Le football, ultime levier pour sauver le système Bouteflika
Plus que tout autre régime politique autoritaire et populiste, le régime d’Alger, sans aucun scrupule, continue à recourir aux stratégies les plus abjectes et les plus cyniques pour imposer sa dictature au peuple, malgré son caractère démocratique consacré par la constitution.
Sa principale méthode consiste en premier lieu à le dépolitiser par une répression violente de toute activité politique d’opposition qu’il manifeste en complète violation de ses droits constitutionnels, pour le rendre ensuite facilement disposé à la propagande populiste, qu’il lui distille par un dosage mesuré en longueurs d’année. Sa propagande permanente, qui se mesure aux efforts déployés en longueurs d’années pour son autolégitimation, se décuple aux moments des échéances électorales pour imposer ses candidats à l’opinion, au-delà de toute considération de boycott et de fraude électorale, sur le mode cynique du fait accompli.
C’est sur ce mode que l’acceptation du quatrième mandat présidentiel au profit d’Abdelaziz Bouteflika est en passe d’être imposée à l’opinion et ce malgré son caractère illégal, suite à la violation de la constitution depuis déjà le troisième mandat. Sans surprise donc, on a pu constater en ce vendredi 29 mars 2013, que la candidature d’Abdelaziz Bouteflika à sa succession pour un quatrième mandat présidentiel s’est clairement précisée. Tous les amateurs de football en Algérie et au sein de l’émigration ont pu voir en direct sur les chaînes publiques de télévision, dont Canal Algérie qui est largement regardé par les ressortissants algériens résidents à l’étranger, la grande banderole déployée dans le stade du 5 Juillet à l’occasion de l’ouverture du matche MCA-CSC comptant pour les quarts de finale de la coupe d’Algérie sur laquelle était inscrit en très gros caractères à côté de l’image de Bouteflika : "Les supporteurs du Mouloudia veulent un quatrième mandat pour son excellence Abdelaziz Bouteflika". Reprise en gros plan par les chaînes de télévision publique, en espérant que l’impact psychologique sur les téléspectateurs, très nombreux à cette occasion, soit à coup sûr sans appel en sa faveur. Bien que cette propagande est complètement illégale, car elle viole la déontologie du sport, qui doit observer une neutralité par rapport à la politique.
C’est par ces méthodes populistes que le pouvoir autoritaire d’Alger mène campagne. Par ailleurs, pour contrer et disqualifier ses opposants ou concurrents potentiels, ce n’est certainement pas, comme la constitution l’impose, sur la base d’une confrontation des projets politiques des différents candidats. Pour éliminer ses adversaires, il lui faudra tout simplement leur interdire l’accès aux médias publics et même privés, sous peine de sanction de ces derniers s’ils dérogent à la règle. Ses clients zélés s’occuperont ensuite de la disqualification et de la décrédibilisation de ses adversaires en des accusations mensongères, par un accès illimité aux médias publics, sans être inquiétés par une justice aux ordres pour diffamation. C’est le cas pour Louisa Hanoune qui a accusé récemment Ahmed Benbitour, candidat officiel aux élections présidentielles de 2014, d’incitation aux troubles à l’ordre public et intelligence avec l’ennemi, pour avoir été accusé d’être le responsable et l’instigateur des contestations des chômeurs dans le Sud algérien. Dans un état de droit de tels propos sont passibles d’acte d’accusation pour diffamation et doivent être portés devant la justice, surtout devant ce cas, pour la gravité des accusations proférées contre un candidat à la présidentielle.
En fait, la propagande pour un quatrième mandat présidentiel au profit d’Abdelaziz Bouteflika a déjà commencé aux lendemains des législatives du 10 mai 2012. Ce sont généralement les clients du pouvoir, ceux les plus zélés, car les plus rétribués, qui donnent le holà en premier. Ce fut le cas en décembre 2012 lorsque Amara Benyounès, le secrétaire général du Mouvement populaire algérien (MPA), considéré comme la troisième force politique en Algérie d’après les résultats des élections locales de novembre 2012, qui s’est dit favorable à un quatrième mandat d’Abdelaziz Bouteflika en ces termes : "Que l’on veuille ou non, le peuple algérien aime Bouteflika, c’est une réalité", a-t-il ainsi déclaré. Une déclaration performative qui met le peuple devant le fait accompli de son amour pour son Président, qu’il soit légitime ou non, qu’il l’aime réellement ou non, enfin "qu’il le veuille ou non !". À la suite de cette déclaration, le ton de la campagne présidentielle, prévue en 2014, est donné. À partir de janvier 2013 de plus en plus de voix s’élèvent pour soutenir ouvertement la candidature d’Abdelaziz Bouteflika à l’occasion de cette échéance. Ainsi, après Amara Benyounès, ce fut le tour du groupe des parlementaires du FLN, ensuite celui du parti Tadjamou Amal Jazair (TAJ), présidé par Amar Ghoul, de proclamer leur soutien à sa candidature. Viens ensuite le tour des prétendants à l’intronisation parmi la clientèle privilégiée du pouvoir de faire allégeance, par leur soutien au quatrième mandat présidentiel au profit d’Abdelaziz Bouteflika. Ce fut le cas en février 2013, pour Abdelfetah Ziraoui Hamadache, le président du Front de la Sahwa Libre, un parti salafiste, d’afficher publiquement son soutien à un quatrième mandat présidentiel pour Abdelaziz Bouteflika. Ce dernier considère que Bouteflika est le mieux indiqué pour veiller à la morale islamique dans l’éducation de la société.
