Les employeurs de Sellal prennent-ils l’Algérien pour un bovidé ?

Abdelmalek Sellal.
Abdelmalek Sellal.

Il faut sans doute revenir sur cette idée d’abnégation qui avait couru à propos des villageois. Elle a été souvent remise en question par la suite. Il s’est même trouvé des personnes pour affirmer que les gens des montagnes étaient sur le point de renier définitivement leurs morts…*

Le combat contre la corruption ne peut être sélectif

Gare à ceux qui ont voulu jouer dans la cour des grands corrompus sans s’assurer d’une solide couverture, à défaut d’une moindre discrétion, car ils vont servir au saupoudrage médiatique orchestré par l’équipe Sellal, pour être sacrifiés en premier comme lampistes, pour illustrer l’illusion de la lutte contre la corruption. Les cibles les mieux désignées sont celles généralement accusées d’avoir octroyé des marchés non conformes à la réglementation dans le but d’en tirer profit. Comme si les marchés par ailleurs s’octroient sur le principe de l’appel d’offres concurrentiel en respect de la conformité de la réglementation. Alors que leur comportement est conforme au fonctionnement général de l’octroi des marchés publics. Ici la règle passe pour une exception du fait de la position fragile de ses auteurs. Parmi les plus ciblés viendraient ceux qui ont trompé toute la main dans le pot de miel et attiré l’attention sur leur institution et ses grands trafics, s’ils venaient brutalement à être lâchés par leur principale couverture, qui les rendra du coup vulnérables et être élus au rôle de lampistes des lampistes par excellence. Combien de lampistes devront encore attendre leur tour, tremblotant dans une attente qui semblerait durer une éternité pour eux, avant que le couperet ne les désigne comme prochaine cible. Pour être crédible, il aurait été plutôt efficace pour Abdelmalek Sellal de mettre en place un mécanisme de contrôle pour neutraliser ce mode de fonctionnement corrompu et généralisé de l’attribution des marchés publics et de toute autre sorte de corruption qui se nourrit systématiquement de la mamelle de la rente. Il serait bien évidemment trop lui demander à mettre sur pied une commission d’enquête pour débusquer les fortunes mal acquises, qui l’aurait amené certainement au sommet de la pyramide du pouvoir, en premier les fortunes des militaires et des civiles organiques autour des institutions. Si cela venait à se réaliser, il faudrait d’abord penser à construire un parc immense de prisons pour pouvoir accueillir tous les fonctionnaires ou presque en contacte directe ou indirecte avec l’odeur de la rente. Pour ne pas passer pour une naïveté, ceci relève d’une autre histoire.

L’informel ne peut se combattre par l’arbitraire

Combattre le commerce informel, ce n’est pas s’attaquer aux plus faibles et aux plus visibles de la chaîne du système informel de l’import import, qui agit hors de toute soumission aux taxes douanières avec la complicité des autorités douanières, ensuite par l’écoulement des marchandises hors fiscalité commerciale et un change de devises dans le cadre du marché noir, hors banques. Ce sont les barons de l’import import qui sont à combattre en premier. L’informel commercial n’est pas dissociable structurellement de l’informel économique, qui sont articulés ensemble au système de corruption généralisé. Combattre l’informel, c’est combattre les racines de ce fléau qui est le système de corruption irrigué comme système de domination, par les procédés de cooptation pour la structuration des hiérarchies subalternes de la domination, qui assurent au pouvoir la sous-traitance des malversations. Combattre l’informel ne peut se faire avec des institutions informelles désignées arbitrairement par un pouvoir lui-même informel et illégitime. Combattre l’informel, c’est rendre aux institutions une légitimité, formées elles-mêmes par un pouvoir légitime désigné par un suffrage universel, rendu par un exercice qui revient à la souveraineté populaire. Combattre l’informel par un pouvoir illégitime ne peut s’entendre autrement que s’autodissoudre soi-même, et rendre le processus politique à la souveraineté populaire par une constituante. Annuler les prérogatives arbitraires attribuées à l’armée et aux forces de sécurité en général, et les fixer dans leur rôle naturel, qui est de veiller sur l’intégrité du territoire national et se mettre sous les ordre du gouvernement civil pour assurer l’ordre public. Dissoudre la police politique et la transformer en corps annexe de la surveillance de l’intégrité du territoire national. Rendre le processus politique à la légitimité populaire ne peut se faire par un pouvoir illégitime, qui fonctionne sur des principes arbitraires. Combattre le fonctionnement arbitraire du pouvoir ne peut se faire que par la contrainte et par une pression populaire permanente sur celui-ci. Cette pression signifie l’exercice politique souverain du peuple.

