Kenya : le pays retient son souffle en attendant son nouveau président
Les Kényans étaient suspendus mardi à la publication des résultats de l'élection présidentielle, qui tombaient au compte-gouttes mais donnaient invariablement le vice-Premier ministre Uhuru Kenyatta en tête, cinq ans après un précédent vote qui avait tourné au bain de sang.
En fin d'après-midi, aucun commentateur politique ne se risquait encore à pronostiquer qui des deux favoris, Uhuru Kenyatta ou le Premier ministre Raila Odinga, allait l'emporter. Ou si un second tour serait nécessaire. Mais l'avance de M. Kenyatta sur M. Odinga n'a cessé de se confirmer depuis la fermeture des bureaux de vote lundi soir. A 17H00 (14H00 GMT), M. Kenyatta était crédité de 2,7 millions de voix, soit d'une avance d'environ 600.000 voix d'avance sur M. Odinga. Ces résultats partiels portent sur environ 42% des 31.981 bureaux de vote qui ont fait parvenir leurs résultats à la Commission électorale indépendante (IEBC), soit un bon tiers du corps électoral de plus de 14,3 millions de personnes.
A 68 ans, Raila Odinga tente sa chance pour la troisième et sans doute dernière fois, face à Uhuru Kenyatta, 51 ans, fils du "père" de l'indépendance du pays. Uhuru Kenyatta est, lui, inculpé de crimes contre l'humanité par la Cour pénale internationale pour son implication présumée dans l'organisation des violences qui avaient émaillé l'élection présidentielle de 2007. En troisième position, l'autre vice-Premier ministre Musalia Mudavadi est très largement distancé avec environ 133.000 voix.
Il reste cependant difficile d'extrapoler ces résultats. Seuls 600.000 bulletins ont été dépouillés dans la capitale Nairobi (1,7 million d'électeurs) et à peine plus de 30.000 dans Mombasa, deuxième ville du pays (400.000 électeurs). Plus de 270.000 bulletins ont par ailleurs été invalidés, peut-être en raison de la complexité inédite du scrutin de lundi. Les Kényans devaient en effet élire également leurs députés, sénateurs, gouverneurs (exécutif départemental), membres de l'Assemblée départementale et un quota de femmes à l'Assemblée nationale.
Le scrutin a été marqué par une participation supérieure à 70%. La publication des résultats partiels, retransmise en directe par les principales chaînes de télévision du Kenya, était suivie avec beaucoup d'attente et d'anxiété dans un pays encore traumatisé par les violences sans précédent ayant suivi les résultats contestés du précédent scrutin présidentiel en décembre 2007.
Dans le centre-ville désert de Kisumu (ouest), fief de M. Odinga, une dizaine d'hommes, l'air dépité, ont regardé les résultats s'afficher sur une télévision d'un petit kiosque. "Il y a beaucoup de tension. Les gens ne sont pas contents de la façon dont les choses se déroulent", explique Nicholas Ochieng, 24 ans, même si, dit-il, "il est encore trop tôt" pour s'avouer vaincu. "Les gens ici disent que c'est maintenant ou jamais" pour M. Odinga, qui a déjà échoué deux fois à la présidentielle "et ils n'accepteront pas la défaite". "Nous sommes inquiets et nous avons pris note avec gravité de l'échec des systèmes de reconnaissance biométriques (mis en place dans les bureaux de vote) ainsi que du nombre énorme de bulletins annulés", a déclaré le colistier de Raila Odinga, Kalonzo Musyoka.
La Commission électorale du Kenya a enjoint aux partis politiques d'"accepter son autorité" et de la "laisser travailler". "Votre travail est de participer à des élections; le nôtre est de les organiser", leur a lancé le président de la IEBC, Ahmed Issack Hassan. La commission électorale a sept jours pour proclamer les résultats officiels. Mais pour prévenir tout soupçon de manipulation, elle diffuse en temps réels les résultats provisoires, transmis par SMS par les bureaux.
Fin 2007, la lenteur et l'opacité du dépouillement de la présidentielle avaient renforcé les soupçons de fraude chez les partisans de M. Odinga, déjà candidat. L'annonce de la victoire du président sortant Mwai Kibaki - qui à 81 ans, ne se représente pas cette année -, avait alors déclenché une violente contestation. Plus d'un millier de personnes avaient été tuées dans des affrontements politico-ethniques sans précédent et plus de 600.000 déplacées.
Avec AFP
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