RSF/rapport liberté de la presse : l’Algérie classée 125e

Le rapport de RSF illustre encore le recul de la liberté de la presse dans le monde.
Le rapport de RSF illustre encore le recul de la liberté de la presse dans le monde.

Dans le rapport précédent (2012), l’Algérie était classée 122e. Elle a perdu trois places dans le rapport que vient de rendre public Reporters sans frontières.

Loin derrière le Mali en proie à la guerre, le Kirghiztan, le Tchad ou l’Ouganda, l’Algérie a été classée par RSF 125e. Un place peu honorable quand on connaît la récurrente gloire qu’exploite le pouvoir de cette pseudo-liberté de la presse. 

En tête du classement, les trois pays européens qui occupaient les premières places l’an dernier composent à nouveau le trio de tête. Pour la troisième fois consécutive, la Finlande se distingue comme le pays le plus respectueux de la liberté de la presse. Elle est suivie par les Pays-Bas et la Norvège. Même si sont pris en compte de nombreux critères, les violences exercées contre les journalistes comme le cadre juridique, les pays démocratiques occupent la partie haute du classement. Tout en bas, trois pays dictatoriaux composent le “trio infernal”. Il s’agit des mêmes que l’an dernier, le Turkménistan, la Corée du Nord et l’Érythrée.

“Le Classement mondial publié par Reporters sans frontières ne tient pas compte directement de la nature des régimes politiques. Néanmoins, il apparaît clairement que les démocraties protègent mieux la liberté de la production et de la diffusion des informations factuelles que les pays dans lesquels les autres droits humains sont méprisés”, observe Christophe Deloire, Secrétaire général de Reporters sans frontières. “Dans les dictatures, les acteurs de l’information s’exposent à des représailles impitoyables pour eux-mêmes et pour leurs proches. Dans nombre de démocraties, ils font face à la crise économique de la presse et aux conflits d’intérêts. Si leurs situations ne sont pas toujours comparables, il convient de rendre hommage à tous ceux qui résistent aux pressions, qu’elles soient martiales ou diffuses.”

Du sommet aux abîmes

Les pays nordiques démontrent une nouvelle fois leur capacité à assurer et maintenir un environnement optimal pour les acteurs de l’information. La Finlande (1er, 0) les Pays-Bas (2nd, +1) et la Norvège (3ème, -2) conservent ainsi les trois premières positions. Le Canada (20ème, -10) évite de justesse de sortir de la liste des vingt pays les mieux cotés. A noter l’entrée dans le classement d’Andorre (5ème) et du Liechtenstein (7ème) qui se placent juste derrière le trio de tête.

A l’autre bout du Classement, le « trio infernal » (Turkménistan, Corée du Nord, Érythrée) conforte sa position en queue de classement. L’arrivée de Kim Jong-un à la tête du Royaume ermite n’a rien changé au contrôle absolu de l’information qui y prévaut. Récemment agitée par une courte mutinerie militaire au ministère de l’Information, l’Érythrée (179ème, 0) continue d’être une prison à ciel ouvert pour sa population. Des journalistes y meurent en détention. Malgré un discours réformiste, le régime turkmène ne cède pas un pouce de son contrôle totalitaire sur les médias.

Pour la deuxième année consécutive, le “trio infernal” est précédé par la Syrie (176ème, 0), où se déroule une guerre de l’information sanguinaire. Au sortir d’une année meurtrière pour les journalistes, la Somalie (175ème, -11) sombre dans les tréfonds du classement. L’Iran (174ème, +1), la Chine (173ème, +1), le Vietnam (172ème, 0), Cuba (171ème, -4), le Soudan (170ème, 0) et le Yémen (169ème, +2) complètent la liste des dix pays les moins respectueux de la de liberté de la presse. Non content d’emprisonner des journalistes et net-citoyens à tour de bras, l’Iran se distingue par d’abjectes pressions sur les familles des journalistes, sur son territoire comme à l’étranger.

