Il faut liquider la populace

Du règne des bottes, des bottes-turban, on est passé à celui des turbans.
Du règne des bottes, des bottes-turban, on est passé à celui des turbans.

"Le plus grand nombre est bête, il est vénal, il est haineux. C’est le plus grand nombre qui est tout. Voilà la démocratie." (1)

D’après Montesquieu, la démocratie conduit à une frugalité générale et ouvre la porte aux dépenses publiques. Certains malins, notamment dans les pays arabes, ont préféré la classer comme pierre philosophale, d’autres l’appliquent à leur manière. Le fiasco du printemps arabe et la crise économique mondiale nous révèlent un tout imprévisible et surtout vulnérable. L’utile et l’inutile, telle est la nouvelle sélection darwinienne. On estime que le monde d’aujourd’hui a besoin de 10% à 20% de sa population, le reste peut s’enterrer sans entraver l’évolution de l’espèce, au contraire. Dans son livre, Créer une nouvelle Civilisation (La politique de la Troisième Vague), le célèbre futuriste Toffler parle d’un avenir "demassifiée" basée sur le savoir. Il précise que la masse a vécu avec la Première Vague (celle de l’Agriculture) et la Deuxième Vague (celle de l’Industrie). Ces deux économies avaient plus besoin de la quantité que de la qualité.

Maintenant à l’ère de l’ordinateur des machines intelligentes des robots humanisés, la masse est devenue un poids mort, économiquement pas rentable et politiquement encombrant. En Occident, on le voit avec les délocalisations, le chômage et tous ces plans de rigueur imposés aux plus démunis par des experts qui n’ont pas su faire leur boulot. Quelle différence il y a entre ce père de famille espagnol expulsé de son logement ruiné endetté à vie ne trouvant de solution qu’en se jetant d’un pont et l’esclave d’antan victime de la cruauté de son maitre qui privilégie la révolte la fuite au suicide. Démocratie ou pas, le système a déraillé. Toffler débute son livre en ces termes : "Les Etats-Unis se trouvent confrontés à une convergence de crises sans égale depuis leurs origines. Leur système familial est en crise, mais leur système de santé aussi, ainsi que leurs systèmes urbains, leur système de valeur et, par-dessus tout, leur système politique, qui a pratiquement perdu la confiance de la population. Pourquoi toutes ces crises, et tant d’autres, surviennent-elles à peu près au même moment de notre histoire ? Sont-elles le signe de la décomposition de notre pays ? Sommes-nous à la "fin de l’histoire" ?" Pourtant, ces questions inquiétantes datent de 1994, 14 ans avant la séisme des subprimes, la faillite de Lehman Brothers, les affaires Kerviel ou Madoff… Les subprimes, ces produits pourris qui ont ébranlé la plus grande la plus sûre la plus innovante économie du monde et les autres avec la baraka de la mondialisation. Une maffia économique politique qui a pris le temps de laver le cerveau des pigeons avant de leur couper les ailes. Mais laissons l’un d’eux en parler : "…J’ai grandi dans l’ombre, au cœur du sérail et de l’argent. Je suis un parasite de la haute finance, l’un des membres du directoire d’une des plus grandes banques de France. A peine surpayé, j’ai ramassé quelques millions d’euros en une quinzaine d’années. Une paille, comparé aux salaires et aux primes des traders que je dirige. Ou plutôt que je dirigeais. Voici cinq mois, j’ai été écarté des affaires par un président soudain très à cheval sur les règles et le contrôle des risques… Bref, j’ai payé… J’ai surtout trinqué à la place du président. Pourtant, même si j’ai longtemps fermé les yeux sur ce qu’il faut bien appeler nos pratiques mafieuses, je n’étais pas le seul aveugle aux commandes. On a foncé sur tout ce qui se présentait : les montagnes russes des produits dérivés, l’immobilier surévalué, les diversifications foireuses, les ventes à découvert… Responsable ? Sans doute. Mais j’étais en bonne compagnie. Banquiers, investisseurs et autorités de contrôlent (comme ils disent), on s’est tous autoconvaincus que la postérité était là pour 100 ans. Quant aux agences de notation et aux ministres des Finances, ils ont une bonne excuse : en fait, ils n’y comprennent rien. La fête a duré près de 20 ans. 20 ans à se gaver et à se moquer des règles tout en faisant la leçon à nos clients… Au fait, vous voulez savoir si je compte rendre l’argent que je vous ai volé pendant toutes ces années ? Eh bien, je préfère vous le dire tout de suite : la réponse est non !" (Confessions d’un banquier pourri, Crésus).

