Algérie : le chantage identitaire pour légitimer la tyrannie
La confusion dans la loi fondamentale du religieux et du politique, par l’entremise de la charia à travers l’article 2 de la constitution dans toute action normative, constitut sournoisement ! un outil de répression tyrannique contre l’éveil du citoyen et contre ses aspirations, universellement partagées, celles d’égalité des droits, de participation politique et d’épanouissement culturel.
En effet, l’article 2 de la Constitution, qui consacre l’islam comme religion d’État, bloque toute possibilité de souveraineté de l’État et de sécularisation de la société ; seules conditions à même de favoriser l’émergence et l’épanouissement de la citoyenneté dans le cadre d’un régime politique pluraliste. Il convoque systématiquement le droit canon (la charia) dans toute élaboration juridique du statut personnel, réduisant ainsi le citoyen à n’être qu’un sujet dépourvu de liberté de conscience et la femme à n’être qu’une mineure éternelle recluse dans le cadre du code de la famille. La confusion dans la loi fondamentale du religieux et du politique repose principalement sur un système de production du discours identitaire puisé essentiellement dans l’idéologie arabo-islamique dont le contenu est articulé dans sa totalité autour de la charia.
La charia désigne la voie tracée par Dieu (Tariq ou Sabil) et sert à proscrire le droit. La notion de voie prend ainsi le sens de loi. La charia devient un système cohérent qui tend à réaliser la conformité de la cité des hommes à l’ordre du Dieu. Elle a été entendue dans le sens de normativité ou de réglementation. Comprise dans ce sens, elle est constitutive d’un système qui tend à embrasser tous les aspects de la vie du citoyen, de même qu’elle tend à régenter tous les secteurs de la vie sociale : les relations privées, l’économie, le droit public, l’organisation des pouvoirs politiques, le culte, la foi, y compris même l’enseignement et l’Éducation nationale. Ce système rempli de normativité et qui se veut lui-même normatif, sacralisé, se refuse au changement, il est immuable et inaltérable. Il est répété tel quel depuis des siècles. C’est au nom de ce discours que parle l’islam politique et le nationalisme conservateur, dont ils tirent la légitimité pour mettre l’État sous tutelle. C’est donc sur la charia que l’article 2 de la constitution fait reposer l’identité de l’État et le statut personnel.
La prédisposition tyrannique de la charia contre l’éveil du citoyen et contre ses aspirations, universellement partagées, celles d’égalité des droits, de participation politique et d’épanouissement culturel, sera instrumentalisée sournoisement par le pouvoir pour structurer la domination sur le mode de la terreur religieuse.
Ce processus de terreur religieuse commence très tôt en réalité dans la vie de l’enfant, par un premier traumatisme lié à la circoncision, alors que l’enfant ne dépasse pas encore l’âge de quatre ans, dont il associe la douleur de cette opération immédiatement à la religion. Par la suite, dans une pratique qui se raréfie aujourd’hui heureusement, avant même le début de la scolarité, vers l'âge de quatre ans, l’enfant est envoyé dans une école coranique où il est amené à apprendre à réciter le Coran à coups de bâton. L’enfant associe encore une fois ce deuxième traumatisme à la religion. Il doit apprendre par cœur, au risque de recevoir des coups si son apprentissage s’avère défaillant ou imparfait. Il sera contraint d'accepter cela et de se taire, car ses parents et tout le groupe auquel il appartient approuvent ces méthodes d’apprentissage par la force et n’a aucune chance d’être soutenu s’il venait à se rebeller. L’enfant, puis l’adolescent ne peut se dérober à cette soumission contraignante, car, né de parents musulmans, il le devient par une sorte d’héritage idéologique et non par choix. C’est une obligation qui court depuis l’avènement de l’islam, il y a quatorze siècles, dont il est difficile de rompre ce processus sans subir la colère du groupe. Ensuite vient l’école primaire où l’apprentissage de la religion est reconduit avec de nouvelles matières, dont l'éducation religieuse, où l’on dispense à l’enfant l’apprentissage des piliers de l’islam, l’approfondissement de l’étude du Coran et des Hadiths pour islamiser le plus possible l’enfant. À partir de l’école primaire, cette éducation religieuse se consolide de plus en plus en endoctrinement religieux. Il est évident que l’objectif visé par cet endoctrinement est l’embrigadement de la masse, pour mieux la contrôler. À partir de ce moment, l’enseignement de la religion sera dispensé de manière à inculquer à l’enfant une compréhension et une acceptation de l’islam comme un tout, qui englobe la culture, la science, la politique et tous les aspects de l’existence dans un système totalitaire.
