Le gouvernement Sellal au Grand sud : agenda en alarme

Étrange est la visite de travail et d'inspection qu'a effectuée le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, dans les regions du Grand sud où il n' a fait que des promesses alors que le ministre de l'Intérieur et des collectivités locales y a annoncé de nouvelles nominations dans le corps des walis en vue de promouvoir des cadres natifs de la région. La situation sécuritaire qui n'a pas été évoquée semble être à l'origine de ce rush gouvernemental sur les pas du commandant de la gendarmerie nationale...
La première sortie sur le terrain du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a concerné le Grand sud, Ouargla et Hassi Messaoud où il était en visite ces deux derniers jours. Au programme, rien de concret à relever si ce n’est qu’une volonté de "réhabiliter" ces régions en vue d’"une mutation radicale" dans la vie des populations de ces régions pétrolières où, paradoxalement, Abdelmalek Sellal s’est engagé, comme pour le Nord du pays, à résoudre les problèmes liés à l’emploi, auxquels est confrontée la population, tout en rappelant aux autorités et les entreprises locales la nécessité d'"accélérer" la cadence de réalisation et de finalisation des projets socio-économiques déjà lancés. Pourtant, a-t-il déclaré, selon l'APS, les indices de développement de ces régions en matière de raccordement à l’électricité, au gaz de ville et au réseau d’alimentation en eau potable sont "meilleurs" comparativement à ceux des autres villes du nord. A défaut d’un programme qui réponde aux urgences de son Plan d’action, le Premier ministre n’a fait que des annonces futuristes concernant la nouvelle ville de Hassi Messaoud qui, selon le ministre des Energies et des Mines, Youcef Yousfi qui l’accompagnait avec d'autres memebres du gouvernement, "sera entièrement alimentée en énergies renouvelables, solaire et éolienne », annonçant également, la future raffinerie de la ville qui «permettra de créer des centaines de postes d’emploi".
Le Plan d’action du gouvernement se conjugue dans cette région aux atouts économiques accaparés par la rente et la maffia politico-financière, au futur indéterminé. Dans ces régions pétrolières, les populations vivent encore à l’ère de l’esclavage, et où, faut-il le rappeler, le pouvoir de Bouteflika a levé des hordes d’islamistes du FIS contre les femmes travailleuses, habitant dans des baraquements de fortune, livrées à elles-mêmes sur des sites d’exploitation de pétrole, accusées à tort de prostitution ; la justice a conforté ces expéditions punitives et à ce jour, les victimes, en dépit de tous les soutiens d’associations féminines et des ONG qui ont dénoncé ces violences intolérables, n’ont pas été réhabilitées dans leurs droits et les hordes de tortionnaires, adoubées par les autorités locales, ont récidivé, cette fois avec plus de sauvagerie dans la plus complète impunité.
Evitant les sujets qui fâchent, Abdelmalek Sellal n’a pas daigné répondre aux doléances d’une centaine de chômeurs qui n’ont pu formuler leurs revendications à Ouargla, contrés par un important dispositif sécuritaire. Abdelmalek Sellal, le ministre de la jeunesse et des sports, celui de l’Energie et des Mines et le ministre de l’Intérieur et des collectivités, selon les informations rapportées par l’APS, ont pris langue avec un "Conseil de wilaya" regroupant des "notables" et des "représentants de la société civile» de Ouargla triés sur le volet par le ministre de l’Intérieur et des collectivités locales dont la présence confère à cette visite de terrain un autre objectif qui n’est sans doute pas de répondre aux doléances concrètes des jeunes chômeurs.
En effet, alors que Abdelmalek Sellal s’est contenté de promesses, de projets économiques en chantier à relancer, le ministre de l’Intérieur, Dahou Ould Kablia, faisant de l’ombre au ministre de l’Agriculture qui n’est pas de la partie, annonce, à son tour, des promesses d’embauche dans le secteur de l’agriculture, promettant un million d’hectares aux agriculteurs qui ne se bousculent pas au portillon d’un tel projet depuis l’historique barrage vert. Mais, le puissant ministre de l’Intérieur ne promet pas que de la terre arable de culture sous serre. Il s'est fait le chantre de la création d’espaces verts, l’amélioration du cadre de vie, la propreté de la ville, la lutte contre le commerce informel. Cela, c’est pour la devanture de la visite. Sa véritable mission est ailleurs et il ne s’en cache pas. Dans "le cadre de la mise en œuvre du programme de Bouteflika", il a déclaré que "des cadres issus des régions du Sud seront promus aux postes de chefs de Daïra et wali, soulignant qu’une liste, établie à cet effet, est à l’étude". Autrement dit, procéder à de nouvelles nominations de cadres, chefs de daïras et walis natifs de la région comme pour signifier que le critère régionaliste passe avant le critère de la compétence. Abdelmalek Sellal avait promis en effet, dès l’adoption de son Plan d’action par le parlement, d’être sur le terrain plus qu’il ne l’a été en tant que ministre de l’Energie par intérim l’été dernier.
Le choix du Grand sud par le gouvernement Sellal ne relève pas des impératifs socioéconomques du Plan d'action. Il semble être dicté par la situation sécuritaire induite par les incursions d’Al Qaïda au Maghreb islamique et ses autres groupes armés, dont le Mujao qui a revendiqué les deux attentats suicides perpétrés au cours cette année 2012 à Tamanrasset (qui ne fait pas partie du voyage de Sellal) et à Ouargla contre les centres opérationnels de la gendarmerie et qui ont révélé l’inopérante base du CEMOC (Comité d’état-major opérationnel conjoint) regroupant des forces armées de plusieurs pays du Sahel sous l’égide de l’Algérie dont l’objectif initial était de mener des opérations de localisation et de destruction des groupes terroristes mais qui, présentement, est une coquille vide, à la marge de l’évolution de la crise malienne.
La visite de Sellal a été précédée dans cette région par le commandant de la gendarmerie nationale, le général Ahmed Boustella qui a procédé à d’autres remaniements et tenu une réunion d’urgence pour faire face à une réelle menace d’Al Qaïda au Maghreb islamique qui écument les frontières. Ce rush des membres du gouvernement dans la région du Grand sud trahit-il une panique des autorités algériennes de voir déferler à ses frontières les groupes armés d’Al Qaïda au Maghreb islamique d’autant que le déplacement d’Abdelamalek Sellal dans cette contrée stratégique du pays intervient au moment où Abdelaziz Bouteflika mène un dialogue de sourd avec le groupe terroriste Ansar Eddine.
En dépit des nombreuses déclarations selon lesquelles sa démarche de “solution politique négociée” au Nord-Mali a eu l’aval de tous les émissaires occidentaux reçus à Alger et par l’instance onusienne, Alger oeuvre dans la panique de voir l’intervention militaire au Nord-Mali se déclencher avec l’appui de la France, des Etats-Unis et de la Grande Bretagne. La peur aussi d’un soulèvement touareg dans ces régions a sans doute motivé ce déplacement du gouvernement Sellal dépêché sur place pour des motifs de stratégie sécuritaire sous le prétexte de booster des projets économiques remis aux calendes grecques. La visite prochaine du chef de l'Etat dans cette région a été précédemment annoncée.
R.N
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