RD Congo : neufs soldats arrêtés pour au moins 126 viols près de Goma
Au moins 126 femmes ont été violées dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC) fin novembre quand des soldats gouvernementaux ont fui l'avancée des rebelles du M23 près de Goma, dans l'est du pays, a annoncé l'ONU mardi 18 décembre.
Une enquête de la mission onusienne en RDC, la Monusco, a permis de "confirmer au moins 126 cas de viols" et les meurtres de deux civils, a indiqué le porte-parole de l'ONU, Martin Nesirky. Pour l'instant, a-t-il ajouté, neuf soldats des forces gouvernementales ont été arrêtés, deux pour viols et sept pour des actes de pillages.
Les autorités militaires congolaises enquêtent sur ces exactions avec le soutien de la Monusco, qui a informé le vice-premier ministre et le ministre congolais de ladéfense de ces "résultats préliminaires", a précisé M. Nesirky. Il a rappelé que l'ONU "révisera le soutien fourni" aux unités auxquelles appartiennent les soldats coupables.
Ces exactions ont été commises entre le 20 et le 30 novembre dans la région de Minova, près de Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu. Les rebelles du M23 avaient pris Goma fin novembre après en avoir chassé les forces gouvernementales. Deux équipes de l'ONU se sont rendues dans cette zone pourinterviewer plus de 200 personnes, a précisé M. Nesirky.
Avec AFP
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En République démocratique du Congo, «les viols massifs se déroulent dans des villages près des zones minières, là où il y a une forte concentration d’or. Souvent, les femmes cachent des petits colis d’or dans leur vagin. Les groupes armés le savent», explique un chef coutumier. Or ou pas, «ils kidnappent toutes les femmes du village à partir de 13 ans», raconte Theresita. Rencontre avec ces femmes violées par des milices.
(De Goma, RD Congo) Jeannine, 25 ans, est allongée sur un matelas à même le sol dans une petite cabane délabrée des faubourgs de Goma. Atteinte du sida, en phase finale, Jeannine agonise. Comme beaucoup de jeunes filles dans cette région, elle a été victime de viol. Les viols se produisant souvent les jours de marché, les familles de paysans empêchent de plus en plus les jeunes filles de se déplacer pour se rendre au marché mais aussi aller à l’école. Et détruisent ainsi la structure sociale.
«On devait parfois enterrer une fille encore vivante»
Capturée par un groupe armée des FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda, basées dans l’est de la République démocratique du Congo), elle a réussi à s’échapper.
L’interview sera longue et pénible, mais elle tient à témoigner :
«Ce sont les soldats des FDLR qui m’ont kidnappée. J’étais commerçante près de Masisi, j’allais vendre la production de mon papa au marché. Ils m’ont emmenée dans leur camp, là il y avait vingt jeunes filles. Nous devions faire la cuisine, mais nous étions surtout là pour leurs besoins sexuels.
Si une fille tentait de se débattre, elle était exécutée tout de suite. Nous, les filles, on devait parfois l’enterrer même si elle était encore vivante. Aujourd’hui je suis en train de partir, je ne peux plus manger, je souffre, mais surtout parce que je sais que ces barbares continuent de violer des femmes et qu’on les laisse faire.»
L’est de la République du Congo, précisément le Nord-Kivu, terre riche en minerais (diamants, or, coltan...), échappe en partie au contrôle du régime de Kinshasa dirigé depuis 2001 par Joseph Kabila. Dans cette zone de non-droit, la vie des femmes est précaire.
"Le viol renverse les liens sociaux et familiaux"
Pour comprendre cette situation alarmante, il faut remonter en 1994, quand le génocide au Rwanda, pays voisin de la RDC, déclenche l’exode d’environ 2 millions de réfugiés, principalement hutus. Parmi eux se trouvent des extrémistes, membres des milices interahamwe, responsables de tueries contre les Tutsis et les opposants hutus modérés. Ils installent leurs bases dans le Congo oriental. S’en suit la «première guerre mondiale africaine», à laquelle neuf pays vont participer. Entre 1998 et 2002, environ 4 millions de personnes seront tuées.
Le 1er octobre dernier, un rapport accablant de l’ONU de 600 pages consacré au conflit proclame «la nécessité de créer de nouveaux mécanismes pour briser le cercle de l’impunité». Aujourd’hui, le viol massif apparaît comme une nouvelle arme de guerre. Selon l’Observatoire international de l’usage du viol comme tactique de guerre (fondé par Caritas en 2005) : «L’acte est organisé et programmé dans le but de détruire non seulement la victime individuellement mais également les communautés. Le viol renverse les liens sociaux et familiaux. Dispersant les individus, il perturbe l’organisation même de la société.»
Ces derniers mois, des villages entiers ont été pillés et les femmes y vivant ont été violées. Les FDLR ne sont pas le seul groupe en armes à sévir dans cette région. On y trouve aussi les Maï-Maï, craints par la population grâce à «l’eau magique dont ils s’aspergent qui les rend invincibles.» Le responsable pour l’ONU de la force de maintien de la paix, Roger Meece, avoue son incapacité à gérer cette zone :
«Des groupes armés opèrent dans de nombreuses zones très vastes [...] et sont souvent mélangés à la population civile.» «J’ai été violée parfois plus de dix fois dans une même journée». Theresita a vraisemblablement une quarantaine d’années. Son regard porte les balafres de sa vie. Elle a été kidnappée à cinq reprises par des groupes armés. Son témoignage est bouleversant ; certains passages, tellement barbares, sont impossibles à relater :
«Que ce soit les FDLR ou les Maï-Maï, c’est toujours pareil. Ils kidnappent toutes les femmes du village à partir de 13 ans. Arrivés dans la forêt, on nous regarde et celles qui pèsent moins de 50 kilos sont exécutées. D’autres ont moins de chance. Ils leur tranchent les seins et les mangent, persuadés alors de bénéficier de pouvoirs magiques. J’ai vu ces femmes agoniser et on ne pouvait rien faire pour elles. C’était horrible... Nous vivions nues. On devait assouvir les besoins sexuels de tous les soldats. J’ai été violée parfois plus de dix fois dans une même journée. Ils cherchent de l’or dans nos vagins.
Mais je m’estime chanceuse, j’ai vu des femmes enceintes qu’ils ont enterrées vivantes pour que la terre soit fertile.» Le chef coutumier de Walikale, Willy Buhini, ministre honoraire de la République du Congo, explique la phrase employée par Theresa, «ils cherchent de l’or dans nos vagins» : «Les viols massifs se déroulent dans des villages près des zones minières, là où il y a une forte concentration d’or. Souvent, les femmes cachent des petits colis d’or dans leur vagin. Les groupes armés le savent, c’est une pratique fréquente dans la région. [...]
Il manque une réelle volonté politique. C’est pourquoi nous lançons un appel à la communauté internationale pour qu’elle puisse nous aider à doter notre armée de moyens conséquents afin de protéger notre population.»
Valérie Dupont | Journaliste/Rue89
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