Le chef d'Ansar Eddine : portrait d'un homme fourbe
Iyad Ag Ghali, le chef du groupe terroriste Ansar Eddine avec lequel Alger a pris langue pour une "solution politique négociée" au Nord-Mali, a affuté ses armes dans les camps d'entrainement de "la légion islamiste" de Kadhafi dans les années 1980 avant de connaître une ascension fulgurante comme agent double de la rébellion touarègue qu'il a implosée de l'intérieur avec la complicité d'Alger et de Bamako...
Originaire de la région de Kidal, dans le nord du Mali, le chef du groupe terroriste d'Ansar Eddine avec lequel Alger a pris langue pour une une solution politique négociée au Nord-Mali est, au début des années 1980, un ancien "soldat" de Kadhafi, en Libye. Fuyant la sécheresse et la famine de son pays, il décide de rejoindre la Légion islamique du colonel Kadhafi; légion dans laquelle il se fait remarquer dans les sales besognes qui lui sont confiées confiées par le "guide" libyen qui l'envoie alors au Liban pour combattre les phalanges chrétiennes. Après la dissolution de la "légion islamique" prononcée par Khadafi, il regagne le Mali, lâché par le "guide" libyen. Aventurier, entraîné dans le gangstérisme islamiste, il rejoint la rébellion touarègue dont il devient l'une des principales figures sans pour autant porter les revendications autonomistes du mouvement. A la tête du Mouvement populaire pour la libération de l'Azawad (MPLA), il donne l'assaut contre la ville de Ménaka, le 28 juin 1990. Mais, six mois plus tard à peine, il devient le partenaire des accords de Tamanrasset, signés sous le parrainage de l'Algérie, qui mettent fin aux affrontements; de ces accords, les rebelles en sortent profondément divisés et affaiblis par les luttes fratricides.
Iyad Ag Ghali fonde alors le Mouvement populaire de l'Azawad (MPA) sous le contrôle des autorités maliennes et la protection du pouvoir d'Alger. Ce mouvement rassemble les Touaregs les plus modérés, et s'allie à l'armée malienne. Ag Ghali n'hésite pas à affronter ses anciens compagnons de la rébellion malienne et à participer soit à leur arrestation ou à leur exécution. Appuyé par l'armée malienne, Ag Ghali est pour Alger l'artisan du retour de la paix au Nord-Mali. Les autorités d'Alger ont ainsi grandement aidé Ag Ghali dans l'étouffement de la rébellion touarègue en l'assurant de son soutien dans le contrôle de la région de l'Azawad à la tête de son mouvement le MPA.
De là sans doute date la division du Mali et les premières fissures qui ont conduit à la situation actuelle au Nord-Mali. Ag Ghali, à la faveur des tractations d'Alger a pu ainsi détourner les revendications autonomistes de la cause Touarègue au profit de l'islamisme armé qu'il a servi en Libye sous les ordres de Kadhafi. Mais il n'a pas oublié ses penchants aventuriers. Il a besoin d'argent pour étendre son influence au Nord-Mali sans pour autant inquièter ni Bamako ni Alger qui ont contribué à son ascension. Il profite de ses accointances politiques et de ses multiples relations opportunistes pour se lier avec Ahmada Ag Bibi, grand militant de la cause touarègue pour se donner une façade politique qui lui facilitera des contacts avec les réseaux des narcotrafiquants du Sahel qui le mettent au fait des enlèvements d'Occidentaux dans la région du Sahel. Dans son carnet d'adresses, note le journal Jeune Afrique, s'alignent "des bandits, des trafiquants, des hommes politiques de Bamako ou d'Alger, et même des membres de plusieurs services de renseignements (il a été membre de la commission parlementaire Défense et Sécurité intérieure)... Il a été président du groupe parlementaire d'amitié Mali-Algérie et a accompagné, en novembre 2011, l'ancien colonel de l'armée française, Jean-Marc Gadoullet, venu négocier avec Abou Zeid la libération des otages d'Areva et de Vinci."
Quand le Nord se soulève de nouveau, l'ancienne figure de la rébellion Touarègue, Ag Bibi, reprend du service, rejoint le MNLA mais ne tarde pas à se rallier Ansar Eddine où il a à sa disposition de grands intérêts rentiers grâce à son amitié avec Iyad Ag Ghali. Ce dernier, voit dans la "laïcité" des revendications autonomistes du MNLA une connection avec les services secrets occidentaux et s'engage résolument, une seconde fois, dans les négociations et pour les mener à son profit, il se tourne vers Alger auquel il doit son ascension au Nord-Mali. C'est l'année 1999. L'arrivée à la magistrature suprême d'Abdelaziz Bouteflika qui donne des velléités de dialogue avec l'islamisme politique et ses bras armés le GIA et le GSPC en cultivant un fort sentiment anti-occidental sous la bénédiction du "guide" libyen, sera pour l'ex-soldat de Kadhafi un atout majeur. D'autant que, à cette période, il fréquente la mouvance de la "Jamaat al Tabligh" de fondamentalistes islamistes pakistanais qui gagnent du terrain auprès des populations maliennes durement affectées par la crise économique. Tout en tissant des liens avec les milieux du grand banditisme, aguerri aux pratiques terroristes acquises dans les camps d'entraînement libyens, rompu aux tractations secrètes et aux allégeances opportunistes et erratiques, agent double au sein de la rébellion touarègue, homme de confiance des autorités d'Alger, Ag Ghali se donne alors l'image d'un islamiste "anti-occidental", fondamentalliste mais se déclare contre certaines pratiques du terrorisme islamiste comme les attentats-suicides. Il suscite l'admiration d'Abdelaziz Bouteflika en quête de ce "profil islamiste" d'autant plus qu'il a été un "ami" de l'Algérie qui a joué les intermédiaires dans la fausse paix conclue entre les autorités de Bamako et la rébellion touarègue.
