Le Matin 19-10-2017 301804
"J’ai une conception classique de la littérature. Construire une œuvre pierre après pierre comme une maison en pensant que chaque pièce fera partie de l’ensemble… Les écrivains du New Yorker sont des gens pour lesquels je n’ai pas la moindre sympathie. Cheever et Updike atteignent dans leur œuvre un tel degré de sophistication qu’ils ont perdu l’élément populaire, mythique, rituel : tout ce qui fait partie intégrante de la réalité américaine." William Goyen
William Goyen n’a, à son actif, qu’un petit nombre d’ouvrages. On voit rarement son nom dans les journaux. Cependant, les connaisseurs de la littérature américaine le considèrent comme un des écrivains les plus importants des Etats-Unis du XXème siècle, un de ceux dont le talent et la création littéraire ont pu être comparés à ceux de William Faulkner.
"La maison d’Haleine" est le roman qui a donné à William Goyen une réputation internationale. Accueilli triomphalement par le public et les critiques américains, l’ouvrage conserve toujours la poésie, la fraîcheur, les qualités d’évocation et de style qui en firent l’attrait originel.
Le cadre de ce récit, c’est la petite ville de Charity, dans le Texas, fort semblable à ce Trinity où naquit William Goyen. "La maison d’Haleine", c’est la demeure familiale où grandit le narrateur, Boy Ganchion : "C’était une grande maison très vaste, traversée dans toute sa longueur par un long corridor, et beaucoup de personnes y habitaient : Aunty, l’oncle Jimbob, tante Malley, l’oncle Walter Warren, Christy, Grand Maman Ganchion et tous les cousins et cousines, grands et petits, Swimma, Follie, Berryben, Jessie, Maidie, tous — même miss Hattie Clegg qui vint habiter avec nous."
Tous les personnages nommés dans cette phrase seront tour à tour évoqués par le narrateur, au gré du souvenir, et le lecteur pourra, s’il le souhaite, après avoir refermé le livre, remettre un peu d’ordre dans la bibliographie des familles des Starnes et des Ganchion. Mais, de même que Faulkner n’a pas voulu donner une architecture balzacienne à l’histoire de Yoknapatawpha County, de même Goyen, dans "La maison d’haleine", n’a nullement l’intention d’écrire un roman naturaliste et de nous relater, avec force détails, l’histoire d’une famille texane.
La nature, les nourritures terrestres, sont au centre de l’univers ressuscité par le narrateur. La nature est personnifiée. Le fleuve qui passe par Charity murmure entre les arbres et chante l’époque "où nul bateau n’avait encore passé sur moi, où nulle seine, nul filet, n’avait encore été jeté en moi ; imagine moi seul avec le clair de lune ou l’éclat du soleil au temps où ce qui nage, ou tout ce qui respire était encore dans mon sein… imagine mes inondations (qui n’amenaient la construction d’aucune digue, qui ne causaient d’alarme à aucun homme, seule la terreur des créatures qui connaissaient et enduraient les arrivées de catastrophe, nids reconstruits ensuite dans les roseaux, œufs emportés à temps, ainsi que les petits)…"
Ernest Robert Curtius et Maurice Coindreau, dans la préface de la traduction française de "La maison d’haleine", ont noté avec justesse les différentes formes que prend "l’appât des nourritures terrestres" autour de "La maison d’haleine".
C’est d’abord les arbres, le petit bois près de la maison ("Une ville de feuilles, voilà exactement ce que tu étais Charity"), puis le pré de Bailey, "l’herbe magique d’où naissent les enchantements. Les troupeaux y paissent… et cela permet aux enfants de "La maison d’haleine" d’entrer en contact avec la nature animale et à laquelle la nature humaine répond. Le pré est plein de mauvaises herbes dont l’amertume semble avoir été transmise au lait dont les enfants ont été nourris.
