Wikileaks: la justice concède une incarcération trop rigoureuse pour Manning
La justice militaire américaine a admis mardi que les conditions de détention de Bradley Manning, "taupe" de WikiLeaks, avaient été trop "rigoureuses", réduisant sa peine possible de près de quatre mois, sans pour autant prononcer l'abandon de toutes les charges.
Le frêle soldat au visage d'adolescent, qui vient d'avoir 25 ans, a été confiné à l'isolement pendant près de neuf mois, à partir de juillet 2009, à la prison militaire de Quantico, près de Washington, dans des conditions que le rapporteur de l'ONU sur la torture avait qualifiées de "cruelles, inhumaines et dégradantes". En décembre, la défense de Bradley Manning avait invoqué les brimades et les privations décrétées en raison des risques suicidaires du jeune détenu, pour plaider l'abandon de toutes les charges.
Dans un jugement, dont la lecture a pris près de deux heures mardi sur la base militaire de Fort Meade (Maryland, est), la juge militaire Denise Lind a reconnu que les conditions d'incarcération de Manning à Quantico avaient été "plus rigoureuses que nécessaire" et "excessives par rapport à l'intérêt légitime du gouvernement". Mais elle a estimé que cela ne justifiait pas pour autant l'abandon de toutes les poursuites, qui sont "graves dans cette affaire". Bradley Manning encourt la réclusion criminelle à perpétuité pour avoir transmis des dizaines de milliers de documents classifiés au site WikiLeaks. L'abandon total des charges ne serait justifié qu'"en cas de conduite scandaleuse du gouvernement", a-t-elle tranché.
Régime anti-suicide
Au regard de ses "antécédents de troubles psychiatriques", il est dans "l'intérêt légitime du gouvernement" de maintenir un détenu sous un régime carcéral anti-suicide afin de "s'assurer de pouvoir (le) traduire devant un tribunal", a-t-elle déclaré, au premier jour de cette audience préliminaire. Mais la juge a accepté de déduire près de quatre mois à la peine qui sera sans doute prononcée à l'issue du procès en cour martiale, qui doit débuter le 6 mars.
Elle a retiré 112 jours au total: 75 pendant lesquels les conditions étaient "excessives", 10 jours lors desquels le détenu aurait dû bénéficier d'une heure quotidienne de sport, 20 jours où "aucune menace nouvelle" ne justifiait de le priver de ses sous-vêtements. Enfin, elle a enlevé 7 jours, pendant lesquels Manning avait été maintenu dans un isolement strict en dépit des avis des psychiatres, considérant cette période comme "une punition préventive illégale".
Le jeune homme se voit ainsi accordé une réduction de peine que son réseau de soutien juge toutefois "insuffisante pour que l'armée rende des comptes" et "largement éclipsée par les 150 scandaleuses années de prison qu'il encourt". Manning est accusé de "collusion avec l'ennemi", le plus grave de ses 22 chefs d'accusation, pour avoir transmis, entre novembre 2009 et mai 2010 des documents militaires américains sur les guerres en Irak et en Afghanistan, et 260.000 dépêches du département d'Etat.
Si cette fuite gigantesque avait déclenché une tempête dans la diplomatie mondiale, Manning "n'a pas voulu faire de mal" aux Etats-Unis, a assuré mardi son avocat. David Coombs a démontré que les motivations de son client devaient être débattues au procès, contrairement à ce que soutient le gouvernement. Là encore, si ses motivations sont prises en considération, cela pourrait changer le verdict.
"L'accusé savait qu'il traitait directement ou indirectement avec un ennemi des Etats-Unis, Al-Qaïda, l'acte a été commis intentionnellement et en connaissance de cause", a déclaré la procureure Angel Overgaard. "Il a sélectionné les informations" qu'il pensait devoir être "rendues publiques" mais dont il avait "des raisons de croire qu'elles ne pouvaient pas faire de mal aux Etats-Unis" ou à un pays étranger, a rétorqué David Coombs, laissant entendre que l'évaluation des dommages causés à la diplomatie américaine le montrerait au procès. L'audience se poursuit mercredi.
AFP
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