Les dernières minutes de l'imposture du pouvoir
L'urgence d'une intervention qu'impose l'état du pays, voué à toutes espèces de pathologies, dépasse l'aire de l'impératif.
Les violations plurielles et ostensibles des lois de la République, les menaces scandaleuses sur la liberté d'expression, la persécution quotidienne des journalistes constituent une conjoncture inédite depuis l'indépendance. Le clan gouverneur de l'Algérie incarne la pègre sicilienne par sa disponibilité à éliminer toutes les voix protestataires. Le degré de la dangerosité qu'a atteint notre patrie révèle gravement cette criante politique qui vise à répandre le clivage au sein du peuple, la fissure intentionnelle qu'a connue le mouvement citoyen de la Kabylie, qui se voit scindé en deux tendances contradictoires, illustre explicitement d'ailleurs cette volonté d'incendier cette région indomptable de l'Algérie tout en rétrécissant le champ de la contestation en usant de toutes les machinations possibles pour faire aboutir des projets seigneuriaux à la manière hitlérienne.
Le peuple vit une ère où tous les repères du droit à l'émancipation sont brutalement réduits à des préceptes tyranniques imposés âprement pour astreindre toute une population à élire le mensonge et la trahison. Lorsque l'esprit humain atteint les confins de la bassesse, le monde devient alors une aire pour toute anarchie. Depuis toujours, l'homme se hisse au-delà de l'animosité par cette grandiose culture qui convertit le mal en bien et éternise le bonheur sur chaque empan de la terre. On doit raisonner là où le chahut et la prolixité sont l'emblème des uns, on doit malgré eux rendre la dextérité du mot au trône précieux de la sagesse, très loin de cet abîme où l'ânerie des autres s'empare de l'intelligence des lettrés tant isolés, arbitrairement vaincus.
Un cauchemar ridicule remplace le victorieux rêve du peuple, celui de satisfaire ses aspirations. Le cycle fermé de l'injustice est capable de légitimer le mensonge tacitement inclus dans la Constitution. Le déni ethnique a été longtemps un instrument coercitif de nos autocrates. Ceux qui ont subi les horreurs de la guerre ont bien sondé la valeur de la paix. Notre statut de nation, menacé d'abord par la négation identitaire, ne cesse de s'étrangler. Le phénomène du terrorisme en Algérie, dont l'âge dépasse celui de la Révolution, témoigne suffisamment de la précarité des fondements instaurés à l'aube de l'indépendance.
Gérée par une médiocratie, la machine politique qui reflète beaucoup ce bas niveau du pays à l'échelle extérieure accentue le désespoir massif des gens en quête d'une évasion vers les cieux cléments d'outre-mer. Un syndrome de guerre inattendue hante les esprits. L'option pacifique est cernée d'un désordre sans pareil. La mort devient alors seul négociateur entre les frères de même terre. La crise qui orne le quotidien algérien ne cesse de se muer en un désastre qui ronge notre souveraineté. A vrai dire, l'histoire de notre mise en émancipation du joug colonial interprète visiblement ce retour graduel et avéré vers une dictature d'une façon sanguinaire qui s'implante davantage. Une histoire comblée d'intrigues politiques avec comme moyens le maniement latent de magouilles pour éliminer tous les hommes intègres, compétents, ceux qui ont planifié la triomphante chute du mythe français.
Une espèce de mise en scène se répète pour nous faire croire en une Algérie autonome, démocrate, loin de toute dépendance. Un nationalisme dénaturé se voit lors des discours officiels, des oraisons funèbres, des allocutions destinées à dévoyer l'opinion nationale en imposant des dogmes qui stimulent la haine patriotique consolident le tribalisme.
En cultivant un narcissisme morbide, une grave fissure déchire le tissu social, altère les rapports humains pendant que la méfiance s'installe pour devenir une monnaie très répandue entre frères d'une même famille. La récente révolte des Kabyles a révélé l'omniprésence certaine d'un vide multidimensionnel, résultat d'une stratégie rétrograde modelée pour éterniser la cécité populaire. L'absence confirmée d'une prise en charge des soucis pluriels du peuple a été la mèche dévoratrice d'un silence consumé par la brutalité et la fureur.