En 2003, il devient l'intermédiaire idéal pour négocier la libération des otages retenus par les islamistes du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC). C'est ainsi qu'en août de la même année, Bamako lui demande d'intercéder auprès de l'"émir" du GSPC, Abou Zeid en faveur des touristes européens kidnappés en Algérie - ce qu'il fait avec succès, grâce aux faveurs qui lui sont actroyées par le pouvoir d'Abdelaziz Bouteflika.
Trois années plus tard, en 2006, années de la promulgation de la "Charte pour la paix et la réconciliation nationale" sous le deuxième mandat d'Abdelaziz Bouteflika, la rébellion touarègue gronde une nouvelle fois dans le Nord-Mali; les Touaregs reprochant aux autorités maliennes de ne pas avoir respecté leurs engagements. Ag Ghali se rapproche du président Amadou Toumani Touré (ATT) qui est reçu à Alger par Abdelaziz Bouteflika. Par son entremise, l'Algérie s'y investit à nouveau, obtient la signature de nouveaux accords de paix (les accords d'Alger, conclus en juillet 2006), et, comme lors du précédent soulèvement, Ag Ghali "troque sa tenue de combattant contre celle d'homme de paix."
Ayant gagné la confiance d'ATT qui voit en lui l'homme de main fidèle mais redoutable, craignant son influence grandissante, l'éloigne du Mali et le nomme conseiller consulaire à Djeddah (Arabie saoudite) en novembre 2007 où il s'imprègne du wahhabisme par le truchement duquel il prend des contacts appuyés avec des membres d'Al Qaïda au Maghreb islamique. Les autorités saoudiennes, craignant sans doute un scandale qui mettrait en péril ses intérêts économiques et son implantation idéologico-financière dans la région du Sahel, l'expulsent. De retour au pays avec un carnet d'adresses etoffés à Djeddah, il participe à plusieurs libérations d'otages et se constitue une fortune personnelle. Son nom, précise le même source, "revient à plusieurs reprises lorsqu'il est question du sort des employés d'Areva enlevés au Niger en septembre 2010."
Homme caméléon, agent double, intermédiaire des narcotrafiquants, conseiller élu des autorités algériennes impliquées dans la région pour neutraliser la rébellion touarègue, Iyad Ag Ghali qui s'est fait des amis avec les "émirs" algériens d'Al Qaïda au Maghreb islamistes sur le sol algérien, tente des percées au sein du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) pour en revendiquer la direction avec la complicité de Bamako et d'Alger. Cette fois, il échoue. Les principaux chefs du MNLA le connaissent fourbe et ne lui ont pas pardonné les combats fratricides des années 90. "Ils le trouvent trop proche d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi, ex-GSPC) et le soupçonnent d'être lié à Alger." Ag Ghali tente même la succession de l'amonékal des Ifoghas qui lui a perféré son fils. Au risque de s'attirer les foudres des Ifoghas, il ne rivalise pas à le vieil amonékal et ronge son frein pour rebondir en 2012 au moment où ses amis d'Al Qaïda au Maghreb islamique envahissent l'Azawad, mettant le MNLA en mauvaise posture.
Ag Ghali tient sa revanche sur les coups du sort. Sur "la légion islamique" de Kadhafi, la méfiance d'ATT, son expulsion de l'Arabie Saoudite, l'affront du patriarche amonékal des Ifoghas. L'ancien soldat de Kadhafi se refait une santé avec Al Qaïda au Maghreb islamique et le Mujao dont il connait les rouages des enlèvements et les demandes de rançons. Il met en avant son groupe Ansar Eddine qu'il avait fondé en 2011 en lui donnant un "profil" tel, qu'il apparait, au côté de l'Aqmi et du Mujao, comme le groupe terroriste armé le plus fréquentable et capable de "négociations" grâce auxquelles Ag Ghali a construit un empire personnel sans jamais croire véritablement à une cause politique. Dans sa tentative de transformer le Mali en émirat arabe islamiste sur le modèle saoudien, il s'impose au Nord-Mali comme la figure diplomatique des groupes terroristes de l'Aqmi et du Mujao auprès des autorités algériennes avec lesquelles il a affûté ses traquenards, coups bas et volteface.
R. N. Source : Jeune Afrique
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c'est un vrai politicien made in bled
Je ne comprends vraiment pas comment Une sardine peut cotoyer des requins.......... Ansar Dine je ne sais pas si tu connais le groupe NTM.