Le Matin 22-10-2017 221437
Je ne sais ce qui est le plus impardonnable chez Abdelkader Messahel, son indigence intellectuelle ou le frappant cynisme avec lequel il prépare l'opinion à la guerre contre le Maroc.
On savait le personnage Messahel plus familier des âneries du sergent Garcia que des prestiges de Talleyrand, on ne le soupçonnait pas si disposé au rôle de brave soldat Shvek. En accusant froidement le Maroc de recycler l’argent du haschisch via ses banques dans le continent, Messahel a agi en parfait écuyer du clan de palefreniers qui fait office de pouvoir en Algérie et que ne répugnerait pas l'idée d'un conflit armé avec le voisin marocain. Quelle splendide diversion à l'impasse à laquelle il a conduit le pays !
Le ministre des Affaires étrangères n'ignore pas que les temps sont mûrs pour les va-t-en-guerre des deux côtés. A lire les forums où s'entredéchirent les jeunes des deux pays, on réalise qu'une certaine jeunesse des deux pays a l'âge des hostilités. Née avec la fermeture des frontières, elle n'a connu que ça : l'insulte, la surenchère dans la calomnie, le nationalisme outrancier, ce nationalisme bête et méchant qu'on croit être du patriotisme et qui n'est, en fin de compte, que l'art excécrable de rabaisser l'autre, de le déshonorer en attendant de pouvoir le tuer ! Oui, le tuer, quand les décideurs politiques jugeront le moment venu de remplacer l'ordinateur par le fusil et de jeter cette jeunesse conditionnée par le mensonge et les prêcheurs de l'apocalypse, dans un champ de bataille, l'instant imbécile où ça fait deux millions de morts.
Des enfants du peuple. Qui les pleurera ? Ils auront fait don de l’unique, de leur vie, pour une harangue enflammée qui les condamne au sacrifice et s’en vont, solennels et imposants, avec une noble naïveté, à l’âge encore vert où l’on croit ne connaître aucune raison de vivre et tous les prétextes pour mourir. Les enfants des amis de Messahel ne risquent rien, ils ont leurs comptes off-shore, leurs appartements parisiens et leur avenir dans les laboratoires secrets où se partage l'argent du pétrole. La guerre, c'est l'affaire des bouseux, des enfants du Rif et des Aurès, vagues martyrs condamnés au sacrifice par des juges invisibles, ceux-là qui ont dicté leurs mots imbéciles à Messahel et qui auront su se servir des emportements de jeunes sans repères et dont ils feront de vagues martyrs dont on oubliera les noms, écrits en petit sur des pierres tombales. Ils seront morts sans avoir jamais su que le héros n’est pas celui qui se précipite dans une belle mort, mais celui qui se construit une belle vie.
Abdelkader Messahel, brave soldat Shvek, vient de s'acquitter de sa triste besogne : jeter de l'huile sur le feu. Il a les qualités pour ça : la médiocrité de l'esprit, l'arrogance des buffles et l'insensibilité des chasseurs de prime. Il a usé du langage imbécile qui fait ravage dans les forums : "L’Algérie n’est pas le Maroc" ; "beaucoup parlent de la présence marocaine sur les marchés africains, en réalité, il n’y a rien (makan walou)" ; "des rapports classent l'Algérie parmi les dix pays les plus stables et les plus beaux", et j'en passe des fadaises de ce calibre. Un discours honteux auquel vont répliquer des Messahel marocains (il en existe !) avec le même talent pour l'injure, si ce n'est déja fait, et le Maghreb aura mis un pied dans l'absurdité et un autre en enfer. Telle est l'Algérie aujourd'hui, gouvernée par des petits esprits, incapables de se servir de ce qui, dans l’histoire des deux pays, unit au lieu de diviser, apaise au lieu de désespérer, de petites créatures maléfiques dont on imagine le bonheur nauséabond d'avoir su trouver un motif supplémentaire pour les peuples algérien et marocain de se déchirer.
Mohamed Benchicou