L’auteur évoque les saisons de l’East Texas : l’hiver, époque de stérilité avec ses neiges et ses glaces, le printemps, époque de fécondation où « les fleurs de cornouillers s’épanouissaient puis s’enivraient, ainsi que l’arbre rose et le jasmin jaune ; les cigares crissaient comme bat un vieux cœur rouillé, et quel rauque vacarme faisaient les grenouilles ! Oh ! La douce haleine des bois — les graciles fougères et les petites violettes sauvages et les lys orangés…", l’été, où l’eau des mares étaient un réservoir où macéraient des fruits mûrs vernissés, dorés sous le soleil, retenant comme en épais toutes les réserves, toute la semence des bois… »
La nature, à Charity, a été du vivant de l’auteur profanée par l’homme. Le décor forestier a été remplacé par des puits de pétroles, plus nombreux que des mouches. « Toutes les petites grenouilles qui chantaient dans les arbres, tous les engoulevents se sont enfouis ; comment pourraient-ils vivre au milieu des derricks ? Il ne reste plus de nature… Tout est changé. Seul le vent continue de souffler des Basses Terres » jusque dans les persiennes de la Maison d’haleine « pour y chanter ce qui est disparu. »
Avant que la nature texane n’ait été violée par les chercheurs de pétrole, Charity était une petite ville provinciale, délimitée par une voie de chemin de fer, une scierie, une prairie déserte, une ville « tranquille et morte », « tombant en pourriture », une ville pauvre, « où tout l’argent se trouvait entre les mains d’une seule famille, les Ralph Sanderson », propriétaires de la scierie. Elle avait sa petite feuille de chou, le Clarion (dont le papier jauni servait à boucher les fentes et à protéger du vent), sa petite église, ses petits scandales.
La vie était mesquine, dure pour les blancs, plus dure et parfois cruelle même pour les noirs :… "le Ku Klux Klan passait à cheval. Les nuits d’été, on pouvait voir au sommet de Rob Hill des croix en flammes, et on savait alors qu’un pauvre nègre fou des Basses Terres allait être brûlé, allait s’enfuir, hurlant par les rues, enduit de goudron et de plumes".
Nul endroit dans cette ville où l’on pût aller, nulle distraction, sauf le passage de gitanes ou d’un cirque forain et, pour les vieillards, la douce manie de se balancer, jour après jour, sous leurs vérandas. Solitaires, tous les membres de la tribu des Starnes et des Ganchion le furent dans "la splendide maison déchue". Entre maris et femmes, entre parents et enfants, il n’y eut aucune entente, aucune compréhension. Chacun reste emmuré, rongé par son inaction et cherchant à s’enfuir.
Aussi les jeunes ont-ils quitté ce foyer trop bien clos et l’ennui qui étouffe Charity. Christy Ganchion est parti dans la marine marchande, Maidie Starnes s’est mariée avec un homme de Dallas, sa sœur, la belle Sue Emma ("Swimma") est devenue mannequin et "a gagné des tas d’argent, a attiré les hommes comme des mouches… a renié toute sa famille", s’est marié en Floride, a eu des enfants mongoloïdes, finira dans la boisson. Folner, une "fille manquée" peut-être ou une « hermaphrodite, un être en tous les cas qui aurait voulu « illuminer le monde, étinceler, briller, resplendir », est parti avec un cirque forain, a été danseur et puis un jour s’est suicidé. Willadean a fauté avec un commis-voyageur et est devenue une fille perdue. Certains sont revenus, enfants prodigues blessés, marqués de cicatrices mystérieuses, comme Christy, ou, comme Folner, dans leur cercueil. D’autres comme Sue Emma, comme Berryben, continuent à se chercher et à courir le monde. Et parmi ceux qui sont restés — les vieux — que de tristesses et de douleurs !
… "je suis la vieille fille au visage tendu… Pourquoi ? Pourquoi ? J’ai été bonne chrétienne toute ma vie. Pourquoi tout cela tout cela, pourquoi faut-il que je sois ainsi toute difforme, la figure de travers, et dans ce vaste monde où je n’entends plus personne appeler : "Hattie… Hattie…" ? Entre le monde et moi, il me semble qu’il y a une sorte de vitre, et rien dans ce monde ne peut plus parvenir jusqu’à moi."
