur le licite et l'illicite!la fin du pétrole a déjà commencé, soyez lucides et arrêtez de faire passer vos intérêts bassement matériel au détriment de tout un peuple, toute une cause noble, car l'histoire ne pardonne jamais si l'on veut la marquer d'une grande empreinte ou se retrouver dans sa poubelle!
Seul le MAK est le digne représentant de la Kabylie, quand aux autres, ils sont dépassée eux et leur pseudo opposition!