Grâce à d’autres règles tout aussi juteuses, la banque Khalifa et celles dites islamistes ont ruiné leurs naïfs clients en Algérie, Egypte etc. En cas de pépin c’est le dernier fusible qui saute et la populace payera de gré ou de force, on a pris le soin de rédiger des lois en ce sens. «Il faut prendre l’argent là où il se trouve, c'est-à-dire chez les pauvres. Bon, d’accord, ils n’ont pas beaucoup d’argent, mais il y a beaucoup de pauvres.» (2) Avec tous ces drames qui se passent un peu partout dans le monde cette insécurité grandissante ce malaise social on se demande si l’auteur du Choc du Futur ne s’était pas trompé cette fois-ci, y-a-t-il au moins assez d’eau pour une troisième vague ? Il reconnait pourtant la décrépitude avancée de la vie politique et sa grande répugnance à tout changement. Alors n’est-il pas urgent de se poser d’abord des questions sur la Politique au lieu de philosopher sur des révolutions qui auront toujours le même lot de sacrifiés et d’encensés. Des révolutions qui sombrent pour ressusciter encore plus inhumanisées. On ne demande plus à un politicien d’avoir une vision éclairée, un programme sensé mais d’être charismatique manipulateur en un mot un guignol sympa. On n’exige plus d’un juge d’être un sage mais d’ânonner son texte. "L’idée que la raison puisse s’étendre sans fin et s’appliquer sans frein était, en son fond, étrangère aux Grecs de l’Antiquité. C’est pourtant bien cette forme de monstruosité que nous avons sous les yeux, et que la récente crise mondiale n’a fait que rendre plus visible. La décision rationnelle, à force d’être hypertrophiée, génère du chaos. Le renforcement des pilotages automatiques conduit au fait qu’il n’y a plus de pilote nulle part. Le chiffre, la règle, la mesure, tous les vieux repères se retrouvent paradoxalement transformés en pièges. Cultivés sans limites, ils se retournent en leur contraire et finissent par menacer ceux qu’ils devaient protéger." (3)

Loin de Wall Street, du miracle asiatique de la vieille Europe endettée et tout ce bouillonnement, les pays arabes sont occupés à mater leur populace à coup de versets ou à coup de canon. Du règne des bottes, des bottes-turban, on est passé à celui des turbans. Les zaîms, en panne d’idées, l’avaient bien compris dès les années 70 avec l’échec du nationalisme du socialisme spécifique : la religion est la solution. Dans toutes les constitutions, l’Islam fut mis au centre, même le Bangladesh, pays né des efforts conjugués des Hindous des Musulmans des Bouddhistes et des Chrétiens, n’y a pas échappé au prix des sempiternelles luttes sanglantes et génocide des minorités. Quand il y a qu’une seule religion comme en Algérie, les minorités se font et se défont au rythme des listes noires. "Le monde arabe va vers la guerre civile… Il y a ceux qui ont l’argent et ceux qui ont des idées, mais les uns et les autres ont fait faillite. On se rend compte qu’après l’euphorie des années 50, 60, 70, ce que nous avons n’est pas ce que nous voulions ; le besoin d’une approche nouvelle." (4) Cette approche nouvelle, la génération facebook l’avait reprise à son compte avec beaucoup de retard : démocratie. Or la démocratie nécessite la laïcité c'est-à-dire des lois conçues par les hommes pour des hommes sans messager divin autoproclamé. Maintenant que la laïcité est synonyme d’athéisme que les prix du pétrole flambent que l’imbécilité est programmée dans les écoles et avec la fuite des cerveaux les révoltes populaires, nos tyrans ajoutent le chapelet au bâton. L’Arabie Saoudite est l’exemple à suivre fissa: une famille royale indétrônable et des esclaves soumis au Verbe et à l’Epée. Alliance indestructible entre wahabisme et "saoudisme". En Algérie, les terribles janissaires, ces enfants chrétiens kidnappés pour assurer la sécurité du dey, se sont bien liés aux oulémas contre les ottomans. Pour ces deux riches pays de l’Ouma, grands importateurs d’armes, la priorité est donnée à la sécurité intérieure de la nomenklatura "menacée" par les Béni Hilal : la populace. Il est pratiquement impossible d’y faire des coups d’états, tout est quadrillé noyauté censuré étudié pour maintenir le statut quo. Des sommes colossales sont dépensées pour l’armée la police et toute la meute masquée des agents de A à Z.