Au terme de cette évocation d’un passé disparu, un pont a été édifié entre des ruines, un univers magique nous a été communiqué. Goyen a donné à son livre une épigraphe empruntée à Rimbaud : "Je est un autre." Boy Ganchion est, en vérité, fait de tous ces souvenirs que lui ramène le vent. D’autres vies sont venues donner un sens à sa vie. Pour reprendre les termes de la romancière Katherine Anne Porter, « La maison d’haleine » est « la patiente recherche d’un lieu et d’une identité et de la signification d’une intense expérience personnelle, une tentative pour purifier le cœur de son mystérieux fardeau, une passerelle jetée au-dessus d’un gouffre entre deux expériences dissociées."
Boy Ganchion est revenu à la maison d’haleine pour y chercher la clé de ses énigmes et un remède à cette solitude qui est la sienne. Seule peut remédier à cette solitude une pleine connaissance de soi, et Boy, ressuscitant ses années d’enfance et d’inquiète adolescence, retrouvera son identité, sans authenticité.
… "Charity nous rend authentiques, il nous rend durs et authentiques dans notre vie : nous qui errons dans cet automne cherchant notre réalité. C’est une chose qui nous concerne tous, tous, personne ne peut y échapper.
… Cours le monde, construis des villes, découvre des pays, répands l’amour, donne, sois magnifique, éclaire, sauve, joins et attache (comme tu as attaché des bouts d’étoffe, de ficelles, de bois taillé pour construire ton navire), fais un tout et mets-le, combiné, assemblé, mis en forme dans le monde, bouteille renfermant un bateau. Ramasse les morceaux, attache-les ; ce sont les seuls matériaux avec quoi nous puissions travailler… J’ai dit alors : Je vais me lever maintenant et m’en aller dans le monde qui est mien et être ce que je dois être".
L’héroïne de "En un pays lointain", Marietta McGee Chavez, une jeune femme d’une trentaine d’années venue du Nouveau-Mexique à New York, entre un jour dans la boutique de M. McDougal, une sorte de bazar situé dans un assez misérable quartier des petits artisans et baptisé « Au sortilège espagnol". Marietta devient l’employée puis la femme de McDougal. Marietta « avait la chute de reins castillane, l’éclat du teint, les pommettes et le nez espagnols" mais "tout cela était compromis par le blond filasse des cheveux posés sur elle comme une perruque de clown, qui lui venaient des ancêtres de sa mère, originaires de Trinity County, Texas.
"Bien qu’une ligne de passion, très espagnoles, traçât une profonde trainée de l’aile du nez au coin de la bouche, il se logeait dans ce sillon quelque chose qui était simplement une verrue, trait de famille de la lignée texane, ainsi que tout le monde pouvait s’en rendre compte.
"Cela ressemblait à une larme coulée du coin de l’œil, qu’elle fardait en grain de beauté espagnol, d’une touche de noir pour les yeux. Si elle pleurait, ce qui lui arrivait rarement, et sans bruit, c’était une larme venue d’une source pure, tirée des profondeurs de la terre bouleversée qui, après avoir arrosé sa parente texane, courait le long de ce sillon pour balayer l’Espagne, et n’en laisser qu’une simple verrue. »
Tandis que son mari, incapable de « trouver les mots tout seul » ou de « se trouver, seul, aucun rêve, habite seul dans son atelier, Marietta exprime dans la broderie et dans les objets qu’elle confectionne sa passion pour le pays de ses ancêtres, pour la partie authentique de son héritage et de son existence. Mais surtout, elle va peupler de ses rêves son « Espagne », c’est-à-dire sa chambre qui est son domaine réservé.
Dans le domaine privé de Marietta McDougal, pénètrent plusieurs personnages que l’on pourrait qualifier de fantômes oniriques tels qu’Oris, la femme dorée par le soleil qui, vêtue d’une culotte de cheval et d’un manteau de cavalerie, a des"cheveux en tresses de graines d’armoise", Sabino, le toréador, le mandoliniste Chalmers Egstrom dont l’instrument a des cordes faites de cheveux de femme — il chante seul quand la brise arrive. Et le joyeux Cumberly, l’acteur Jack Flanders, et l’institutrice Loïs marquée par des amours tragiques.
