Quel est le taux réel de l’inflation en Algérie entre 2012/2013 ?
Après un taux officiel annoncé de 9,9% d’inflation entre octobre 2011 et octobre 2012, selon le gouverneur de la banque d’Algérie, je le cite : "Le taux d’inflation de 8% enregistré en octobre 2012 est conjoncturel et devrait baisser graduellement dans les mois à venir pour se situer en 2013 autour de 4%".
Dans le prolongement de mes précédentes analyses sur ce sujet capital (1), l‘objet de cette brève contribution est de situer objectivement la problématique de l’inflation, produit en Algérie de la logique rentière, exportant en 2012, 98% d’hydrocarbures à l’état brut et semi brut et important 70/75% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées, les réserves de change 193 milliards de dollars, étant une richesse virtuelle provenant des hydrocarbures.
1.- Dans une économie de marché, caractérisée en principe par la concurrence, le monopole étant source de surcouts, l’inflation est définie comme une hausse généralisée des prix, et non pas seulement de certains produits, certains prix variant plus que d’autres. Pour mesurer l’inflation, on prend en compte tous les biens et services que les ménages consomment, et notamment les produits d’usage courant tels que l’alimentation, la consommation d ‘eau, d’électricité, les journaux et l’essence, les biens durables tels que l’habillement, les ordinateurs, les services par exemple services de coiffure, les voyages, assurances et loyers. Ainsi Eurostat ou l’INSEE ou les instituts américains, le besoin étant historiquement daté, (avoir un portable ou un ordinateur devient en ce XXIème siècle une nécessité ce qui n’était pas le cas entre 1960/1970), pour le calcul du taux d’inflation attribuent aux prix des produits représentant une partie importante des dépenses un poids plus grand qu’à ceux des produits pour lesquels les dépenses des ménages sont moindres. Comment se fait le calcul en Algérie de l’ONS, car il s’agit d’éviter de reproduire des méthodes dans les pays développés sans les adapter à la situation spécifique de l’Algérie dont le revenu moyen est de 25% en moyenne par rapport à l’Europe et l’écart est plus important par rapport aux USA ? Car ce calcul renvoie à la structuration sociale, donc à la répartition du revenu national et du modèle de consommation par couches sociales qui diffèrent selon le niveau de développement.
Dans le cas de l’Algérie avec un SMIG officiel de 200 euros, 150 euros au cours marché parralèle, les produits de première nécessité devraient avoir une plus grande pondération dans la mesure où 70% des ménages algériens consacrent plus de 80% de leurs modestes revenus à ces produits. Il est dommage que les pouvoirs publics algériens, pour des raisons politiques, ne mènent pas une enquête sérieuse sur cette répartition du revenu national par couches sociales afin de déterminer les indices de concentration, enquêtes indispensables pour une politique de l’emploi et des salaires cohérente et ‘une manière générale pour orienter la réforme globale. La perception de l’inflation n’est la même pour celui qui perçoit 200 euros et celui qui perçoit 10.000 euros et plus par mois net. Encore qu’il s’agit d’éviter des comparaisons hasardeuses : la dominance de la sphère informelle à dominance marchande, produit des dysfonctionnements des appareils de l’Etat, la distribution passive de la rente des hydrocarbures pour une paix sociale fictive transitoire, avec la dominance des emplois rentes et dans le secteur économique notamment du secteur public en sureffectifs, les rémunérations ne reflétant pas toujours le niveau de productivité, le dérapage rampant du dinar tant par rapport à l’euro que le dollar ne répondant à aune logique économique, voilant l’importance du déficit budgétaire par le gonflement de la fiscalité directe et indirecte , et gonflant artificiellement le fonds de régulation des recettes opaque, faussent les appréciations.
