RD Congo : qui sont les rebelles du M23 ?
"Corps socio-politique organisé autour d’une vision socio-démocrate" selon eux, force supplétive armée du Rwanda selon le président de la République démocratique du Congo (RDC), rebelles menés par des génocidaires selon Human Rights Watch, le Mouvement du 23-Mars (M23) mène toujours la rébellion dans la région du Nord-Kivu.
Le site officiel de l’organisation du Mouvement du 23-mars (M23) pourrait prêter à sourire si la situation n’était pas aussi explosive sur le terrain de l’Afrique des Grands lacs. Pour bien comprendre l’histoire de la rébellion qui gagne le Nord-Kivu, il faut remonter dans le temps et s’arrêter à la date du 23 mars 2009. Ce jour-là, le général Laurent Nkunda est arrêté au Rwanda. Ancien chef militaire du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), ce dernier est accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité lors de la Guerre du Kivu qui a ensanglanté la région de la République démocratique du Congo de 2004 à 2008 et la signature de l’accord de paix de Goma. A son arrestation, un traité de paix est conclu entre le CNDP et Kinshasa pour une transformation de la rébellion en parti politique et l’intégration de sa branche armée dans l’armée congolaise. Trois ans après, après une première mutinerie en avril, était créé en juin le Mouvement du 23-Mars.
Sur le papier, il se définit comme "un corps socio-politique organisé autour d’une vision socio-démocrate". "Un rassemblement ouvert à tous les Congolais quels que soient leur statut social, leur appartenance ethnique, leur religion ou conviction. Nous sommes le creuset où toutes les communautés viennent se ressourcer pour constituer une nouvelle famille non biologique mais idéologique", explique le site officiel. Qui poursuit ensuite sur le thème de la nation. "Le M23 a la détermination de modeler une famille spirituelle, idéologique à partir de toutes les complications profondes de l’histoire du Congo. Cette nouvelle Nation restaurée en dignité, doit être l’aboutissement des efforts communs faits de sacrifices et de dévouements de manière permanente des générations en générations." Comme moteur de sa lutte, le M23 explique utiliser «l’Humanisme». "L’homme est la raison d’être de notre existence, l’existence d’un homme est la conséquence de celle de l’autre, nous nous devons, de ce fait, en assurer conservation, protection et défense pour nous garantir ce qui nous est précieux: la vie." La conclusion est bien sûr d’essence révolutionnaire: "L’homme étant le peuple, il n’existe pas de peuple sans l’homme, peu importe le nombre; ainsi pour le M23, la défense du peuple signifie assurer, garantir à l’homme, de manière ininterrompue, la paix et le pain". En majuscule, s’il vous plait.
"Les pires auteurs des violations des droits de l'homme"
Derrière les discours, il y a les hommes. La coordination politique est assurée par le pasteur Runiga Lugerero et sur le plan militaire par le colonel Makenga Sultani, explique toujours le site officiel du mouvement. Ce dernier, général de l’Armée Révolutionnaire du Congo (ARC) est déjà sur la liste noire des Etats-Unis pour des exactions passées. Human Rights Watch (HRW) est catégorique: selon les recherches effectuées par les enquêteurs de l’ONU, «le colonel Makenga est responsable de recrutement d'enfants et de plusieurs massacres commis dans l'est de la RD du Congo". Ses compagnons d’armes ont également du sang sur les mains selon l’ONG: "Le colonel Innocent Zimurinda est responsable de massacres à caractère ethnique à Kiwanja, à Shalio et à Buramba, ainsi que de viols, de tortures et du recrutement d'enfants; le colonel Baudouin Ngaruye est responsable d'un massacre à Shalio, du recrutement d'enfants, de viols et d'autres attaques contre des civils; et le colonel Innocent Kayna est responsable de massacres à caractère ethnique en Ituri et du recrutement d'enfants." Un autre nom est associé au Mouvement du 23-Mars: Bosco Ntaganda, surnommé «Terminator». Bien que son rôle ne soit pas officiel, des combats et des membres du M23 ont confirmé le rôle de ce dernier à HRW. Sous le coup de plusieurs mandats d’arrêt de la Cour Pénale Internationale pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité, en l'occurrence des meurtres, des persécutions pour motifs ethniques, des viols, de l'esclavage sexuel, et des pillages, également en rapport avec ses activités en Ituri, l’homme serait l’une des têtes pensantes des rebelles. En juin, la Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Navi Pillay, a désigné cinq des dirigeants du M23 comme étant "parmi les pires auteurs de violations des droits humains en RDC, voire même dans le monde".
Depuis la mutinerie d’avril, les exécutions sommaires et les viols se succèdent à nouveau dans le Nord-Kivu, alors qu’une campagne de recrutement forcé a été menée dans la région frontalière auprès des enfants. Plus ambigu est le rôle joué par le Rwanda voisin. Sur la foi de déclarations de soldats du maintien de la paix de l’ONU, HWR accuse Kigali de soutenir le M23 dans ses exactions. "Les rebelles du M23 sont en train de commettre une horrible série de nouvelles atrocités dans l'est de la RD du Congo", a déclaré Anneke Van Woudenberg, chercheuse à la division Afrique de Human Rights Watch. "Les commandants du M23 devraient être contraints de rendre des comptes pour ces crimes et les autorités rwandaises qui soutiennent les commandants responsables d'exactions pourraient être traduits en justice pour complicité de ces crimes", a-t-elle ajouté. Amnesty International est tout aussi catégorique, assurant avoir rassemblé des informations indiquant que le M23 comptait dans ses rangs des recrues rwandaises et utilisait des armes fournies par ce pays. Samedi, un sommet extraordinaire se déroulera à Kampala, capitale de l’Ouganda. Pour que la folie des hommes cesse enfin au Nord-Kivu dont le sous-sol de la région regorge de minerais rares…
Yannick Vely/parismatch
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