Les fausses prévisions du Pouvoir, qui a exhibé d'ailleurs, comme dans le cas de la récente crise de l'enseignement, sa fielleuse insouciance quant aux besoins de la nation en matière de droits, ont abouti à cette historique insurrection. Les événements qui ont secoué le pays ont sondé la consistance du pessimisme au sein de ces insurgés. Le mépris, le mal-vivre, le chômage ont lugubrement alimenté la colère de la région.
Devant l'avancée outrancière de la tyrannie, le devoir primordial de chacun est de veiller sur la nécessité d'une exhortation massive à la solidarité et la sagesse afin d'éviter un retour cruel à l'ère opiacée du parti unique où le concept liberté signifiait disposition des uns à exterminer les autres.
Une forme de révolution s'ébauche à l'horizon tant le besoin en justice devient une obligation thérapeutique pour un peuple malade de ses institutions, un peuple séculairement connu comme étant l'ennemi féroce de l'esclavage. La façon dont se traitent les choses dans notre pays annonce le début d'une dérive qui met à nu un système délétère depuis l'enfantement détourné de la démocratie.
L'état hybride de la nation, livrée à toutes sortes d'imprécations, est la besogne accomplie de ceux qui se sont approprié l'édifice de la patrie en instaurant un césarisme qui a réduit tout un peuple à un cheptel privé de tout droit à l'expression. La mise en uvre de l'appareil oppressif a fait de ce pays une assise propice au foisonnement de toutes sortes d'usurpations institutionnalisées par le mépris et la violence. Le recours manifeste à l'usage d'agissements diaboliques pour infliger un mutisme, à la fois pesant et continuel, au peuple qui résiste toujours au phénomène de l'étiolement progressif de son atavisme a créé cet état de complication dans la gestion des affaires épineuses que vit la nation. Les élections qui arrivent dévoilent le caractère cupide de ceux qui veulent encore sévir au trône de la République avec la caution moutonnière de tous ces gueux qui font de cette patrie une terre stérile sur tous les plans.
Chekri Rachid
Enseignant-écrivain
Akbou
Commentaires (2) | Réagir ?
je voudrais que Amirouche, Boudiaf, Ben'M'hidi, Benboulaid, Zabana et tous les autres martyrs sachent qu'ils sont morts pour rien. L'Algérie n'a jamais eu son son indépendance comme ils le souhaitaient. L'Algérie est une entité imposture, ratée et corrompue, sauvage à l'extreme où les fauves règnent en maitres absolus. Le pouvoir de l'argent et des puissants sème la désolation et la tyrannie et la parole de l'honnete et pauvre citoyen est confisquée. C'est l'Algérie gabegie où les innocents passent pour des criminels et les vrais criminels pour des victimes.
On aurait souhaité les dernières secondes de l'imposture du pouvoir, mais ça se pourrait que ça soit les derniers jours, ou le dernier an. Comme en Tunisie, en Egypte, en Lybie, rien ne prévoyait ce qui devait arriver et qui est arrivé ! Ces quelques lignes se développent à la lecture de cet écrit de M. Chekri. Aux impressions que j'ai ressenties, se développent et se pressent des idées dans ma tête pour emprunter mon bras et s'étaler sur cette page. C'était hier, tout à l'heure mais pas maintenant. Le train de la vie continue sa course infernale vers sa destination. Je sais (en répondant à moi-même) que la lecture de ce commentaire va entraîner diverses opinions qui seront d'accord ou non, mais il faudra bien qu'il y est au moins une sensation. Il y en a de perplexe, toute à fait normale, il y aura l'aversion, le rejet, mais au fond, la Vérité est là. y a-t-il un seul atome dans l'univers qui se meut à sa guise ? Laissons le soin (pas le temps) à Dieu de réaliser ce que nous souhaitons tous âprement : le changement.