Pour quelle source d’énergie faut-il opter ?
Depuis quelque temps la question de l’énergie défraie la chronique. La problématique réside dans la question relative au(x) type(s) d’énergie qui sera (ont) utilisé(s) dans l’avenir. Ce questionnement est bien sûr lié à la protection de l’environnement, de la couche d’ozone, le tout couplé au réchauffement climatique assez bien remarquable.
Dans ce contexte, la recherche et les stratégies de développement sont orientées vers la substitution des énergies fossiles (charbon et hydrocarbures), jugées très polluantes, par des énergies plus écologiques (solaire, éoliennes, géothermique, biomasse et nucléaire), pour la plupart d’entre elles jugées d’avenir, à l’exception du nucléaire pour lequel les avis sont mitigés.
Sur le moyen et long terme, cela peut se concevoir mais actuellement les coûts de revient d’un kilowattheure de ces énergies d’avenir restent très élevés. Aux USA, selon les données publiées par l’AIE (1), le coût de l’énergie solaire est 225 fois plus cher que celui de l’énergie pétrolière. Selon la même source, les coûts de ces énergies rapportés au baril de pétrole sont classés comme suit (du moins cher au plus cher) :
1. Pétrole, 2. Charbon, 3. Hydro, 4. Nucléaire, 5. Géothermie, 6. Biomasse/biofuel, 7. Eolienne, 8. Solaire.
Les coûts passent ainsi de 0.28 US$ pour le pétrole à 63 US$ pour le solaire en passant par 1.79 US$ pour le nucléaire. On remarque qu’il y a eu des hauts et des bas après chaque événement/catastrophe nucléaire mais il y a eu toujours une reprise substantielle des coûts car l’évolution de l’économie mondiale ne peut pas s’en passer actuellement du nucléaire, surtout que les autres énergies vertes (éolienne et solaire) ont des coûts de revient très importants qui ne peuvent pas être supportés par les industries et les ménages ; ce qui freinerait la consommation, donc la croissance. Une politique de soutien des prix du Kilowatt éolien et solaire par les Etats développés est une alternative utilisée mais peut-il en être ainsi pour notre pays ?
L’impact des énergies renouvelables sera négligeable à court et moyen terme. Il faudra un essor technologique très important pour les domestiquer en termes de coûts et d’impact sur le portefeuille des citoyens.
Le débat sur l’exploitation ou non des gaz de schistes est aussi très intéressant mais il doit être abordé de façon très raisonnable et avec sérénité, en dehors de tout débat politique et en écoutant tous les experts, non rémunérés par les entreprises impliquées dans le développement des techniques et des technologies d’exploration et d’exploitation de ces schistes.
Le débat est houleux au sein des pays développés qui se sont engagés dans l’exploitation les gaz de schistes et le nucléaire depuis Fukushima, les méfaits et les impacts sur l’environnement et la santé humaine étant avérés.
Ces deux derniers types d’énergie consomment beaucoup d’eau et polluent énormément les nappes phréatiques. Les principales préoccupations de l’exploration et l’exploitation des gaz de schistes concernent la gestion des eaux usées, les risques, la sécurité et la santé des personnes (2). Une étude faite sur 15000 forages dont la durée de vie est évaluée à 20 ans, après leur fermeture 50% des puits présentent des fuites de méthane (2). Une analyse publiée récemment (3) montre que la production d’une énergie par le nucléaire consomme plus de trois fois d’eau que les de gaz de schistes.
Dans un pays comme le notre où la ressource hydrique est précieuse peut-on se permettre de se lancer dans l’exploitation de ces gaz non conventionnels consommatrice d’eau, d’un côté, alors que de l’autre côté nous avons des réserves importantes de gaz conventionnels et de ressources financières.
Les techniques actuelles utilisées dans ce domaine sont très pointues et nécessitent une compétence et une expertise avérée, non encore «démocratisés». Elles relèvent des entreprises qui les ont développés et non encore maitrisées comme le montrent les différents points de vue et réflexions d’experts. Pour ce qui est de l’uranium, les mines sont généralement entre les mains des pays développés qui ont les moyens d’assurer la sécurité des combustibles (Canada, Australie) ou en milieu désertique (Niger, Namibie, Kazakhstan) (4).
Après les accidents survenus à Fukushima, les coûts ont baissé et l’opinion publique est partagée par rapport au devenir de l’atome. Malgré la décision de renoncer au nucléaire prise par l’Allemagne, la Suisse et l’Italie, la Grande Bretagne prépare l’installation de 4 EPR (réacteurs à eau sous pression), la Finlande poursuit son programme de construction de centrales afin de s’émanciper de la dépendance du gaz russe, la Chine intensifie la constructions de réacteurs dont 28 sont en chantier.
Tous les pays ont pris conscience du danger que représente le nucléaire, mais les autres énergies (renouvelables) ne sont pas prêtes pour être substituées. Un débat est actuellement très intense au Canada où beaucoup des experts se posent la question pertinente suivante : Pourrait-il (Le Québec), par exemple, refuser de s'intéresser à ses ressources en uranium, fermer la centrale de Gentilly et perdre ses compétences en physique nucléaire? Devrait-on en faire un sanctuaire dénucléarisé et laisser les autres, en particulier nos voisins du Sud, se débrouiller avec leurs besoins énergétiques? Laisser le nucléaire à quelque dictature médiévale? (4).
Le débat doit être ainsi ramené vers la maitrise technologique et de l’expertise détenues par les pays développés. La question mérite d’être posée et exige entre temps des réponses très réfléchies pour assurer une gouvernance digne d’un développement durable.
Arezki Zerrouki
Références :
(1) Florent Detroy (Octobre 2012) : Quelle énergie gagnera les élections américaines. In L’Edito des Matières premières et Co
(2) Patricia Guérin-Padilla (décembre 2011): L’exploration et l’exploitation des gaz de schistes : Les risques de contamination associés à la gestion des eaux usées et aux techniques d’exploitation (Université de Sherbrooke, Canada)
(3) Olivier Danielo (octobre 2012) : Gaz de schiste : 3 fois moins d’eau douce que le nucléaire. In Les Techniques de l’Ingénieur
(4) Michel Jébrak (2009) : De Copenhague à Sept-Îles - Le Québec, terre d'avenir pour le nucléaire (Université de Laval, Canada).
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