France : l'excision menace encore des fillettes, surtout pendant les vacances
La pratique de de l'excision a diminué en France, mais le risque demeure pour les fillettes qui repartent "au pays" pendant les vacances, d'où l'urgence de mettre définitivement fin à cette mutilation dans le monde, alertent les acteurs engagés dans le combat.
Mercredi, la journée internationale de la tolérance zéro à l'égard des mutilations génitales féminines est l'occasion de rappeler que trois millions de petites filles risquent chaque année d'être excisées, en plus des 100 à 140 millions de femmes qui le sont déjà. En amont, un site francophone "excisionparlonsen.org" a été lancé vendredi à Paris, pour comprendre ce que représentent ces mutilations, qui sont pratiquées pour des raisons d'ordre sociologique (en prévenant le désir sexuel, l'excision empêcherait les expériences sexuelles prénuptiales) religieux ou coutumier (perpétuer une tradition, protéger une identité). Illégales dans une vingtaine de pays africains, en Europe, aux Etats-Unis et au Canada notamment, ces pratiques ont, en novembre dernier, fait l'objet d'une condamnation de l'ONU, qui a appelé à y mettre fin.
Selon les chiffres des Nations-Unies publiés mercredi, elles commencent à reculer: dans les 29 pays de l'Afrique et du Moyen-Orient où elles sont concentrées, 36% des jeunes filles âgées de 15 à 19 ans l'ont subie en moyenne, contre environ 53% des femmes âgées de 45 à 49 ans. Etant donné les tendances actuelles, au moins 30 millions de filles âgées de moins de 15 ans peuvent encore y être exposées, selon les dernières évaluations de l'Unicef.
En France, la loi d'avril 2006 a permis de réprimer les excisions commises à l'étranger à l'encontre d'une victime résidant en France, et à une femme de porter plainte jusqu'à 20 ans après sa majorité.
"Malgré cela, on peut penser que l'excision est encore pratiquée en dehors de France, lors d'un retour au pays, même si le nombre de femmes concernées reste mal connu", souligne Richard Matis, vice-président de Gynécologie sans frontières. "Par le biais de procès, on a pu faire comprendre la gravité de l'acte", estime de son côté Linda Weil-Curiel, avocate à la CAMS (commission pour l'abolition des mutilations sexuelles), qui a plaidé une quarantaine d'affaires devant différentes cours d'assises. Les protections maternelles et infantiles (PMI), chargées de surveiller les enfants de moins de six ans, ont aussi joué un rôle de prévention.
Symbole du passage à l'âge adulte
"Grâce à cette surveillance, les petites filles vivant en France sont protégées de l'excision entre 0 et 6 ans, mais le risque existe quand elles repartent au pays pendant les vacances, où elles peuvent être excisées et souvent mariées de force dans la foulée", prévient Isabelle Gillette-Faye, sociologue et directrice du Groupe pour l'abolition des mutilations sexuelles (GAMS).
Selon les derniers chiffres disponibles, environ 50.000 femmes adultes résidant en France sont excisées. Si du début des années 1980 au début des années 1990, entre 70% et 80% de leurs filles étaient elles-mêmes excisées, elles sont aujourd'hui 11%. Une diminution qui s'explique, selon Mme Gillette-Faye, par l'évolution de la législation, les procès, les campagnes d'abandon dans les pays d'origine ou le meilleur niveau d'instruction des dernières générations de migrants.
Mais "si on questionne les parents sur leurs intentions, on estime que trois filles sur dix sont encore menacées", poursuit la sociologue. "Tout dépend de la famille restée au pays et de sa volonté de perpétuer la coutume". Pour les "matrones", qui opèrent dans les villages d'Afrique, "l'excision symbolise le passage à l'âge adulte", souligne la chorégraphe ivoirienne Martha Diomandé, fille et petite-fille de matrone, elle-même destinée à exciser, aujourd'hui engagée contre cette pratique. "La faire cesser dans certains villages sera un travail de longue haleine", pense-t-elle, jugeant que c'est "par l'émancipation des femmes que ça doit s'arrêter".
Excisée entre 4 et 5 ans, Sister Fa, se souvient "juste de la douleur". "Ma mère m'avait dit de ne pas pleurer, pour ne pas déshonorer mes tantes", témoigne cette chanteuse sénégalaise de 30 ans. "Elle ne m'a pas mutilée, elle m'a excisée pour me mettre dans les normes de la société", estime-t-elle, jugeant que c'est bien souvent "l'ignorance" qui conduit à perpétuer cette coutume ancestrale. Elle se dit d'autant plus déterminée à sensibiliser les populations, notamment les plus jeunes, pour l'abandon de l'excision, que "si ça s'arrête en Afrique, ça s'arrêtera en Europe".
AFP
Commentaires (1) | Réagir ?
pauvres africains, ils sont nuls partout