Gaz de schiste : le gouvernement met le couteau sur la gorge des députés
En répondant aux parlementaires, le ministre de l’Energie et des mines représentant le gouvernement Sellal a présenté un tableau sombre de l’avenir enérgitique de l’Algérie qui ne laisse aucune marge de manœuvre á un débat serein sur l’exploitation et le développement des ressources non conventionnelles.
Ainsi, il estime qu’il est aujourd’hui vital d’aller vers l’exploitation et le développement du gaz de schiste. Pour lui, les pays qui ont opté pour l’imposition d’un moratoire pour ce genre d’industrie, l’ont fait uniquement pour préserver le nucléaire dans leur mix énergique. Il s’agit là d’une "nécessité impérieuse" selon le ministre et ce, eu égard aux autres sources alternatives qui, á terme, ne suffiront nullement "à assurer la satisfaction des besoins énergétiques du pays". Promettant de présenter au gouvernement un modèle de consommation nationale, le premier responsable du secteur a stressé sur la croissance en perspective des besoins énergétiques de l’Algérie. Pour étayer cette situation gravissime, il annonce une facture de plus de 100 milliards de dollars á prévoir pour l’importation des produits énergétiques dans le cas où l’on décide d’interdire l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels pour attendre tranquillement l’assèchement des gisements conventionnels. Les besoins en électricité selon lui vont grimper du simple au double en moins de quinze ans.
La consommation des carburants passera de 15 á 50 millions de tonnes d’ici à 2040. Celle du gaz atteindra 100 milliards de mètres cubes durant la même échéance contre á peine 30 milliards aujourd’hui. Il indique dans ce sens que sans énergie, il ne peut y avoir de développement. D’où la nécessité d’exploiter et développer les hydrocarbures non conventionnels d’autant plus que les réserves actuelles conventionnelles s’épuisent à vue d’œil et que le reste des alternatives n’arrivera jamais à couvrir les besoins des populations et de l’économie nationale. Pour appuyer ses arguments, il minimise tous les méfaits de la fracturation hydraulique aussi bien le besoin en eau que la contamination des nappes aquifères par les produits chimiques. Pour lui cette technique est tout á fait maîtrisée et date des années 1970. Et pour les rassurer, il leur apprend que le gisement de Hassi Messaoud qui fait la fierté de l’Algérie est á 75% non conventionnel. Il qualifie les réserves de l’Algérie en gaz de schiste d’inépuisables "de Timimoun à In Salah, en plus des poches à Tindouf et à Illizi avec une rentabilité d’environ 1,5 milliard de mètres cubes de gaz par kilomètre, un taux important".
Le ministre prévoit que l’exploitation du gaz de schiste pourra créer quelque 100 000 nouveaux emplois. Il revient cette fois-ci sur les énergies renouvelables pour déclarer qu’elle ne pourront pas constituer une alternative aux hydrocarbures qui couvrent actuellement les besoins énergétiques de l’Algérie á 90% d’ici à 2030. Plus grave encore, le ministre a brusqué toutes les réflexions qui s’opposent á celles du gouvernements les jugeant comme guidés par "une main étrangère". Dans ce cadre il a recommandé aux députés d’"ignorer les voix émanant d’outre mer appelant à s’abstenir d’exploiter les hydrocarbures non conventionnels sous prétexte de leurs conséquences néfastes sur l’environnement et sur les réserves du pays en eau". Devant un tel spectre, pessimiste rempli de peur, et n’entendant qu’un seul son de cloche, que peuvent faire les parlementaires ? Sinon de valider la loi. Pourtant, de nombreuses zones d’ombre persistent dans la démarche gouvernementale.
D’abord sur le plan purement communicatif, des contradictions flagrantes apparaissent et laissent penser á une panique de l’équipe gouvernementale. En effet,le ministre annonce une échéance beaucoup plus courte que celle du premier ministre qui l’a situe dans l’horizon 2040 donnant ainsi l’impression que l’Algérie maîtrise parfaitement la dimension temporelle de sa stratégie. La technique de la fracturation hydraulique ne date pas désormais de 1970 mais Le premier puits de gaz de schiste foré aux États-Unis, à Fredonia dans l’État de New York date de 1821. Cependant, depuis la découverte des puits de pétrole conventionnel par le colonel Drake en 1859, la production de gaz de schiste a été éclipsée par les grands volumes produits par les réservoirs de gaz conventionnel. Les Etats-Unis sont revenus au gaz et au pétrole des roches mères lorsqu’ils ont commencé á "gratter" ce qu’ils leur restent de conventionnel. En ce qui concerne le gisement de Hassi Messaoud, la configuration du profil de production telle que présentée peut paraître quelque peu fallacieuse. En effet, le taux de récupération des réserves en place se situe autour de 25% mais une partie des 75% restants peuvent être récupérés avec l’évolution considérable des techniques de production comme la récupération secondaire et tertiaire qui n’a absolument rien á voir avec la fracturation hydraulique, contestée au niveau mondial. Il s’agit là d’augmenter la mobilité qui est un simple rapport entre la perméabilité relative de ces fluides en place dans un milieu totalement poreux (contrairement au gaz de schiste qui lui se trouve dans un milieu très compact) et leur viscosité. On injecte effectivement du gaz miscible, de l’eau, des tensioactifs, des polymères et parfois des produits chimiques dans des conditions de température et de pression raisonnables mais très loin des "fracs" qu’on est obligé de faire dans les "shale well".
