Nacer Djabi : "Le pouvoir cherche à maintenir le statu quo"
Nacer Djabi. professeur de sociologie politique, répond au quotidien El Watan.
Quelle lecture faites-vous des résultats des élections locales qui consacrent l’hégémonie du FLN ?
Il n’est pas exigé de ces élections qui se déroulent dans une période de stagnation politique qu’elles enclenchent une dynamique de changement, mais elles ont plutôt pour objectif principal de reproduire un système politique avec la même cartographie que nous connaissons. Avec quelques changements superficiels, mais qui ne touchent pas le fond des choses. A partir de ce constat, l’hégémonie du FLN et du RND et de quelques partis du second collège est une évidence. Non pas seulement à cause de la fraude, mais également en raison du climat politique et du cadre juridique dans lesquels se sont déroulées ces élections, de la faible mobilisation populaire et de la piètre campagne électorale. Tous ces éléments mènent inévitablement à un résultat prévisible avant même la tenue des élections.
Le taux de participation était officiellement de 44%. Comment analysez-vous la défiance des électeurs ?
Nous assistons depuis des années à des élections de récession politique qui ont pour but de tenter de convaincre une partie de la population à une sorte de participation politique à l’occasion d’élections. Cette participation est devenue un défi majeur pour le pouvoir. L’essentiel pour lui est de donner l’impression pour les citoyens et le monde extérieur d’un semblant d’institutions légitimes avec un taux de participation acceptable alors que les tendances sociologiques montrent la désaffection des habitants des grandes et moyennes villes et chez la catégorie des jeunes qui représentent la majorité au sein de la population. Il ne reste pour le pouvoir qu’une minorité de la population puisée dans les régions du désert et des Hauts-Plateaux. Et évidemment tout ce que peuvent mobiliser les partis parmi les militants et les familles des candidats et les seniors. Il apparaît clairement qu’en ces temps de récession politique, ce sont les mêmes catégories que mobilisaient les mosquées durant les années 1970. La désaffection enregistrée au sein de la jeunesse et dans les grandes villes exprime une position critique à l’égard de la situation politique qui prévaut en Algérie. Cette expression qui prend forme non seulement par le boycott, mais aussi à travers des mouvements de contestation sociale. Le risque est de «parvenir» à convaincre la majorité des citoyens que les élections ne constituent plus un moyen de changement politique. Si cette conviction s’enracine chez les Algériens, cela veut dire que l’une des voies du changement serait violente. Une des conditions d’un changement violent existe déjà.
Ces élections ont confirmé le recul des partis islamistes. Ceci traduit-il un recul de l’islamisme politique dans la société ? Ou bien l’échec des partis islamistes ne veut pas dire nécessairement le recul de l’islamisme dans la société ?
L’islamisme qui participe au jeu politique depuis des années n’incarne pas le changement. C’est l’islam politique des couches moyennes pieuses qui est un islam assimilationniste qui cherche à se rapprocher des centres de la rente. La seule différence entre les islamistes «officiels» et leurs concurrents et les autres couches est qu’ils veulent manger halal. Alors que le citoyen, contrairement aux tenants de cet islam politique, veut un changement parfois radical. Mais il faut rappeler que ce courant à pu préserver ces positions dans un paysage politique, dont les élections ne servent qu’à reproduire la stagnation politique.
Le courant moderniste a stagné, alors que le tout nouveau parti de Benyounès, le MPA, enregistre un score important. Comment expliquez-vous cela ?
Nous assistons à un phénomène nouveau, celui des partis-ministres participant au pouvoir qui peuvent mobiliser quelques petites couches bénéficiant de leur proximité des centres de décision. Amara Benyounès rentre dans cette conception. Des catégories y trouvent leurs intérêts dans un parti au pouvoir. Le MPA avec ses résultats pourrait être le projet d’un parti représentant la bourgeoisie kabyle qui trouve enfin en lui un porte-parole en dehors des élites politiques classiques imprégnées d’opposition politique et culturelle que représentent le FFS et le RCD. Ces élites sont devenues un obstacle face à cette bourgeoisie qui cherche à se rapprocher de plus en plus du centre de la rente financière politique nationale. Le défi pour le MPA est d’asseoir son ancrage en dehors de la Kabylie et chez les classes moyennes pour qu’il puisse devenir un parti libéral à dimension nationale. Existe-il une conscience à l’intérieur du parti quant à ce défi ? Le pouvoir réel continue-t-il à lui apporter un soutien ?
Qui sort gagnant finalement de ces élections ?
Il est évident que le grand gagnant est le pouvoir dès lors qu’il cherche à maintenir le statu quo et la stagnation politique. En plus de l’image qu’il donne à l’étranger, il gère provisoirement les élites locales, les affairistes et les notables anciens et nouveaux. A partir de là, la participation massive des citoyens aux élections devient secondaire pour le pouvoir.
Hacen Ouali
Commentaires (4) | Réagir ?
Le 5 juillet 1962, l'Algérie est sortie d'une nuit coloniale abjecte, qui pendant 132 ans nous a fait vivre à nous et à nos aieux les plus tragiques moments de l'Histoire de l'humanité; personne ne se doutait alors que nous rentrions une fois de plus dans une autre nuit aussi abjecte avec pour fondement: l'injustice, la peur, la misére et l'inégalité sociale. Alors que, dieu est temoin, le peuple d'algérie (qui était en algerie) a souffert le martyre, organisé par les colons en rage de devoir quitter ce si beau pays par la petite porte, ce peuple dut s'incliner et accepter une autre dictature qui ne disait pas son nom et prenait pour arme le mensonge et la manipulation. Nous les anciens, qui avons vécu les deux catastrophes, nous sommes impardonnables d'avoir été aussi naifs et aussi crédules... Non, je ne radote pas, car il y a 50 ans cela se passait exactement de la meme maniére. Y-a-t-il une malediction qui nous poursuit? Ne meritons nous pas aprés toutes ces souffrances de partir en ayant au coeur le bonheur de voir notre si beau pays prendre la voie de la sagesse la justice et la raison.
Vous en parlez comme s'il s'agissait d'un pays ou d'une republique. Vous usez meme du terme bourgeoisie, etc. pour decrire le benyounes, de ma region, dont la famille vient de quelque part au-dela de la mantagne. . . comme travailleurs journaliers. . . mais qu'importe. . .