2.- Le calcul du taux d’inflation, autant que le taux de croissance, se calcule annuellement d’une période T2 par rapport à la période T1. Les données du gouverneur de la banque d’Algérie en 2013 reflètent l’évolution de 2013 par rapport à 2012. S’il avait pris comme années de référence, et selon les taux officiels, les années 2009/ 2011, le taux d’inflation serait supérieur à 10%. C’est bien entendu l’indice des prix à la consommation qu’il s’agit de ne pas confondre .avec l’indice des prix à la production. Cela permet de calculer le produit intérieur brut (PIB) à prix constants, une valeur nominale gonflant souvent le PIB n’ayant aucune signification et donc le taux de croissance de l’économie qu’il s’agit de ventiler par secteurs. Un taux élevé de taux de croissance en T1 par rapport à un taux de croissance faible en T1 donne globalement un taux de croissance faible. Au niveau européen, afin de faciliter les comparaisons internationales les indices des prix à la consommation ont été harmonisés (indice des prix à consommation harmonisé (IPCH). Comme signalé précédemment, en ce monde en mouvement, la grande difficulté pour la réalisation de l'indice est l’innovation avec l'apparition de nouveaux produits ou services qui deviennent de plus en plus marchands avec pour impact ou le changement du modèle de consommation toujours stratifié par couches sociales. Aussi lorsque le gouverneur nous annonce 4% de taux d’inflation en 2013, nous aurions aimé qu’il nous donne la structure des produits ayant conduit à ce calcul. Si l’ONS introduit des biens durables consommé par 20% de la population algérienne sans pondération à un taux d‘inflation très faible, mais que les produits de premières nécessités avoisinent 7/8% sinon plus, cela donne un taux biaisé. Il ne faut pas jouer sur la faiblesse de la culture économique des Algériens qui ne mangent pas des chiffres, étant confrontés à la dure réalité quotidienne, la cellule familiale (même marmite, même charges), grâce paradoxalement à la crise du logement permettant d’atténuer le choc social. Ainsi selon l’ONS la structure des taux d’inflations, entre octobre 2011 et octobre 2012, qui intéresse le plus la majorité des ménages algériens est la suivante : la viande de poulet (60,8%), la viande de mouton (40,8%), les légumes frais (27,95%) et la pomme de terre (26,8%).
Même si l’on prend le taux donné par le gouverneur de 4% par rapport à 2012, cela donne un taux cumulé entre 2012/2013 de 9% en 2012 plus 4% en 2013 soit 13% se traduisant par la détérioration du pouvoir d’achat de la majorité des citoyens. Y aura t-il rattrapage salarial pouvant conduire l’économie algérienne dans une spirale inflationniste, augmentation des salaires, inflation, augmentation des salaires ? Cette détérioration sera d’autant plus importantes pour une catégorie de citoyens,(les salariés et les fonctionnaires), dans la mesure où existe une loi économique : l’inflation joue comme facteur de redistribution du revenu au détriment des revenus fixes et a cela s’ajoute la spécificité algérienne, une concentration au profit les rentes spéculatives et non les entrepreneurs créateurs de richesses. Qu’en sera-t-il du cours du dinar algérien qui sera forcément de nouveau déprécié en cas d’une forte inflation, car la monnaie, rapport social, traduit avant tout un rapport de confiance, l’inflation détruisant cette confiance, le cours sur le marché parallèle avec un écart de 45 à 50% par rapport au cours officiel, fluctuant depuis deux années entre 145 et 150 dinars un euro ? Qu’en sera t-il du taux d’intérêt des banques sinon de les relever à trois quatre points par rapport au taux d’inflation, afin d’éviter leur faillite, sinon pour éviter le ralentissement de l’investissement productif et l’implosion sociale forcément une nouvelle recapitalisation via les hydrocarbures ? Quel sera le taux réel de l’inflation, en cas d’une chute brutale du cours des hydrocarbures avec cet important bouleversement géostratégique au niveau énergétique qui s’annone au niveau mondial entre 20i7/2020, si on devait réduire les transferts sociaux évaluées à 14 milliards d’euros plus de 18 milliards de dollars) en 2012 dont plus de 3 milliards de dollars de subventions pour le blé, le lait et le sucre. Outre les remous sociaux qui seraient inévitables, il faudrait pondérer le taux d’inflation officiel par 4 à 5 points. Et sans hydrocarbures en 2012/2013, le dinar flotterait à 300 à 400 dinars un euro et le taux d’inflation dépasserait 30%.