Des améliorations majeures…

Au rang des progressions les plus importantes, le Malawi (75ème, +71) remporte la palme, pour revenir quasiment à la position occupée avant les dérives de la fin de la présidence Mutharika. La Côte d’Ivoire (96ème, +63) en sortant de la crise post-électorale entre partisans de Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, remonte très fortement dans le classement, pour retrouver sa meilleure position depuis 2003. La Birmanie (151ème, +18) confirme sa légère augmentation observée dans la précédente édition. Grâce au printemps birman, des mesures d’ouverture sans précédent permettent au pays, classé chaque année depuis 2002 dans les quinze derniers rangs, d’accéder à une position historiquement haute. L’Afghanistan (128ème, +22) enregistre également une progression sensible. L’absence de journalistes emprisonnés explique cette hausse ; pour autant de nombreux défis restent à relever, notamment avec le retrait des troupes étrangères.

… et des chutes vertigineuses

Le Mali (99ème, -74) enregistre la plus forte chute du classement suite aux événements qui ont frappé le pays dans le courant de l’année 2012. Le putsch militaire du 22 mars à Bamako et la prise du nord du pays par les indépendantistes touaregs et des groupes islamistes armés ont exposé les médias du nord du pays à la censure et aux exactions. La Tanzanie (70ème, -36) perd plus de trente places. En l’espace de quatre mois, un journaliste a été tué alors qu’il couvrait une manifestation et un autre a été retrouvé mort, manifestement assassiné.

Secoué par des mobilisations socio-économiques, le Sultanat d’Oman (141ème) perd 24 places, la plus forte baisse enregistrée pour la zone Moyen-Orient/Afrique du Nord en 2012. Près de 50 net-citoyens et blogueurs ont été poursuivis pour ‘crimes de lèse majesté’ et/ou ‘crimes de cybercriminalité’ ne serait-ce qu’en 2012.

Si les journalistes qui y exercent bénéficient d’une véritable liberté de ton malgré l’existence de la censure militaire, Israël (112ème, -20) chute en raison des exactions commises par l’armée israélienne dans les territoires palestiniens, désormais intégrées dans le calcul, au lieu de faire l’objet d’une catégorie répertoriée, mais séparée.

En Asie, miné par un manque de transparence et un droit d’accès à l’information quasi nul sur les sujets liés de près ou de loin à Fukushima, le Japon (53ème, -31) enregistre une forte chute qui sonne comme un avertissement. La Malaisie (145ème, -23) atteint la position la plus basse qu’elle ait jamais occupée, et affiche une chute importante due à un accès à l’information de plus en plus limité. Même cas de figure au Cambodge (143ème, -26) où l’autoritarisme et la censure se renforcent. Une lourde peine de prison a été prononcée contre un doyen du journalisme. La Macédoine (116ème, -22) enregistre également une baisse de plus de vingt places, entre retraits arbitraires de licence et dégradation du climat d’exercice de la profession de journaliste.

Le bilan mitigé des mouvements de contestation

La précédente édition du classement était fondée sur une actualité particulièrement riche, portée par les printemps arabes, dressant le bilan du lourd prix payé par les acteurs de l’information à la couverture des mouvements de contestation. En 2012, des cas de figure se distinguent, entre les pays où des changements de régime se sont produits (Tunisie, Égypte, Libye), les États où les rébellions et leur répression ont encore cours (Syrie, Bahreïn), et enfin les pays où les autorités ont réussi à faire suffisamment de compromis et de promesses pour calmer de potentielles revendications de changement politique et/ou socio-économiques (Maroc, Algérie, Oman, Jordanie, Arabie saoudite...).

Certains nouveaux gouvernements engendrés par ces mouvements, dont les revendications et les aspirations à davantage de libertés avaient été largement relayées par les journalistes et les net-citoyens, se retournent contre ces derniers. La Tunisie (138ème, -4), et l’Égypte (158ème, +8), entre vide juridique, nominations à la tête des médias publics, agressions physiques, procès à répétition et absence de transparence, stagnent à des positions peu glorieuses qui donnent à la Libye (131ème, +23), en progression cette année, une idée des écueils à éviter pour assurer et pérenniser sa transition vers une presse libre.

En Syrie (176ème, 0), pays le plus meurtrier pour les journalistes en 2012, une guerre de l’information fait rage et n’épargne ni les journalistes ni les net-citoyens, pris à partie par le régime de Bashar Al-Assad, prêt à tout pour réprimer en silence, mais aussi par des factions proches de l’opposition, de plus en plus intolérantes face aux voix discordantes. Au Bahreïn (165ème, +8), la répression baisse très légèrement en intensité, au Yémen (169ème, +2) les perspectives restent inquiétantes malgré un changement d’exécutif. La vague d’arrestations de net-citoyens à Oman(141ème, -24) fait chuter le pays, secoué par des revendications socio-économiques.

