Sommet de Doha (climat ) : vers un protocole d'accord à minima
Réunis depuis hier au Qatar, 195 pays, plus divisés que jamais, planchent sur l’après-protocole de Kyoto sur la réduction des gaz à effet de serre, qui s’achève fin décembre.
Il y a quinze ans, les connaissances sur le changement climatique balbutiaient ? La planète accoucha néanmoins d’un protocole de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). La précision scientifique se fait de plus en plus clinique, alarmiste, catastrophiste ? Les 195 pays se retrouvent pourtant depuis lundi, et jusqu’au 7 décembre, à Doha, au Qatar (champion du monde des émissions de GES par habitant…), face à un sentiment de vide devant une équation à plusieurs inconnues. «Le protocole de Kyoto s’achève fin décembre, les caisses sont vides, déplore une déléguée d’un pays africain. On veut maintenir un processus sans réel mandat politique. Et comme il n’y a aucun leadership, que les ONG donnent le sentiment d’attendre des jours meilleurs, que les médias désertent, les négociateurs vont s’épuiser à multiplier des réunions techniques sans ambitions.»
«C’est le paradoxe, il faut revoir d’urgence l’ensemble des modèles de développement de nos sociétés et arrêter d’ergoter à la marge,ajoute un diplomate européen. Mais le temps des politiques n’est pas celui de l’urgence climatique.» Constat dépité que les crises - à commencer par celle des finances publiques - ne suffisent pas à expliquer. Malgré un nouveau record d’émissions de GES l’an passé,«on est dans un creux extrêmement frustrant, reconnaît Emmanuel Guérin, de l’Institut du développement durable et des relations internationales. Les grandes conférences sont assez insensibles à l’urgence.» Mais il n’y a pas d’alternative à la diplomatie onusienne des petits pas (ou des pas en arrière). «Il faut donc passer le trou d’air, se boucher le nez, ne pas être trop inquiet, et espérer voir se dessiner une porte de sortie d’ici deux ou trois ans», estime Jean-Charles Hourcade, du Centre international de recherche sur l’environnement et le développement.
En 2014, les scientifiques du Giec publieront un nouveau rapport. Et 2015 ? La date butoir pour parvenir à trouver un accord, applicable en 2020, censé inclure les grands pollueurs de la planète. Pour cette «COP18» de Doha, «les négociations devraient se concentrer sur la façon d’organiser ce processus, plutôt que traiter le fond des sujets», rappelle Emmanuel Guérin. D’ici (au moins) trois ans, seules l’UE, l’Australie et l’Ukraine - soit 14% des émissions - se disent prêtes à signer le «Kyoto 2» que les pays développés se sont engagés à lancer l’an passé à Durban. Mais la Russie, le Canada ou le Japon ont déjà assuré qu’ils n’en seraient pas. Pas plus que les Etats-Unis, qui n’avaient pas ratifié Kyoto 1. «S’engager dans Kyoto 2, c’est un symbole, c’est montrer qu’on poursuit un accord juridique contraignant, justifie un négociateur européen, qu’on s’engage au nom de notre responsabilité historique dans ces émissions pour que tout le monde s’engage en 2015.»
A condition, aussi, que les promesses d’un «fonds vert», qui doit être abondé de 30 milliards de dollars (23,13 milliards d’euros) entre 2009 et 2012, pour atteindre 100 milliards en 2020, suivent… «Pour l’instant, c’est une tirelire sans un sou dedans. Du coup, le Sud y voit une trahison de plus», dénonce Pierre Radanne, du think tank Futur facteur 4. «Faux, l’UE va mobiliser 7,2 milliards d’euros et la dynamique est enclenchée», rétorque un diplomate à Bruxelles. «Un sujet capital, qu’on ne peut zapper», résume Alix Mazoumie, du Réseau action climat. Une condition sine qua non, selon Tasneem Essop, de l’ONG WWF, pour que «la relation de confiance entre pays développés et en développement»puisse se retisser. Un lien tant érodé qu’il faudra du temps pour le rétablir. Un temps que le climat ne peut pourtant pas accorder.
En attendant, on se raccroche à des bouées de survie ou des bouffées d’espoir. Emmanuel Guérin veut croire en quelques avancées : si «de nouveaux petits pays prennent des objectifs de réduction d’émissions» ; si «des pays avec une fourchette d’objectifs décident de choisir l’option haute» ; si des «initiatives spécifiques sur des secteurs non couverts [maritime et aérien, ndlr] aboutissent». Sur ce dernier enjeu, c’est déjà bâché, selon lui : «L’Europe s’est pris un énorme râteau dans les dents.» Les négociateurs s’accrochent. «Car il y a pire que les climatosceptiques, ose Pierre Radanne : les climatopessimistes.» Pourquoi ? «Parce que le pessimisme est une lâcheté. On a, au fond, le choix entre la souffrance et le silence. Il faut donc accepter la médiocrité actuelle de l’action politique sur le climat, mais, en aucun cas, abandonner la bataille.»
Christian Losson/Liberation
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