Débat Yannayer : l'avis de Rabah Aït Messaoud
Un jour, ce sera bien aussi en Algérie.
Par Rabah Aït Messaoud
La chronique "Ici mieux que là-bas" d’Arezki Metref dans le quotidien Le Soir d’Algérie en date du 20 janvier 2013, est consacrée à la célébration de Yennayer à Tripoli. Il laisse éclater sa joie, formule son étonnement et ose rêver un peu, dire ses regrets de ne pas voir cette célébration exister également en Algérie pour partager cette joie avec l’ensemble de notre peuple. Le récit de cet événement lui a été conté par l’éditeur Ramdane Achab, grand militant de l’identité Amazigh, invité à y assister. Tous deux sont fortement émus par cet événement.
D’autres lectures de cette chronique sont manifestement possibles, comme celle de Madame Zohra Mahi, dans laquelle l’ignorance côtoie la haine de soi. Cette dame, est "interloquée" par le fait qu’Arezki Metref ait comparé la fête officielle libyenne aux manifestations pour le moins discrètes qui célèbrent Yennayer ailleurs et en particulier en Algérie (Naïr n’étant qu’une déformation de ce mot par les personnes ne connaissant pas la langue Amazighe).
Comment en effet, ne pas faire un parallèle avec notre situation : l’Algérie a réprimé à tour de bras les tenants de la cause Amazighe. Souvenons-nous des années de plomb du dictateur Boumediene pendant lesquelles prononcer le mot amazigh, avoir un alphabet berbère en tifinagh sur soi était passible d’un enlèvement par la sécurité militaire. Aujourd’hui la répression est plus subtile et multiforme, mais la volonté farouche, pathologique d’éliminer toute trace de la culture et langue amazighes est toujours d’actualité avec Bouteflika. Ce serait un signe d’espoir fort que de reconnaitre cette fête comme étant une fête amazighe algérienne afin qu’elle soit célébrée dignement par toutes les familles aux quatre coins de notre pays. Cela avec éclat, avec –ainsi que Mme Mahi le dit- «toute la pompe requise», comme bien des peuples fêtent l’an nouveau dans le monde. N’est-il pas juste et opportun de demander, par conséquent, aux autorités compétentes d’en faire un jour férié ?
Notre lectrice n’en reste pas là, sa colère est palpable dès l’instant où elle évoque la Kabylie, «sacro sainte Kabylie» écrit-elle: "brûlot de propagande éhontée", "dimension mystique" "coloration politique et idéologique" "cliver, diviser, disséminer la haine et le racisme", "tant que vous œuvrerez pour la division, vous vous condamnez à rester une minorité", etc. J’ai relu la chronique d’Arezki Metref plusieurs fois, je n’ai trouvé aucune raison pour justifier toutes ces "amabilités". Ce n’est pas possible, me suis-je dis, ce n’est pas le texte d’Arezki Metref qu’elle a lu et auquel elle répond. On peut facilement constater que celui-ci ne parle quasiment pas de la Kabylie, contrairement à elle…
Mme Mahi et le gouvernement algérien doivent accepter le changement, signe de vie. Le monde entier a assisté en direct à de véritables bouleversements planétaires et célébré avec faste la tombée du mur de Berlin consacrant ainsi la réunification de l’Allemagne, la fin de l’apartheid en Afrique du sud, l’élection d’un Noir aux Etats-Unis. Mais l’Algérie droite dans ses bottes "arabo-islamiques" continue de se piétiner elle-même.
Ce problème identitaire lancinant, car c’est bien de cela qu’il s’agit, auquel nous sommes confrontés ne prend pas ses racines à l’indépendance. Il est le prolongement de la crise dite Berbériste de 1949. Pour rappel c’est à l’issue de cette crise dite berbériste que certains des dirigeants de l’époque se prononcèrent pour une Algérie "arabo–islamique". Il faut suivre le fil de l’Histoire jusqu’à l’invasion arabo-islamique pour comprendre ce choix. Kateb Yacine nous disait ceci à ce propos : "Cette religion nous a été imposée par les armes à travers des dizaines d’années de lutte sanglantes, d’oppression et d’écrasement de notre personnalité profonde…" Ou encore : "L’aliénation profonde de notre peuple repose sur le mythe arabo-islamique."