Dans d’autres pays touchés par des mouvements contestataires, les situations évoluent pour le meilleur comme pour le pire. Le Vietnam (172ème, 0), qui avait perdu 6 places dans la précédente édition, n’a pas su les reprendre et la deuxième prison du monde pour les net-citoyens figure parmi les dix pays les plus mal classés. L’Ouganda (104ème, +35) reprend un rang plus convenable sans toutefois atteindre celui qui était le sien avant la répression des mouvements de contestation de 2011. L’Azerbaïdjan (156ème, +6) et le Bélarus (157ème, +11), qui avaient également sombré vers le fond du classement l’an dernier du fait de la violente répression des manifestations d’opposition, ne font que se rapprocher de la place déjà exécrable qu’ils occupaient auparavant. Le Chili (60ème, +20) remonte au classement, après avoir connu une chute vertigineuse dans la précédente édition, qui l’avait vu passer de la 33ème à la 80ème place.

L’instabilité politique place les journalistes dans l’œil du cyclone Dans un certain nombre de pays, l’instabilité politique segmente la profession journalistique, et rend très difficile la production d’une information indépendante. Dans de tels contextes, les menaces et les agressions physiques sont fréquentes, ainsi que des purges au sein des rédactions. Aux Maldives (103ème, -30), un coup d’État latent fait chuter dramatiquement le pays, où les journalistes considérés favorables à l’ancien chef de l’État sont victimes de menaces et d’attaques. Au Paraguay (91ème, -11), le coup d’État parlementaire du 22 juin 2012 a fortement impacté le secteur audiovisuel public, qui a souffert d’une vague de licenciements abusifs, dans un contexte de répartition inéquitable des fréquences. En Guinée-Bissau (92ème, -17) l’armée a renversé le pouvoir entre les deux tours d’une élection présidentielle et a appliqué une censure militaire sur la presse, justifiant la chute sensible du pays dans le classement. Au Mali (99ème, -47), un coup d’État militaire a fortement contribué à un climat tendu, de nombreux journalistes ont été agressés dans la capitale, et les médias publics sont, depuis le putsch, contrôlés par l’armée. Si les troubles observés au cours du mois de janvier 2013 en République centrafricaine (65ème, -3) ne compteront que dans la prochaine édition du classement, la situation de la liberté de la presse se précarise et fait craindre le pire.

Des “modèles régionaux” qui ne sont pas à la hauteur

Sur quasiment tous les continents, des “modèles régionaux”, dont l’influence dépasse les frontières nationales, perdent pied dans le classement. En Amérique latine, le Brésil (108ème, -9), moteur économique de la région, poursuit sa chute amorcée l’année dernière. Les cinq journalistes qui ont perdu la vie en 2012, ainsi que des problèmes persistants de pluralisme des médias, expliquent cette dégradation. En Asie, l’Inde (140ème, -9) est à son pire niveau depuis 2002. En cause : un climat d’impunité grandissant et une censure du Net qui continue à se développer. LaChine (173ème, +1) ne montre aucun signe d’amélioration. Ses prisons détiennent toujours un grand nombre de journalistes et de net-citoyens, alors que la censure du web, de plus en plus impopulaire, demeure un obstacle majeur dans l’accès à l’information.

La Russie (148ème, -6) perd encore plusieurs places du fait du tour de vis répressif mis en place depuis le retour à la présidence de Vladimir Poutine, en réponse à la mobilisation sans précédent de l’opposition. Le pays reste également marqué par l’impunité intolérable de nombreux assassins et agresseurs de journalistes. La Turquie (154ème, -6), dont l’importance sur l’échiquier politique s’est encore accrue du fait du conflit syrien, s’enfonce un peu plus dans le classement. Le pays est à ce jour la première prison au monde pour les journalistes, en particulier ceux qui développent des vues critiques des autorités sur la question kurde. Rien de comparable avec l’Afrique du Sud (52ème, -10) qui garde une place très honorable - la liberté de l’information y est une réalité - mais qui recule d’année en année jusqu’à sortir pour la première fois des cinquante pays les mieux classés. Le journalisme d’investigation y est menacé par la Loi de “Protection des informations d’État”.

R.N/RSF

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