Combattre l’arbitraire de la justice, c’est lui rendre son autonomie

Combattre l’arbitraire de la justice, ce n’est pas de faire payer à des lampions des crimes rendus trop visibles devant l’opinion, comme le harcèlement sexuel commis en permanence par le directeur de TV4 sur ses employées. Ou alors, rendre la justice lorsqu’il y a une forte mobilisation citoyenne susceptible de mécontenter les instances internationales, comme pour le cas du militant des droits de l’homme Yacine Zaïd qui a été libéré suite à une arrestation arbitraire. L’arbitraire de la justice ne peut se combattre, que, lorsque cette institution aura recouvert ses droits et acquis son autonomie par rapport au pouvoir politique.

Combattre l’arbitraire du système politique, c’est normaliser le processus électoral

Combattre l’arbitraire du système politique, ce n’est pas rendre justice occasionnellement sous la pression de la société civile et de beaucoup d’autres soutiens. Notamment dans l’affaire Akrour Mohand Sadek P/APC de Barbacha et coordinateur national du PST, où la justice s’est trouvée contrainte de débouter le wali de Bejaia et rendre son droit à l’ancien maire incorruptible de cette commune. Combattre ce fléau, c’est s’attaquer en premier à l’arbitraire du processus électoral lui-même et au système de fraude conçu comme mode de cooptation pour asseoir un régime autoritaire et totalitaire.

On ne peut continuer à prendre l’Algérien pour un bovidé

Tant que le peuple continue à végéter dans la résignation à laquelle l’accule le pouvoir par la contrainte de la terreur, celui-ci continue à se réfugier pour sa survie dans la soumission, comme autrefois pendant la colonisation française. Que monsieur Sellal et ses employeurs ne s’y trompent pas, la soumission d’un peuple ne peut être éternelle. Car la nature profonde du psychisme humain repose sur une tendance inaliénable vers sa libération. De ce fait la résignation du peuple dans la soumission n’est que temporaires et ne peut devenir permanente. Que le bourreau ne s’y trompe pas, l’Algérien n’est pas à prendre pour un bovidé, c’est-à-dire un élément de la famille des ruminants à cornes creuses, incapable de se révolter pour reconquérir sa souveraineté, ses droits et sa dignité. Cela, il ne peut l’ignorer, car il s’est déjà produit face à un ennemi plus coriace, et dont l’issue s’est soldée par la traîtresse confiscation de la victoire. Qu’il se rende à l’évidence et de descendre des cimes de son aveuglement, pour constater que tout ce qui peut être éternel n’est nullement la confiscation d’une victoire, ni la soumission d’un peuple, mais inévitablement l’impératif de la libération. Pour peu que ce pouvoir aveugle délaisse furtivement ses certitudes et aiguise son sens patriotique, il peut se rendre à l’évidence que le feu couve et que le danger pour la patrie est tangible et imminent.

Youcef Benzatat

* Les chercheurs d’os, Tahar Djaout, Éditions du seuil, février 1984

Plus d'articles de : Politique

Commentaires (10) | Réagir ?

avatar
Notproud

Les employeurs de Sellal prennent-ils l’Algérien pour un bovidé ? What else !

avatar
Nachabe Madih

Bonjour

"... le taliban de Frenda devenu premier ministre et même conseiller personnel de P'ti mario. "

Un petit entretien avec Belkhadem.