Les mots clé pour comprendre notre situation d’aujourd’hui sont lâchés : "aliénation et mythe arabo-islamique…" Cependant avec cette souveraineté arrachée grâce aux luttes de notre peuple et au prix de d’énormes souffrances, nous étions en droit d’espérer voir s’ouvrir bien des horizons pour le rayonnement de notre culture, réconciliant ainsi notre peuple avec son identité amazighe.
Au contraire nos dirigeants clivent, divisent, manipulent identité et religion. La décennie noire que les Algériens ont connu ne tombe pas du ciel, elle est tout simplement le fruit de leur politique. Pour se maintenir au pouvoir, ces dirigeants n’hésitent pas à tremper leurs mains dans le sang et les larmes des victimes pour proposer aux assassins une «concorde civile», minant ainsi le pays pour longtemps encore…
Voici pêle-mêle, succinctement et sans être exhaustif, les quelques réflexions que m’ont inspirés l’article d’Arezki Metref et la réaction de Mme Zohra Mahi. Si un débat respectueux de chacun s’ouvre entre les lecteurs, il ne pourra qu’être enrichissant pour notre pays.
Rabah Aït Messaoud
LE DEBAT :
Lire la chronique d'Arezki Metref
Lire la réponse de Madame Mahi
lire le point de vue de Hend Sadi
Lire le point de vue de M. Boudarène
Lire l'avis d'Arezki Nait Abdellah
Commentaires (2) | Réagir ?
A l'origine, je me souviens tout petit dans mon village natal sur la cote kabyle, entendre les grandes personnes invoquer yennayer et le féter, c'était surtout pour indiquer une nouvelle année agraire, repère pour les populations amazighs qui vivait essentillement de l'agriculture.
Devenu adulte, je me suis rendu compte que des extrémistes bérbéristes par absence de repère et voulant ignorer toute l'histoire récente des kabyles ont décidé (je me demande toujours de quel droit) de remonter à la préhistoire de donner une toute autre signification et surtout de lui attacher un événement (chechnaq) complètement étranger à l'algérie et à la kabylie, voilà ce qu'on trouve d'ailleurs sur wikipedia :
Origines: Vers 1968, l'Académie berbère a proposé de créer une "ère berbère" tout comme il y a une ère chrétienne et une islamique, et a fixé comme an zéro du calendrier berbère les premières manifestations connues de la civilisation berbère, au temps de l'Égypte ancienne, lorsque le roi numide Chechonq Ier (Cacnaq) fondateur de la 22e dynastie égyptienne prit le trône et devint pharaon en Égypte. Avant d'envahir la Palestine, il réunifia l'Égypte en l'an 950 avant J. -C. À Jérusalem, il s'empara de l'or et des trésors du temple de Salomon (un grand évènement cité dans la Bible).
À partir de là personnellement, je ne donne plus aucune importance à cette date falsifiée je ne sais dans quel but, le pire dans tout cela est que ce Cacnaq n'a pas réunifié thamazgha mais l'egypte!!!! il n'a pas fondé une dynastie amazigh mais egyptienne! ca devrait être les egyptiens qui féteraient un tel événement et pas nous.
À cause de cela, je pense que la dame a entièrement raison, chacun à le droit de féter cette date chez soi en lui donnant la signification qu'il désire mais on ne peut pas obliger tous les algériens et surtout pas tous les kabyles à féter quelque chose qui n'a aucun sens pour eux ou un roi libyen qui n'est même oas d'origine algérienne ou à compter 2963 de je ne sais quel événement car si le monde commencer à compter une nouvelle année à chaque bataille gagnée ou à chaque fois qu'un tyran envahit un autre pays, il nous faudrait plus de 365 jours et reconstruire le concept de l'année.
Voilà malheureusement ce qui arrive quand par manque de repères par haine de l'arabe et de l'islam, on veuille à tout pris imposer une histoire préhistorique au détriment de notre histoire plus récente et connue même moi, un kabyle, je refuse cette masacarade et cette décision de 1968!
Franchement sidérant! Rattacher Yennayer à la Kabylie alors que tout le monde le sait il est fêté partout en Afrique du Nord y compris les zones dites arabophones, alors qu'il s'appelle Naïr ou autres la racine reste la même. En Algérie, que vous allez à Tlemcen ou à Timimoun, Annaba ou Cherchel, partout pareil, et c'est tout un symbole c'est un référent identitaire important sauf si bien sûr on a la haine de soi, on a peur d'être amazigh... alors l'académie berbère, chechnaq ou je ne sais c'est une fuite en avant...