En résumé que nos responsables évitent de vendre des utopies qui démobilisent les citoyens et qu’ils recherchent les causes fondamentales (ne pas confondre essence et apparence), de l’inflation, cette maladie du corps social. Qu’ils fassent le marché et ils constateront une contradiction avec leurs discours dans leurs bureaux climatisés. Qu’ils imaginent une transition efficace et surtout réaliste d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures rentrant dans le cadre de cette Re-mondialisation irréversible en levant les contraintes notamment bureaucratiques à l' émergence du savoir et de l'entreprise.
Dr Abderrahmane Mebtoul, Professeur des Universités, expert international en management stratégique
(1) Voir les contributions du professeur Abderrahmane Mebtoul disponibles sur www.google.fr
«Messieurs les Ministres, allons faire le marché ensemble» quotidien d’Oran 3 septembre 2009 - "Inflation et détérioration du pouvoir d’achat des Algériens" quotidien El Watan du 27 décembre 2010- «Les raisons de l’inflation en Algérie» quotidien El Moudjahid du 27 juillet 2011- "Les raisons fondamentales de l’inflation en Algérie site www.algérie1.com 28 juillet 2011- «Inflation en Algérie et transformation du malaise en émeutes» site www.lematindz.net du 26 mars 2012- «Retour de l’inflation», quotidien Liberté du 28 mars 2012- «Ça flambe partout» quotidien L'Expression du 30 octobre 2012- "Algérie 2012 retour de l’inflation à deux chiffres", quotidien quotidien Al Djazaier New‘s et le site Maghreb Emergent 02 décembre 2012- Et différents interviews sur e sujet aux quotidiens arabophones El Khabar- Al Chorouk, Ennahar et à radio Algérie internationale et à la chaine III entre 2009/2012.
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Dans le tableau de bord du supplément Economie qu’édite le quotidien El Watran tous les lundis, nous trouvons les cours du pétrole, des devises, des produits de base et le chiffre de la semaine. Avant de jouer les mots croisés, j’essaie souvent de croiser mes notes en faisant quelques calculs rudimentaires histoire de tenter de comprendre ce qui nous arrive en Algérie.
Je vous résume ci-après quelques uns de mes calculs et vous demande de bien vouloir les lire attentivement, refaire les mêmes calculs et surtout de les commenter.
1- Le cours du café sur la place de New York.
Sur le Liffe de Londres, le Robusta pour livraison en mars valait, hier vers 12 H 30 mn, 1893 dollars la tonne. Soit 1. 893 dollars le kg. En dinar aquivalent selon le cours de ce dernier par rapport au dollar à la date du 10. 12. 2012, toujours selon les données d’El Watan, le Kg de Robusta de toute première qualité ne vaut que : 148, 34 DA.
Le consommateur que je suis, je le paie à 480. 00 DA le kg. J’ignore quelle est la valeur des taxes, du fret et des assurances qui sont incluses dans le prix de vente. Mais je ne pense pas que cela soit le triple de son prix d’achat. Les importateurs réalisent une plus-value de 331660. 00 DA sur chaque tonne importée.
Pour l’Arabica qui n’est utilisé qu’à hauteur de 20 % du Robusta, il valait hier sur 146. 35 cents la livre. Soit 322, 65 cents le kg. Soit 3, 23 dollars le kg. En dinar, cela coûtrait 252, 83 dinar le kg.
2- Le cours du blé dur :
Le boisseau de blé (soit 27, 21 kg), à échéance de mars, valait hier sur le marché de Chicago, 8, 6100 dollars. Soit 31, 64 dollars ou 2479, 34 dinars le quintal. En dépit du fait qu’il soit subventionné par l’Etat, le citoyen paie la semoule à 4800. 00 dinars le quintal.
Je m’arrête là pour ne pas vous ennuyer. Ces petits calculs me permettent de comprendre pourquoi l’on favorise l’importation au détriment de la production locale ainsi que les raisons de la cherté du coût de la vie dans mon pays.