Vers l’âge de neuf ans, l’enfant est amené à faire la prière en récitant les versets qu’il avait appris, même s’il ne comprenait rien à leur contenu. À cette même époque, il doit commencer l’apprentissage du jeûne, en jeûnant quelques jours pour le ramadan. Plus tard, il sera contraint à pratiquer la prière et faire le jeûne sous la peur des parents, de la famille, de la société et la crainte du châtiment de Dieu, qui menace de le jeter en enfer s’il apostasie. Sa pratique de la religion se fait sans aucune conviction, mais seulement par peur. Cette peur de la société et la crainte de Dieu vont le poursuivre tout le long de son existence. Cette peur va se transformer en névrose, qui constituera un énième traumatisme. Ainsi, à la base de la croyance et de la pratique de l’islam figure la peur, qui au pire des circonstances devient une terreur. Il faut juste pratiquer en obéissant aux préceptes islamiques sans jamais se poser la moindre question, sans pouvoir réfléchir, penser, car il est proscrit de discuter la volonté de Dieu. Cela peut se résumer ainsi, que la peur est la base sur laquelle repose l’islam, la peur de la société, de Dieu, de la mort et de l’enfer décrit dans cette idéologie intolérante. Le rapport avec Dieu se résume à une relation de terreur. À cause de cette peur, il est impossible de discuter les contenus du Coran et des Hadiths. L’interdiction de la liberté de critique du Coran repose essentiellement sur la crainte de découvrir ses incohérences et ses contradictions, qui risquent de pousser les fidèles vers l’apostasie. Sinon pourquoi ne pas libérer sa critique et lui appliquer les méthodes scientifiques contemporaines, telle, l’archéologie des religions, si cette crainte n’était pas une menace pour les privilèges que tire de cette situation tout détenteur de la moindre parcelle de pouvoir dans la société islamique.
Ce qui est permis de savoir peut se résumer à tout ce que veulent bien permettre les cercles de pouvoirs, représentés par les savants religieux, les imams et les pouvoirs politiques, pour maintenir les masses populaires dans l’ignorance, pour pouvoir les manipuler et les dominer à leur guise. Ils se contentent d’enseigner la peur de l’au-delà ! pour avoir le pouvoir ici-bas. La référence au dogme religieux s’appuie sur un déni total de l’Histoire. Pour arriver à leur but, les pouvoirs publics ont institué le créationnisme en tant que théorie officielle, source inaliénable de l’élaboration constitutionnelle et doctrine officielle dans l’enseignement. Les sciences humaines (histoire et anthropologie) sont amenées à s’y conformer et de s’y plier à tous les dogmes. Toute transgression est considérée comme un blasphème au mépris des vérités résultant de la recherche scientifique. Cette injonction est appuyée par le faible budget attribué au secteur de l'enseignement supérieur et à la recherche scientifique, et un contrôle rigoureux sur les sujets de recherche.
En définitive, l’article 2 de la constitution vient parachever le cercle de la peur et de la castration de la population contre son éveil, et renforcer l’obstruction de l’horizon des possibles sur les potentialités de sa capacité à développer son esprit critique, pouvant contribuer à la libération de son imagination créatrice.
