Chronique : Les immigrés ne menacent pas l'emploi, par Annie Kahn
ontrairement à une idée répandue, en particulier par certains ténors politiques de droite, les citoyens d'un pays n'ont aucune raison de se sentir professionnellement menacés par l'arrivée de travailleurs étrangers. Les immigrés de plus longue date ont, en revanche, plus de souci à se faire.
Trois économistes - Francesco D'Amuri, de la Banque d'Italie, Gianmarco Ottaviano, professeur à l'université de Bologne (Italie), et Giovanni Peri, professeur à l'université de Californie (Etats-Unis) - ont analysé l'impact de l'immigration sur l'emploi et les salaires en Allemagne de l'Ouest, entre 1987 et 2001.
Les résultats de leur recherche, qu'ils viennent de publier sur le site du Center for Economic Policy Research (CEPR), montrent que, durant cette période et pour cette population, l'immigration n'a pas eu de répercussion sur l'emploi des travailleurs allemands, quel que soit leur niveau d'éducation.
Ils notent néanmoins un léger impact sur les salaires. Durant cette période, les salaires des employés ayant un niveau d'éducation faible ou moyen ont en effet augmenté de 0,36 % à 1,04 %, alors que ceux des employés ayant un niveau d'éducation élevé ont baissé de 1,49 %. Cette différence serait due, selon les auteurs, au fait que durant cette période la concentration de travailleurs immigrés parmi la population hautement qualifiée était, en Allemagne, supérieure à la concentration d'immigrés dans le reste de la population.
Car, après la chute du Mur, la population migrante vers l'Allemagne a changé de nature. Elle a consisté, pour l'essentiel, en citoyens en provenance des pays de l'est de l'Europe alors que, précédemment, l'Allemagne avait accueilli des travailleurs turcs ou en provenance des pays du sud de l'Europe, très peu éduqués. La seconde vague d'immigration a accru l'offre de travailleurs qualifiés, poussant les salaires de ces derniers à la baisse, sans menacer, toutefois, leurs emplois. En revanche, cette nouvelle population immigrée a déstabilisé le marché du travail de ceux qui les avaient précédés. En moyenne, pour deux nouveaux arrivants, un émigré "ancien" aurait perdu son emploi. Cette substitution a principalement affecté les employés qualifiés, pour les mêmes raisons historiques. Cette seconde vague a aussi provoqué une baisse plus forte des salaires, de 1,64 %, des anciens émigrés.
Mais, ajoutent les auteurs, si le marché du travail allemand avait été aussi flexible que le marché britannique, permettant de réduire davantage les salaires, en particulier, les immigrés anciens n'auraient pas perdu leur travail, et le contribuable allemand aurait eu moins d'impôt à payer, puisque l'Etat aurait eu moins de chômeurs à supporter.
Certes, précisent les chercheurs, ces résultats dépendent de la rigidité du marché du travail étudié, du profil de ses travailleurs, immigrés et nationaux. Si le cas de l'Allemagne n'est pas comparable à celui de la Grande-Bretagne ou des Etats-Unis, il présente en revanche des points communs avec celui de la France.
A bon entendeur...
Annie Kahn
Article paru dans l'édition du Monde du 20.03.08
Trois économistes - Francesco D'Amuri, de la Banque d'Italie, Gianmarco Ottaviano, professeur à l'université de Bologne (Italie), et Giovanni Peri, professeur à l'université de Californie (Etats-Unis) - ont analysé l'impact de l'immigration sur l'emploi et les salaires en Allemagne de l'Ouest, entre 1987 et 2001.
Les résultats de leur recherche, qu'ils viennent de publier sur le site du Center for Economic Policy Research (CEPR), montrent que, durant cette période et pour cette population, l'immigration n'a pas eu de répercussion sur l'emploi des travailleurs allemands, quel que soit leur niveau d'éducation.
Ils notent néanmoins un léger impact sur les salaires. Durant cette période, les salaires des employés ayant un niveau d'éducation faible ou moyen ont en effet augmenté de 0,36 % à 1,04 %, alors que ceux des employés ayant un niveau d'éducation élevé ont baissé de 1,49 %. Cette différence serait due, selon les auteurs, au fait que durant cette période la concentration de travailleurs immigrés parmi la population hautement qualifiée était, en Allemagne, supérieure à la concentration d'immigrés dans le reste de la population.
Car, après la chute du Mur, la population migrante vers l'Allemagne a changé de nature. Elle a consisté, pour l'essentiel, en citoyens en provenance des pays de l'est de l'Europe alors que, précédemment, l'Allemagne avait accueilli des travailleurs turcs ou en provenance des pays du sud de l'Europe, très peu éduqués. La seconde vague d'immigration a accru l'offre de travailleurs qualifiés, poussant les salaires de ces derniers à la baisse, sans menacer, toutefois, leurs emplois. En revanche, cette nouvelle population immigrée a déstabilisé le marché du travail de ceux qui les avaient précédés. En moyenne, pour deux nouveaux arrivants, un émigré "ancien" aurait perdu son emploi. Cette substitution a principalement affecté les employés qualifiés, pour les mêmes raisons historiques. Cette seconde vague a aussi provoqué une baisse plus forte des salaires, de 1,64 %, des anciens émigrés.
Mais, ajoutent les auteurs, si le marché du travail allemand avait été aussi flexible que le marché britannique, permettant de réduire davantage les salaires, en particulier, les immigrés anciens n'auraient pas perdu leur travail, et le contribuable allemand aurait eu moins d'impôt à payer, puisque l'Etat aurait eu moins de chômeurs à supporter.
Certes, précisent les chercheurs, ces résultats dépendent de la rigidité du marché du travail étudié, du profil de ses travailleurs, immigrés et nationaux. Si le cas de l'Allemagne n'est pas comparable à celui de la Grande-Bretagne ou des Etats-Unis, il présente en revanche des points communs avec celui de la France.
A bon entendeur...
Annie Kahn
Article paru dans l'édition du Monde du 20.03.08
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