Bonjour monsieur Belkhadem. Vous êtes, si ma mémoire ne me trahit pas, originaire de la localité d’Aflou, département de Laghouat. Alors, qu’est-ce que ça vous fait de vivre sous un autre climat, plutôt humide, qu’est celui d’Alger ?Dois-je vous rappeler que si l’utilité de la barbe que vous portez s’avère efficace pour vous protéger de la sueur et des agressions des grains de sable au désert, il n’en est pas de même sous un air maritime. Une autre question, pourquoi vos dents sont-elles toujours de couleur jaune ?

Belkhadem : Ma ville natale me rappelle bien des souvenirs ! C’est là-bas, vers la fin des années soixante, que j’ai fait la connaissance avec le président Boumediene sans lequel je ne serais pas ici, au pouvoir aujourd’hui. Concernant le climat, savez-vous que la mer est citée dans le Coran ? Allah, nous a permis de consommer toutes les espèces de poissons sans les égorger. Personnellement, j’adore consommer le poisson méditerranéen. Contrairement aux autres, je trouve que celui-là a plus de goût, notamment, après le départ sans retour et sans arrivée des haraga kabyles, si vous voyez ce que je veux dire par là ! Vous voyez bien qu’il n’y a pas que du hallal dans notre religion ! Pour ce qu’est de la barbe et de la couleur de mes dents, c’est la sunna, héritage de notre prophète. De plus, je ne vois pas pourquoi j’utiliserais toutes ces pommades occidentales alors que Mohamed nous a laissé le meilleur des dentifrices, le siwak. Les Arabes sont les initiés de toutes les inventions du monde moderne. Tout est dit dans notre Dine El Hanif. Il faut juste l’appliquer.

Vous avez dit que ce fut à Aflou que vous avez fait la connaissance avec Houari Boumediene, l’ex potentat, pardon, chef d’État. Racontez-nous comment s’était déroulé votre premier entretien.

Belkhadem : Un pur hasard ! Le grand moudjahid Boumediene, en quête de plus de légitimité pour consolider sa nouvelle politique arabo-islamiste des édifications nationales a eu le geste salutaire de chercher ses appuis dans les contrées hilaliennes des portes du désert. Il a suivi son instinct et celui-ci lui disait de ne jamais s’adresser à la Kabylie. Aflou en est justement le porte drapeau. Les notables de la ville, voulant marquer l’esprit de notre sauveur, ont fait appel à ma verve poétique pour confectionner une qassida [1] de bienvenue dans la pure rhétorique de l’arabe classique. Boukharouba en fut très ému et, profitant des applaudissements nourris d’une salle archi comble, il se pencha de côté de son protocole pour lui susurrer à l’oreille : « Prenez contact avec ce jeune ! ». Voilà, vous savez tout maintenant de ma naissance politique. Je vous apprends que mon frère Ouyahia a eu la même chance que moi. Étant étudiant, le hasard a fait que Boumediene rendit une visite inopinée à l’école le jour de sa soutenance à l’ENA. Il assista à la thèse de ce Kabyle et en fut très impressionné. Et c’est là que l’un des conseillés du président proposa au chef du gouvernement actuel de le rejoindre dans notre famille politique élargie. Ce n’est donc pas un hasard que j’alterne aujourd’hui avec mon frère kabyle comme chef de gouvernement en attendant celui du président inchallah.

Oui, mais aviez-vous reçu des instructions particulières de la part du chef d’État de cette époque ? Si oui, dites-nous en quoi consistait en particulier votre mission ?

Belkhadem : Comme vous le savez peut-être, l’Algérie musulmane est bâtie sur la mort de l’Algérie algérienne. Notre zaim Boussouf posa déjà ses fondements au Maroc. Il utilisa, je crois bien, une cravate, mais certains parlent carrément de fil barbelé. Enfin, peu importe le moyen qui a justifié une fin heureuse pour le triomphe de notre famille. C’était en 1957. Mais, nos ennemis de l’intérieur n’ont pas disparu totalement pour autant. Ils survécurent dans nos universités où ils menèrent un travail de sape aux édifications nationalistes de notre sauveur. Ils agissaient sous la couverture idéologique de leurs aïeuls de 1949. Le berbérisme matérialiste allié d’Israël ! Il fallait donc agir et en toute urgence pour contrecarrer ces forces réactionnaires, ennemies du peuple, de notre langue et de notre religion. C’est ainsi que je suis arrivé à convaincre le président de donner pleine liberté à nos frères musulmans dans nos universités. Les islamistes nous ont beaucoup aidés à sauver l’Algérie de la dérive laïque.