Du haut de leur Olympe usurpé, notre famille "révolutionnaire" copie la famille royale saoudienne. Ça se reproduit entre eux ça gouverne entre eux ça se sucre entre eux et ça s’oxygène entre eux dans des hôtels de luxe des casemates dorées et à l’étranger chez les "koufars". Pour laver leurs os d’éventuels péchés, la sainte Kaaba s’est entourée de palaces aux marques prestigieuses pour les accueillir autant de fois qu’ils le désirent. De l’Egypte à la Tunisie en passant par la Libye l’Irak, la loi de Dieu est dans tous les discours du palais. Réglée comme une montre suisse branchée à une pile atomique. La charia est censée être juste faite par le Juste appliquée par des justes. Mais partout où elle s’applique, il n’y que lapidation coups de cravache amputation… envers les laissés-pour- compte coincés entre deux intégrismes. A-t-on vu un jour un émir, un ministre un quelconque notable condamné en vertu de la loi divine ? C’est vrai qu’ils ne volent pas ne trichent pas ne mentent pas ne font aucune de nos bêtises puisque c’est eux qui décident du licite et de l’illicite. Le problème de la charia comme l’avait précisé le cheikh Al Afghani c’est de dénicher un dictateur éclairé mais où le trouver ? Déjà par définition le nom s’oppose à l’adjectif et d’après les psys, le pouvoir absolu affecte tôt ou tard le mental. Sans oublier le tournis des diverses interprétations pour un seul Livre écrit en une seule langue. "Le courant islamiste peut recourir tant qu’il le veut aux textes sacrés, il n’en continue pas moins de n’exprimer que des opinions strictement humaines, reflets d’intérêts purement mondains, comme le prouvent les écarts doctrinaux importants séparant les multiples tendances qui se disent le seul porte-parole autorisé de l’Islam : s’ils sont vraiment inspirés par Dieu, que ne parlent-ils tous d’une même voix ?" (5) Qu’il est facile pour un Aqmi et Compagnie de terroriser les femmes de Tombouctou de forcer leur misérable demeure, qu’il est facile pour un émir saoudien de couper la main du paria, qu’il est facile pour nos policiers de pourchasser les couples illégitimes les non-jeûneurs les possesseurs de la Bible, le livre de Sidna Aîssa et de sa mère Marie, la seule femme évoquée des dizaines de fois dans le Coran. Mais pour nos futurs califes, le bonus est ailleurs. Grâce aux milices islamistes, la charia est l’occasion rêvée de se débarrasser de toutes ces brebis galeuses que sont les avocats rebelles les syndicalistes indépendants et tous ces défenseurs des droits civils.

Dans les monarchies du Golfe qui peut contester les trésors fabuleux, reconvertis en butin, que s’octroient par décret divin les familles régnantes. Le roi Fahd qui a instauré le Conseil supérieur pour la Daâwa (la prédication) offrait chaque année en cadeau à la puissance police des mœurs (Moutawâa) qui terrorise Saoudiens et étrangers 100 millions de rials alors que son budget annuel était estimé au début des années 1990 à 10 milliards de dollars (Anouar Abdallah, Les Oulémas et le trône). On voit que l’argent n’est pas seulement le nerf de la guerre mais aussi de la foi. On trouve normal que l’émir du Bahreïn, ancien protectorat anglais, moins d’un million d’habitants, soit plus riche que la reine d’Angleterre... Il ne faut pas oublier le harem qui pourvoie protection et large succession. Saddam Hussein a dû se mordre les doigts pour n’avoir pas suivit l’exemple de ses voisins, il parait que déçu par deux ses fils, il a voulu se cloner dans le but d’avoir une centaine de fils qui assureront sa garde rapprochée. Le professeur Robert Winston dans les colonnes du Sunday Telegraph a affirmé que si le maitre de Bagdad avait recours à 40000 femmes porteuses de ses embryons, il faudra 30 ans avant d’espérer une copie conforme. (6). Pour s’assurer de la fidélité des tribus, Ibn Saoud fondateur de l’Arabie a bien pris une épouse de chaque smala. Aujourd’hui, ils sont plus de 3 millions à se partager la même ADN et les immenses réserves pétrolières pour un train de vie d’un luxe qui n’existe nulle part ailleurs. Tandis que 70% de la main-d’œuvre qui bosse dans la zone pétrolifère est composée de Chiites exclus de la baraka et il faut ajouter tous ces travailleurs étrangers soumis à un régime quasi esclavagiste souvent dénoncé par les ONG internationales. "Les hommes se trompent souvent, reconnaissent leurs erreurs et essaient d’en tirer la leçon. Mais il n’est pire erreur que celle que commet le gouvernant qui croit et fait croire aux hommes que ses choix et ses intérêts sont l’incarnation de la volonté divine : l’histoire atteste que ces gouvernants furent généralement les plus sanguinaires, les plus insensibles au sort des gens." (7)