Chacun de ces personnages peut venir dans la demeure de Marietta "dire une chose jamais dite auparavant et, ainsi, retrouver son passé". La plupart des visiteurs essaient de trouver ce que le père Trask appelle « le petit ruisseau clair de notre âme qui veut courir au soleil."
Poète et artiste merveilleux, William Goyen sait composer un contrepoint inimitable des confessions, de rêves et de musique. Il montre aussi ses qualités d’humanité, sa grande pitié pour les humbles, qu’il s’agisse des Indiens et de leur « race assassinée » dont il dépeint avec tendresse les convulsions, des victimes de la ville tentaculaire où des cœurs brisés d’amoureux tragiques ou encore des pauvres, des laids, des infirmes ou des déshérités qui aspirent à une beauté inaccessible.
« Zamour et autres nouvelles » est un recueil d’une douzaine de nouvelles publié chez Actes-Sud. L’unité de cet ouvrage réside dans la nostalgie du pays natal (le Texas) et dans l’évocation d’une enfance ou d’un passé disparus à jamais. Certains de ces récits évoquent l’époque des pionniers pauvres, courageux, stoïques qui ont fait le Texas avant la découverte du pétrole. D’autres évoquent des souvenirs de Charity que ressuscitent, à Rome, un gazon dans un parc, à New York, la portulaca, fleur commune qui pousse sur les escaliers mais qui, là-bas, au Texas, s’appelle « moss rose » et rappelle à l’auteur sa jeunesse et tout un tissu d’affection et d’espoirs anciens. Les souvenirs accourent à la vue de la "moss rose", semblables à la madeleine de Proust.
Le bizarre et l’humour ne sont pas absents de ces croquis — qu’il s’agisse de la négresse blonde du premier conte ou du pasteur revivaliste qui se déplace en compagnie d’une pianiste et de leurs enfants, ou, enfin, de ces sœurs barbues dont l’une attend la pension de son mari dans une maison inondée.
Dans toutes ces nouvelles, ainsi que celles d’un autre recueil traduit en français sous le titre de "Le fantôme et la chair", on trouve une sorte d’émerveillement en face de la beauté tragique de la vie qui, comme dans "La maison d’haleine" est célébrée dans un style magnifique par William Goyen. Avec aussi, une immense compassion pour l’humanité.
« Savannah » est à première vue une farce ou, si l’on veut, une satire de ces bizarres églises évangéliques que fréquentent les noirs américains. Le roman reprend et développe les thèmes d’une nouvelle du recueil précédent. Ruby Drew, la narratrice, est une noire variqueuse et diabétique, très noire de peau, très laide et très sérieuse. Elle a une sœur, Savannah, qui est blonde, jolie et papillonnante. Ruby, qui appartient à l’Eglise de la Ferveur, dirigée par un certain Prince de Lumière, décide d’extirper sa sœur du cabaret de Saint-Louis dans le Missouri où elle se montrait à peu près nue et de faire servir ses charmes à des conversions : Savannah attirait les pêcheurs par la grâce de son magnifique corps et de sa voix, elle les sauvera de la damnation par les mêmes dons célestes.