Parlez-nous maintenant des liens que vous avez tissé avec le leader du Front islamique du salut, Abassi Madani et quels étaient vos projets pour l’Algérie ?

Belkhadem : Madani a été victime de sa folie des grandeurs. Il ne savait pas attendre. Il croyait que les conditions étaient toutes réunies pour mettre les képis devant le fait accompli de l’État théocratique. Je l’avais pourtant prévenu que son idéal ne s’imposait pas du haut mais résulte plutôt d’un long travail de prosélytisme populaire de longue haleine. Exemple, avec du recul, il s’avérait qu’il était impossible de concevoir le projet islamiste si une partie du peuple n’y adhérait pas. Et ce fut justement sur le refus cinglant de la Kabylie que les généraux ont justifié leur répression contre les troupes du FIS. Mais, au début et en plein dans l’hystérie du mouvement, je vous avoue, néanmoins, que j’ai moi-même cru, un moment, au rêve que je partage toujours avec mes frères Abassi et Belhadj ! Et c’est même la raison principale de mes moult vas et viens à l’époque entre eux et l’ambassade d’Iran pour voir comment il fallait faire pour déjouer le complot des généraux algériens en cas de victoire électorale. Malheureusement, c’était déjà trop tard. Toutefois, je tiens à informer que notre frère Abassi va mieux aujourd’hui. J’ai personnellement intercédé auprès du président Bouteflika pour qu’on lui délivre un passeport de sortie du territoire. Actuellement, il vit au Qatar. C’est plus proche des lieux saints. Nous gardons toujours contact.

Vous avez insinué que le « refus cinglant » de la Kabylie à toute adhésion au projet théocratique est la cause principale de son avortement en Algérie. Étant islamiste convaincu et ne perdant, je suppose, jamais espoir, qu’avez-vous envisagé pour y remédier ?

Belkhadem : Aller doucement mais sûrement ou, si vous voulez, exercer un chantage permanant ! Il faut conditionner tout projet économique destiné pour cette région à ceux de la construction, au préalable, de nouvelles mosquées et la restauration des vieilles zaouïas de la région. En tout cas, c’est ce que j’ai toujours fait au temps de ma gouvernance en tant que chef du gouvernement. Il faut que les Kabyles nous donnent la preuve qu’ils sont dans le droit chemin d’Allah ! De toute façon, ils n’auront pas vraiment le choix à l’avenir. Les spécialistes affirment que la misère est le terreau idéal pour l’adhésion massive à l’idéologie islamiste. Même vos chrétiens finiront par se reconvertir à notre religion. Je tiens, par ailleurs, à saluer le courage de nos frères du MSP qui sont arrivés à déstabiliser la commune d’Aghribs, région natale de Said Sadi, tout un symbole de la laïcité kabyle et ce, en voulant imposer la construction d’une nouvelle mosquée. Qui l’aurait cru il y a seulement quelques années ! N’est-ce pas votre Matoub qui disait qu’ils sont entrés au pouvoir par le bout des pieds (l’orteil) ? Ce qu’il ne savait pas et ne pouvait croire, quelques années après son assassinat, c’est que nos frères finiront par entrer dans sa propre maison même, en plein cœur de la Kabylie. Je tiens également à rendre hommage à notre ministre des Affaires religieuses qui interdit tout recrutement local et traditionnel des imams kabyles qui ne soient pas affiliés à l’institution dont il est ministre et, donc, seul habilité à leur nomination. Plus d’islam traditionnel en Kabylie ! Tout cela contribue bien sûr à faire adhérer la Kabylie, inchallah, au rêve très cher de mes frères Abassi et Belhadj.

avatar
Athmane BANOUH

la réalité de ce barbouze et de ces acolytes dépasse votre fiction. j'apprécie quand même!!

visualisation: 2 / 7