Au Sud ou au Nord, le bouc émissaire reste monsieur tout le monde celui qui se réveille le matin avec la peur au ventre, les désillusions plein la tête en se disant : à quoi ça sert de se lever. Dans son livre L’Empire de la Honte, Ziegler affirme "… les nouvelles féodalités capitalistes détiennent désormais un pouvoir qu’aucun empereur, aucun roi, aucun pape n’a possédé avant elles." Que dire quand ces nouvelles féodalités capitalistes revendiquent l’Inquisition pour liquider la populace.

Mimi Missiva

(1) Paul Léautaud (Passe-Temps, Mercure de France , 1929)

(2) Alphonse Allais (Le Sourire)

(3) Roger-Pol Droit, François Henrot (Le Banquier et le Philosophe 2010)

(4) Mohamed Heikal (journaliste égyptien, confident de Nasser)

(5) et (7) Fouad Zakariya (Laïcité ou islamisme, les Arabes à l’heure du Choix)

(6) Al Hayat (Londres, repris par le Courrier International 7 /5/97)

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Commentaires (2) | Réagir ?

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Khalida targui

Mimi on est déjà liquidé quand je vois que même pour l’élection du maire, on s'en fout. Qu (est ce qu'ils vont faire encore les barbus, les mosquées sont pleines les femmes sont voilées l'alcool est interdit et il n'y a plus de musique de fête plus plus comme avant. Ma cousine qui vit en Angleterre m'a dit que le maire d'un pauvre village paie tous les jours un taxi pour la scolarisation d'un enfant qui vit dans une ferme isolée. Alors je dis au ministre qui accuse les candidats, non ce n'est pas de leur faute, personnellement je ne les connais pas et je m'en balance, non monsieur le ministre importez nous ce maire anglais et c'est nous qui le payerons de nos poches. Pourquoi n'avons nous pas ce genre de maire parce que c'est vous qui les nommez pas nous. Dans ma commune on a voté un jour pour un maire un ould el bled, vous l'avez mis en prison parce qu'il a voulu s'attaquer à votre mafia, vous voyez monsieur le ministre nous avons le choix ou de voter pour votre chouchou ou pour notre chouchou, un meskine quoi, que vous mettrez en prison s'il veut comprendre un peu. État providence mon œil quand la populace a bouffé un chaouia monsieur Khelal.

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khelaf hellal

L’Etat-providence a été de tout temps un leurre et le restera parce que justement il engendre la populace des ventres creux, des sans -culottes, des plébéiens qui se gavent des "hamdoulilah" à profusion pour des miettes et qui remercient l'etat-providence pour sa charité bien ordonnée et sa grande générosité de la veille des échéances électorales. . Il faut détruire l’État-providence selon le principe de " la révolution permanente" par la remise en question des cadres traditionnels et des rapports de force qui ont réduit le peuple à la condition d'esclave et de tube digestif. La populace doit se réapproprier ce qui lui appartient et cesser de se faire exploiter et spolier par le soit-disant Etat-providence qui lui veut du bien. Un Etat-providence qui se sucre et qui vous arnaque au tournant d'une élection tout en affichant sa grande sollicitude et sa générosité au grand cœur à certaines occasions. Le pire est qu'il vous fait croire qu'il a réalisé de grands projets de développement avec l'argent de la rente en mettant dans sa poche l'autre part de rêve qu'il ne vous a pas révélée et que vous ne verrez jamais. L'Etat-providence développe la misère sociale, l'assistanat de la populace , il génère des pénuries de toute sorte parceque c'est justement sa raison d'être et de se maintenir dans son rôle de bienfaiteur. La populace - el ghachi -cette création de l'Etat-providence est appelée tôt ou tard à s'organiser et à prendre conscience de sa différence de classe et de l'exploitation de sa force de travail. Elle doit se réapproprier ses richesses détournées, se faire restituer les caisses noires sans adresses, les budjets reservés , les crédits de complaisance alloués qui servent et qui continuent de servir à entretenir la Nomenklatura et les institutions-râteliers de l'Etat-providence et sa famille révolutionnaire.