Savannah rejoint donc sa sœur à Philadelphie, où Prince de Lumière forme le néophyte, la prépare à son rôle et fait d’elle une évêque. A Brooklyn, elle fonde la Sainte Eglise de la Lumière du Monde qui remporte un immense succès. Les gens affluent de « tous les azimuts pour voir et entendre une évêque à la blondeur si séduisante ». L’argent coule à flots. Comme le dit si bien Ruby « nous avions le vent en poupe sous l’effet combiné de la séduction et du sens pratique. »
Malheureusement, un nouveau venu, Canaan Johnson, entre dans les bonnes grâces de Savannah, éclipse Ruby Drew et devient l’administrateur des affaires de l’évêque. Ruby essaie en vain de lutter contre lui. Un beau jour, Canaan Johnson disparait avec les dollars et les diamants de Savannah. Cette dernière reviendra à ses premières aventures. L’humour imprègne toute cette histoire de la « négresse blonde ». Ruby Drew, âme simple, n’a pas reçu une éducation très poussée mais elle est capable de retenir les mots nouveaux qu’elle a entendus et de les employer de nouveau d’une manière fort cocasse. Témoins, ces quelques extraits de ses sermons :
"L’évêque de cette église a une propension à la matérialité" et "il n’y a pas de frontière au savoir, l’épistémologie en est claire et simple. Je suis autodidacte autonome et auto-induite… Soyez purifiés ! Suivez-moi ! En avant ! Arriba ! Vers la Terre promise…"
Les personnages qui évoluent autour de Savannah composent une faune variée et pittoresque. Cubsy Hall, le petit prédicateur prodige. "Il était censé avoir sept ans mais dès que j’entendis ses premières paroles, je me dis : Grand Dieu, il en a au moins quarante, avec une sagesse pareille ! » Dans son sermon, « il parla des pièges d’émeraude et de saphir que nous tend Lucifer… Puis il se fit apporter sa guitare d’acier à branchement électronique et se mit à chanter".
D’autres personnages retiennent l’attention tel Canaan Johnson, escroc de grande classe et beau parleur au bagou inépuisable, et tout ce monde de drogués et de timbrés qui entourent l’héroïne.
Roman gai, "Savannah" est aussi un roman sérieux qui reprend les grands thèmes de l’œuvre de William Goyen à commencer par celui de la solitude. Les êtres beaux ou délicats souffrent : "la rose, le jasmin dorés souffrent… je ne dis pas que le chou ne souffre pas. Mais la souffrance de la rose et du jasmin… est abeuminable. Et le Seigneur le sait". De plus, laideur et beauté ne peuvent s’entendre. Ruby Drew ne pourra ni rester auprès de Prince de Lumière ni garder avec elle sa petite sœur blonde, ni attirer à elle le petit Cubsy Hall qui la trouve trop grosse.
Le vrai sujet de l’ouvrage, ce n’est donc pas la description du monde des évangélistes, mais un monde « biscornu, faussé, déformé » qui rappelle un peu celui de Flannery O’Connor. Le mal, hélas, détruit l’équilibre du monde. Derrière la farce de la négresse blonde, il y a, comme dans les autres récits de Goyen, une soif et une nostalgie de beauté et une angoisse profonde devant les multiples facteurs de perdition qui accablent la créature humaine : les méchants, les filous, les voyous, les avides, les égoïstes, autrement dit, les diverses incarnations du Diable.
Les trois romans de William Goyen que j’ai lus pourraient paraître, au premier abord, assez différents :
"La maison d’haleine" est un poème en prose et le film confession d’une adolescence troublée.
"En un pays lointain" est un contrepoint de fantasmes et de musiques autour d’une "espagnole" qui rêve.
"Savannah" pourrait passer pour une farce à propos d’une évangéliste noire.
Restent des thèmes communs : celui de la solitude, celui de l’absurdité d’un monde « biscornu » qui permet la naissance d’enfants difformes et des innocents qui souffrent, celui de la tendresse pour les déshérités.
William Goyen, je l’ai déjà dit, est un grand poète — et pas seulement dans "La maison d’haleine". Il a un vocabulaire très riche et somptueusement imagé :"Il y avait des nuits où l’eau était si calme que le bateau glissait comme un patineur fantôme. Le vent passait son peigne aux dents de lion au travers le sable mouvant et l’armoise." William Goyen possède un style à la fois précis et fervent, admirablement adapté à l’atmosphère magique et surréaliste de ses récits. Les procédés qu’il utilise (parenthèses, métaphores, incantations) relèvent à peine de la littérature. Ils sont la poésie même, une œuvre du cœur et des sens.
Kamel Bencheikh