Ainsi, la confusion du politique et du religieux dans la loi fondamentale peut être perçue comme émanant d’une conformité au droit divin, c’est-à-dire, une structuration du pouvoir autour du religieux, qui livrerait la population sans défense dans la soumission à l’autoritarisme et au totalitarisme, propres à la totalité dogmatique de la religion. Contribuant au renforcement de l’imaginaire collectif dans l’aliénation dans la religion avec tout ce qu’elle implique comme renforcement du consensus dans l’adhésion aveugle au discours populiste qui caractérise le régime despotique.
Ainsi, le pouvoir, pour imposer sa conception de l’identité de l’État, peut recourir à la justification qui consiste à mettre en avant une société croyante et sa foi en l’islam.
C’est à cette justification que se réfèrent le pouvoir algérien et ses idéologues dans une démarche, qui est comprise comme processus de mise en place d’un État, en tant que système institutionnel, un complexe de structures comportant des institutions et des régulations conçues pour fonctionner harmonieusement et efficacement. Ce système, qui présuppose un ordre de droits, un système de valeurs, sert d’une façon assurée, les objectifs pour lesquels il a été conçu et mis en place : la domination de la société. Mais ce système pose problème quant à son adéquation à sa fonction, qui consiste dans sa capacité à répondre aux aspirations du peuple, universellement partagées, celles d’égalité des droits, de participation politique, de progrès économique et social et d’épanouissement culturel. Car, ce sont ces valeurs et aspirations fondamentales, constituant un socle de droits universels, adoptées à l’échelle de l’humanité entière, qui définissent le rôle de l’État, et non l’accomplissement de quelque conservatisme dérivé de la jurisprudence islamique médiévale et légitimée au nom de l’islam.
Or, la démocratie n’est pas seulement affaire de régime politique. Elle n’est pas seulement une affaire de dimension politique et institutionnelle. Sont également en cause le modèle social et la démocratie des mœurs. La constitution politique ne peut en effet suffire à garantir la démocratie si la société ne peut s’appuyer sur une constitution civile qui cimente la nation et qui l’émancipe du pouvoir. La constitution politique démocratique doit consacrer les droits naturels des hommes. Les libertés individuelles, les droits fondamentaux, le principe d’égalité entre les citoyens, entre hommes et femmes. Le droit en est le fondement, qui détermine la citoyenneté. Le code de la famille et le code du statut personnel sont le socle sur lequel le vivre ensemble démocratique peut se bâtir. À travers ces codes se pose la question de l’autonomie de la loi et celle de la souveraineté législatrice du peuple.
Au-delà des stratégies politiciennes populistes au service du despotisme pour le maintien au pouvoir, - par la captation d’un électorat désabusé, aliéné dans les valeurs religieuses, pour qui, cet article en tant que pilier de la constitution apparaît comme une réponse à son attente, par la satisfaction de son besoin d’identification symbolique au substrat identitaire de la culture arabo-islamique - cet article prive le citoyen de son inscription dans la dynamique des processus d’acculturation régionale et mondiale et constitut un frein à son éveil à la contemporanéité du monde, avec tout ce que cela implique comme émancipation sociale, politique et culturelle.
La révision de la Constitution qui se profile aura donc fort à faire avec l’article 2. Elle doit instituer une nation citoyenne fondée sur le droit, qui est le principal déterminant pour la construction du nouvel État démocratique et poser la question de la laïcité en tant que fondement des rapports entre religion et État, religion et politique et religion et droit.
Youcef Benzatat
Commentaires (30) | Réagir ?
merci
Je suis née dans une famille musulmane mais moi j'ai décidé d'être athée. Je suis bien contente de ne pas être influencé par la religion musulmane. Quand j'avais 8 ans, mes parents et mes grand parents me disait de faire le ramadan pendant quelques jours, histoire de m’entraîner et de m'habituer, mais quelques années après je n'ai plus jamais fait le ramadan.