Vivement la résurgence du mouvement national algérien
El Watan rapporte sur son site Web (1), ce mardi 6 novembre, que le bâtonnier de Sidi Bel Abbès, Me Mohamed Othmani, a procédé à la suspension du stage d’avocat de Youcef Benbrahim, jeune candidat à la profession d’avocat âgé de 26 ans et membre de la section algérienne d’Amnesty International.
Le motif invoqué est qu’il appartiendrait au bâtonnat de vérifier si cet avocat stagiaire est bien de confession musulmane ! La décision part de l’unique et seul fait que "la prestation de serment se fait sur le Coran". Le bâtonnier livre sa logique spécieuse au journaliste d’El Watan, édifiant : "Effectivement, le 27 septembre 2012, un sit-in a été organisé en preuve de soutien au Prophète. Tous les avocats se sont rassemblés, sauf Youcef Benbrahim. Donc, s’il est musulman, pourquoi n’a-t-il pas rejoint le mouvement de protestation. S’il n’est pas de confession musulmane, nous rencontrons un problème, car les avocats prêtent serment sur le Coran. Et s’il prête serment sur le livre sacré, et qu’en réalité il n’est pas musulman, il y a une contradiction".
L’évidence est que rien dans les textes qui régissent la profession d’avocat, récemment révisés dans un climat extrêmement tendu, ne peut conforter une telle démarche. Mais s’arrêter à ce seul constat ne fait pas avancer les choses. Il faut aller à la source de la dérive. La source de cette démarche liberticide est à chercher dans l’anachronique article deux de la Constitution algérienne. Cet article totalement décalé par rapport à la lettre et à l’esprit de la Constitution fait de manière récurrente le lit de tous les boutefeux contre les libertés et les droits.
La trame des constitutions algériennes est largement démocratique et libérale. Les libertés y sont énoncées et protégées ; les droits consignés et reconnus. Seulement la portée de cette trame de fond est largement affaiblie par l’approximative notion de "religion d’État". Toute la charpente constitutionnelle se lézarde à partir de cette disposition.
Un article, introduit en contrebande lors de la rédaction de la première Constitution algérienne (2) et qui se révèle être l’instrument essentiel d’atteinte à cette même constitution (3). Les femmes réputées égales avec les hommes sont réduites en mineures à vie par le truchement du référent religieux. La langue arabe, langue algérienne parmi d’autres, est intronisée supérieure par ce que véhiculaire du dogme religieux, une hiérarchisation indue des éléments de l’identité nationale qui fragilise la cohésion de la nation. La fonction présidentielle est lestée d’une condition confessionnelle, ce qui réduit à néant l’égalité affirmée entre les citoyens, etc.
La police s’évertue épisodiquement à s’ériger en police morale et religieuse, voilà qu’elle est rejointe par la corporation des avocats qui s’affirme fraction constitutive du clergé algérien en constitution ! Faut-il s’en étonner ? Certainement pas. Le régime nourrit et promeut ces dérives. Sinon comment expliquer que la confrontation historique avec l’islamisme n’ait pas abouti à la sécularisation de l’État ? Comment expliquer la politique du livre pratiquée à grand renfort de subventions pour promouvoir la littérature dévote et dédaigner le véritable livre porteur de lumières et de connaissances ?
Ce que nous connaissons, ce à quoi nous sommes confrontés quotidiennement, ce n’est pas une regrettable tragédie, non. C’est une confrontation historique qui doit se conclure par la consolidation de l’État national moderne ou sa liquidation. Ce qui est aux prises dans cette confrontation ce ne sont pas des visions d’égarés, ce sont deux conceptions antagoniques de la Nation et de l’État, entre l’Algérie État-nation historiquement constitué et l’Algérie province arabe ou musulmane de "pan-entités" chimériques.
En ce mois de novembre, formulons le vœu d’une salutaire et urgente résurgence du mouvement national algérien, trop longtemps assoupi, trop longtemps accaparé et détourné par les assimilationnistes arabo-musulmans.
Mohand Bakir
Renvois :
(1) Un avocat stagiaire de Sidi Bel Abbès doit s'expliquer sur sa religion
(2) Des rédacteurs de ladite constitution sont encore en vie et peuvent témoigner des conditions dans lesquelles cet article a été introduit.
(3) Le déséquilibre introduit par la révision Bouteflika affaiblit une construction déjà fragilisée.
Commentaires (8) | Réagir ?
Combien de prestations de serments ont été faites - même par nos présidents sur la constitution - et qui ont été reniées et trahies ?
Sans commentaire!