Mali : scènes de pillage à Tombouctou
Des magasins supposés appartenir à "des Arabes" assimilés aux islamistes ont été pillés mardi à Tombouctou par une foule en colère, au moment où des donateurs réunis à Addis Abeba promettaient plus de 455 millions de dollars pour aider le Mali.
Face au "risque d'exactions" et de représailles, le Premier ministre français Jean-Marc Ayrault a souhaité "le déploiement rapide d'observateurs internationaux" pour veiller "au respect des droits de l'Homme".
A Tombouctou, au lendemain de l'entrée sans combat des soldats français et maliens, des centaines de personnes, visiblement très pauvres, ont attaqué des magasins tenus, selon elles, par "des Arabes", "des Algériens", "des Mauritaniens", accusés d'avoir soutenu les islamistes armés liés à Al-Qaïda.
Dans certaines boutiques, des munitions et des radios militaires ont été découvertes, a constaté l'AFP. Mais l'essentiel de la population était occupée à se saisir surtout de télévisions, antennes satellite, nourriture, meubles, vaisselle...
Human Rights Watch (HRW) avait demandé lundi aux autorités de prendre "des mesures immédiates" pour "protéger tous les Maliens de représailles", évoquant "des risques élevés de tensions inter-ethniques" dans le Nord, où la rivalité est forte entre les minorités arabes et touareg souvent assimilées à des islamistes, et les Noirs, majoritaires au Mali.
A Bamako, se projetant dans l'après-guerre, les députés ont voté mardi à l'unanimité la mise en place d'une "feuille de route" politique, qui prévoit une discussion avec certains groupes armés dans le cadre de la "réconciliation nationale".
La communauté internationale a régulièrement insisté auprès du régime de transition à Bamako sur la nécessité d'une "double approche", à la fois politique et militaire, pour résoudre la crise malienne.
La "feuille de route" ne fixe aucune date pour la tenue d'élections, mais le président malien par intérim Dioncounda Traoré a déclaré à Addis Abeba qu'il espérait qu'elles pourraient avoir lieu avant le 31 juillet. L'envoyé spécial de l'ONU pour le Sahel, Romano Prodi, a encouragé le gouvernement du Mali à préparer des listes électorales "dès maintenant".
A Addis Abeba, Union africaine (UA), Union européenne (UE), Japon, Etats-Unis et ONU participaient à une conférence des donateurs qui a levé 455,53 millions de dollars (338,6 M EUR), destinés aux besoins militaires et humanitaires du Mali.
"La situation exige une réponse internationale rapide et efficace, car elle menace le Mali, la région, le continent et même au-delà", a estimé Nkosazana Dlamini-Zuma, présidente de la commission de l'UA.
Sur le terrain, 3.500 soldats français et 1.400 soldats ouest-africains, ainsi qu'un contingent tchadien, sont déployés au côté de l'armée malienne. Au total, 8.000 soldats africains sont attendus mais leur déploiement est ralenti par des problèmes de financement et de logistique.
"Prendre les montagnes"
Les témoignages se sont aussi multipliés sur la destruction de précieux manuscrits datant de plusieurs siècles dans cette cité qui fut la capitale intellectuelle et spirituelle de l'islam en Afrique subsaharienne aux XVe et XVIe siècles et une prospère cité caravanière. Le maire a parlé de "crime culturel" a propos de l'Institut Ahmed Baba, incendié par les islamistes, qui abritait entre 60.000 et 100.000 manuscrits, mais le nombre exact des manuscrits brûlés n'est pas connu.
L'opération sur Tombouctou est survenue deux jours après la prise de Gao, plus importante ville du nord et un des bastions islamistes, à 1.200 km au nord-est de Bamako.
A Ansongo, à 80 km au sud de Gao, une centaine de pick-up et 4x4 surmontés de mitrailleuses et de véhicules blindés légers des armées nigérienne et malienne est entrée en ville sous les vivats des habitants.
"Laissez-moi voir ces libérateurs !", criait une femme, au milieu des klaxons et des pancartes célébrant le Niger, le Mali et la France, dans cette ville occupée jusqu'à il y a peu par les islamistes du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao).
Après Gao et Tombouctou, les regards se tournent vers Kidal (extrême nord-est), troisième grande ville du nord, à 1.500 km de Bamako.
Kidal serait désormais sous le contrôle des Touareg du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) et des dissidents du groupe islamiste Ansar Dine (Défenseurs de l'islam), qui ont formé le Mouvement islamique de l'Azawad (MIA). Algabass Ag Intalla, responsable du MIA, a réaffirmé sa volonté de "dialogue" et assuré que son mouvement ne visait pas "l'indépendance" du nord du Mali. "A Kidal, si tu as les montagnes, c'est toi le chef. Donc il faut prendre les montagnes", a-t-il expliqué.
Selon une source de sécurité malienne, les principaux responsables des groupes islamistes se sont réfugiés dans les montagnes près de la frontière algérienne. Des centaines de personnes ont fui Kidal vers des villages du nord, en direction de la frontière algérienne, selon le Haut-Commissariat aux réfugiés de l'ONU, qui affirme que l'accès à la nourriture et aux biens de première nécessité a été sérieusement affecté par le conflit et la fermeture de la frontière.
Un haut responsable de l'ONU a exprimé la crainte que le conflit au Mali n'ait des retombées sur la sécurité dans l'est de la Libye en raison des "liens ethniques ou idéologiques" entre extrémistes maliens et libyens.
AFP
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