Union méditerranéenne : pourquoi Sarkozy a fait marche arrière
L'avenir de l'Europe est au Sud. Celui de la Méditerranée est au Nord ». Le projet d'Union pour la Méditerranée lancé par Nicolas Sarkozy au soir de son élection à la présidence de la République, fait partie de ces grandes idées aux apparences simples et séduisantes. Du moins sur le papier. Car on est loin de sa réalisation. L'objectif initial du chef de l'Etat était de créer un grand espace de paix et de prospérité dans ce qui est considéré comme le berceau de la civilisation européenne. Et « à travers la Méditerranée », le chef de l'Etat comme il l'a dit à Tanger en octobre dernier, voulait donner le moyen d'unir l'Europe et l'Afrique.
Plus concrètement, il s'agit pour l'Europe de réduire l'immense écart de développement qui n'a cessé de se creuser au cours des dernières décennies, entre un Nord riche et un Sud pauvre. Après la chute du mur de Berlin, il est vrai, l'Europe a fait beaucoup à l'Est pour les anciens pays satellites de l'ex-Union soviétique, tournant le dos ainsi à « son Sud ». L'idée du président Sarkozy était de corriger cette donne en rappelant à l'Europe « sa priorité méditerranéenne ». Le constat, selon un diplomate français, est simple : les Etats-Unis font 20 % de leurs investissements directs dans leur « Sud », l'Union européenne n'en fait que 2 %. Or il faudrait créer au moins 40 millions d'emplois pour simplement maintenir le niveau de chômage actuel face à la poussée démographique dans le sud du Bassin méditerranéen.
Dans son discours, du moins, le chef de l'Etat avait également un autre objectif : celui d'empêcher un conflit de civilisation entre les deux rives de la mer commune. Moins officiellement, ce projet devait permettre de resserrer encore le partenariat avec la Turquie tout en évitant une adhésion à l'Union européenne de ce pays. Adhésion à laquelle Nicolas Sarkozy a exprimé au cours de sa campagne électorale son opposition.
Malheureusement, au risque de créer une grande déception pour certains, le président français a dû faire marche arrière, et pas uniquement en raison des réticences de l'Allemagne face à un mécanisme qui aurait pu échapper à l'Europe des Vingt-Sept.
Déjà, le grand sommet fondateur de cette Union pour la Méditerranée n'aura pas lieu à Marseille, l'ancienne cité grecque trait d'union du Bassin méditerranéen, comme certains l'avaient espéré initialement. Mais il se tiendra à Paris le 13 juillet, au début de la prochaine présidence française de l'Europe à 27.
D'une vision d'un grand espace de paix et de prospérité, la future « union » se contentera de projets comme les liaisons ferroviaires, routières, la dépollution des mers, l'énergie, l'éducation ou encore le dialogue des cultures et, bien entendu, l'immigration. Les défenseurs à Paris de l'Union méditerranéenne font valoir qu'il s'agit de partir de la méthode Jean Monnet qui, avec la création en 1952 de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (Ceca), a donné une impulsion irrésistible à la construction européenne.
Mais ce que ces défenseurs oublient de dire, c'est que la construction européenne a commencé à six (Allemagne de l'Ouest, France, Italie, Pays Bas, Belgique et Luxembourg) avec des pays au niveau de développement très proche alors que le projet de Nicolas Sarkozy vise à inclure « tout le monde », et pas seulement les 22 pays riverains de la Méditerranée ou la Jordanie et la Mauritanie. Car, au prix d'un laborieux compromis avec la chancelière allemande, Angela Merkel, Nicolas Sarkozy a annoncé que les pays de l'Union européenne non riverains pourront également y participer.
Une « dérive », selon le mot d'un diplomate, qui fait ressembler son projet au mieux à une sorte de « processus de Barcelone » à 39 aujourd'hui (l'Europe à 27 plus 12 autres pays) et, au pire, au projet mort-né de Grand Moyen-Orient » du président George W. Bush qui devait inclure les pays du Maghreb et la Mauritanie, du Moyen-Orient jusqu'au Pakistan et à l'Afghanistan en passant aussi par la Turquie.
Pour nombre de diplomates, la faute originelle du projet d'Union pour la Méditerranée est bien là : ne pas avoir été capable dès le début de fixer des limites.
L'autre obstacle majeur est que le monde méditerranéen est loin d'être une entité unie qui partagerait des objectifs communs. Le différend entre le Maroc et l'Algérie à propos du Sahara occidental empêche toujours la réalisation d'une Union du Maghreb arabe et rend difficile dès aujourd'hui d'envisager des projets conjoints entre les deux pays. Plus à l'Est, les conflits israélo-palestinien et syro-libanais sont d'autres freins à un développement transrégional. Quant à la Turquie, Ankara n'a pas caché son hostilité à une tentative qui compliquerait encore ses négociations d'adhésion. Tout cela sans parler des différends sur Chypre ou entre la Serbie et le Kosovo. Certes, les promoteurs du projet français soulignent qu'à la différence du processus Barcelone, l'Union pour la Méditerranée n'a pas comme vocation première de résoudre les conflits. Mais la méthode Jean Monnet a pu être appliquée parce que, justement, l'Europe voulait confirmer la paix revenue entre la France et l'Allemagne aux lendemains d'un épouvantable conflit.
Ce que l'on peut espérer, c'est que le compromis entre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, faute de créer un mécanisme nouveau, permette de lancer une sorte de « Barcelone Plus » et reprenne ainsi nombre de ses idées de financement de projets à travers la Banque européenne d'investissement, en y liant des financements multilatéraux (Banque mondiale, Banque africaine de développement) et bilatéraux.
Le grand regret, cependant, est que le projet d'Union pour la Méditerranée relègue au deuxième plan ce qui devrait être, selon des diplomates à Paris, la priorité absolue de la France : le Maghreb. Avec ces 85 millions d'habitants aujourd'hui, demain 140 millions, la Tunisie, le Maroc et l'Algérie seront soit un défi, en créant une instabilité permanente aux frontières de l'Europe, soit une chance formidable, en représentant une réserve de croissance et de coprospérité comme ce fut le cas hier avec les pays d'Europe de l'Est. Et, dans cette région, une véritable mobilisation de l'Europe pourrait faire la différence.
JACQUES HUBERT-RODIER (Les Echos)
Commentaires (4) | Réagir ?
Cette upm, sarkozy a voulu la créer non parce qu'il veut un rapprochement avec les arabes et non plus parce qu'il veut rapprocher les arabes des juifs (ce theme est dépassé de nos jours), Nicolas voit le long terme, il veut accaparer tous les marchés de la rive sud, combien nombreux au détriment de la chine
Avec l'Europe des 12, la France était le boeuf qui tirait la charrue Européenne. Aujourd'hui, suite à la destruction du mur de Berlin et la création de l'Europe des 27, c'est l'Allemagne qui est devenue le boeuf qui tire la nouvelle charrue Européenne. (Le centre de gravité de l'Europe des 12 qui, au départ était en France, s'est déplacé en Allemagne suite à l'extension de l'Europe à 27).
La France de Monsieur SARKOZI cherche, d'une pierre deux (2) coups, à récupérer son centre de gravité en s'élargissant à la méditerranée et à sortir Israël de son isolement géographique (et/ou économique) ; mais l'Allemagne n'est pas dupe!.
La France, à force de chercher à redevenir le boeuf devant tirer la charrue Européenne, finira par devenir une vache folle!