Il faut souligner par ailleurs que la non conventionalité du gaz des roches mères ne réside pas dans les propriétés physico-chimiques mais dans le mode de son extraction qui demeure problématique même aux Etats-Unis, pays qui maîtrise parfaitement toutes les techniques et surtout le savoir faire de l’exploitation et le développement de ce type de ressources. Les laboratoires de la société Total ont démontré que grâce á ces méthodes, on peut ramener le taux de récupération á plus de 50% pour le cas des huiles légères comme celles de l’Algérie.(01) Faut-il encore préciser que le gaz conventionnel se trouve dans des "piéges" formés de roches poreuses et perméables et limitées par des barrières empêchent les hydrocarbures de s’échapper vers le haut que les géologues appellent "roches couvertures". tandis que le gaz de schiste qui ne diffère pas du tout des autres gaz n’a pas migré de la poche de sa mère extrêmement compacte et qui nécessite d’être cassée pour libérer le gaz ou le liquide qu’elle contient. Sous estimer les conséquences de la fracturation hydraulique comme l’a fait le ministre de l’énergie et des mines c’est vraiment osé pour un pays qui n’a au demeurant aucune expérience dans ce domaine. Ensuite les mystères qui entourent le traitement de ce dossier n’ont fait l’objet d’aucune interpellation. Le dernier en date est la déclaration du ministre des affaires étrangères français, Laurent Fabius qui a confié à quelques journalistes, en marge du voyage présidentiel en Algérie les 18 et 19 décembre dernier, que l’Algérie et la France vont signer un accord pour mener des recherches françaises sur le territoire algérien dans le domaine de l’exploitation des gaz de schiste. Aussitôt ces propos ont été démentis par Delphine Batho, ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, fortement Appuyée par Matignon bien entendu. Elle argumente ce démenti par le fait que si la France interdit la fracturation sur son territoire, ce n’est pas pour la promouvoir ailleurs.
C’est une position qui parait politiquement correcte mais elle confirme pourtant que la France achètera massivement les gaz de schiste algériens. Cette nouvelle venue au gouvernement socialiste qui contredit un poids lourd comme Laurent Fabius cache certainement beaucoup de choses. En réalité la France n’a pas fermée totalement la porte á l’exploitation et le développement du gaz de schiste pour peu que les recherches aboutissent á une amélioration voire même une alternative á la fracturation hydraulique. Dans ce cadre, elle compte investir plus de 5 millions d’euros sur quatre ans dans la recherche (02). Face á la crise de financement dont elle fait l’objet actuellement, impliquer l’Algérie dans ce financement lui semble opportun. En plus cela accentuera l’importance du gaz algérien dans l’approvisionnement de la France. L’Algérie est déjà le quatrième fournisseur de la France (derrière la Norvège, les Pays-Bas et la Russie) avec 15,4% des importations de gaz. Or entre l’arrêt définitif du gaz de Lacq, le refus de produire des hydrocarbures non conventionnels en France et la diminution de la part du nucléaire, les importations françaises de gaz vont croître, même avec un effort considérable d’efficacité énergétique. Avec la baisse des productions en mer du Nord, il ne restera que deux possibilités : augmenter le débit du robinet russe ou celui du robinet algérien. L’Europe se sent déjà bien trop dépendante au premier et devrait donc opter pour le second. La France achètera donc massivement des gaz issus de réserves non conventionnelles algériennes avec une exploitation éloigné de son jardin (03).
Quant aux Américains, l’émissaire venu pour négocier un partenariat dans la production de l’électricité avec Sonelgaz, a affiché clairement l’intérêt des PME américaines pour offrir leur expertise dans l’exploitation et le développement du gaz de schiste en Algérie. Seulement l’Algérie qui dispose d’un domaine minier libre de l’ordre de 751 754 km2 susceptible de renfermer les hydrocarbures conventionnels (04) avec une superficie ne dépassant pas 3% en exploitation et pas moins d’une centaine de petits gisements en attente de développent : qu’est ce qu’elle gagne dans cette aventure ? Cependant et loin de l’expertise américaine que le ministre prend en exemple, l’Algérie risque de subir de lourdes conséquences dont elle regrettera comme elle l’a fait en déstructurant son industrie,son agriculture etc.
Rabah Reghis, consultant et économiste pétrolier
Renvois :
(01)- Rapport de Total : EOR récupération disponible dans leur site
(02)- Rapport GRM /ANCRE de juillet 2012
(03)- Ludovic Dupin article paru dans le dernier numéro d’usine nouvelle
(04)- Ministère de l’Energie et des Mines : bilan 2009
Commentaires (4) | Réagir ?
Démission générale de tous les députés et le problème du gaz de schiste est résolu.
Pourquoi s'inquiéter, les députés beni oui oui, feront tout ce que désire le gouvernement, pour eux l'essentiel est de tirer un bon profit de leur statut, d' applaudisseurs professionnels, puisqu'il n' y a jamais eu de rejet des projets présentés par un "exécutif " qui cède a toutes les pressions internationales, pourvu que la secte de Bouteflika se maintienne au pouvoir, et poursuit sont travail de sape de l' économie Algerienne. La France refuse de produire du gaz schiste, puis qu' elle le confie aux bons soins des "sous fifres que nous sommes " adieu l' Algérie, adieu ce qui reste de sa souveraineté et d 'une indépendance chèrement acquise.