Mais, entre temps, les graves scandales de corruption, qui ont éclaboussé l’entourage le plus proche d’Abdelaziz Bouteflika, ont terni l’image du pouvoir jusqu’à l’écœurement du peuple, en le poussant à un rejet profond de tout ce qui le représente et en premier le Président de la République. Cette situation va inciter les propagandistes du pouvoir à redoubler d’efforts et d’imagination pour réaliser des prouesses de plus en plus laborieuses encore pour manipuler l’opinion au profit d’une image plus solvable de leur candidat. C’est alors que Abdelaziz Bouteflika va endosser l’habit du père de la Nation en feignant être scandalisé par ces actes immoraux de corruption qui sont accomplis dans son entourage proche en promettant de mettre tout son pouvoir pour condamner les coupables. Une rhétorique, en somme, qui ne fait plus recette aux yeux de l’opinion, car c’est lui-même et le système de pouvoir qu’il représente qui est en premier considéré comme responsable devant cette situation. La confiance déjà fragilisée par le caractère illégitime de son autorité va subir une grande altération, dont les conséquences sur l’écart du fossé entre le pouvoir et le peuple vont déboucher sur une rupture béante et sans précédent.
La dernière manœuvre en date, par laquelle il voulait s’apitoyer sur une générosité affective d’une population qu’il continue à considérer comme mineure politiquement, s’est traduite par une mesquinerie originale par rapport à son répertoire démagogique habituel. À cette occasion, un conseiller à la Présidence de la République, dont le nom n’a pas été révélé, a été dépêché auprès du quotidien arabophone El-Khabar, en tout début de ce mois, qui avait indiqué qu’Abdelaziz Bouteflika ne serait pas intéressé par un quatrième mandat présidentiel. Car, indique ce haut cadre de l’État : "Franchement, les informations qu’il reçoit chaque jour ne l’assurent pas. Il est également très affecté par le scandale Sonatrach et ne serait pas content non plus du bilan de ses ministres". Toutefois assure cette même source : "Il réfléchirait à se représenter pour un quatrième mandat si le peuple insistera à le lui demander." C’est à ce moment-là ! qu’il va se rabattre sur l’un de ses plus bas commis dans l’échelle de la clientélisation, en l’occurrence le coordinateur de la section football du MC Alger, Omar Ghrib, pour le charger de cette mission d’apitoiement sur les supporteurs du Mouloudia. Par le confectionnement de cette honteuse et scandaleuse banderole exhibée sans pudeur au stade du 5 Juillet à l’occasion du matche MCA-CSC comptant pour les quarts de finale de la coupe d’Algérie, ce vendredi 29 mars 2013, qui signera sans doute le commencement de la fin d’un système politique qui n’a que trop durer. Ce signe est venu des supporteurs du MCA eux-mêmes, qui ont confectionné leur propre banderole en réponse à cette méprise et qu’ils ont largement diffusés sur la toile, sur laquelle était inscrit : "Les supporteurs du Mouloudia veulent la condamnation de Chekib khelil et ceux qui le protègent" en substituant l’image de Bouteflika par celle de Chekib Khelil.
Youcef Benzatat
Commentaires (27) | Réagir ?
Thadarth math hmmel chtachta, th tsek gmezwura azditshouchoun blla achthki.
Je complète ce que j'ai écrit ici bas : " des sociétés de bienfaisance entiérement dévouées au système et qui auront pour mission de réparer tous les effets dévastateurs de 13 années d'une gouvernance parsemée d'echecs et de regressions par l'assistance alimentaire et des actions caritatives de proximité dignes de l'armée du salut. Les causes profondes qui ont mené à cette situation catastrophique on ne vous en parlera pas, elles seront escamotées derriére la grande générosité et les gestes bienfaiteurs de nos responsables politiques au grand coeur qui se mettront à jouer les sauveteurs dans des calamités qu'ils ont répandues eux-mêmes par leur piétre gouvernance. Ils récoltent ainsi le beurre et l'argent du beurre. Ils ont rien à perdre d'avoir à générer d'autres calamités tant qu'ils y sont au pouvoir. "