La république exemplaire n’est pas pour demain !!!

Le Matin 12-10-2017 69853

La république exemplaire n’est pas pour demain !!!
Combien de ministres ont déclaré réellemetnt tout leur patrimoine ?

De nouveaux ministres ont intégré le gouvernement d’Ahmed Ouyahia ; d’autres, désignés sous l’ère d’Abdelmalek Sellal et de l’éphémère Premier Ministre Abdelmadjid Tebboune ont, pour leur part, quitté leurs fonctions, en laissant l'opinion publique dans l'ignorance des raisons pour lesquelles ils ont été «débarqués » d’une part, et d’autre part, sans avoir fait au préalable, leur déclaration de leur patrimoine, comme l’exige la loi algérienne.

Il en est de même des élus locaux arrivés en fin de mandat et des députés sortants ou nouvellement élus. Dans certains pays, européens notamment, c'est la Cour des comptes qui prend sur elle de publier sur son site internet la liste des personnes n'ayant pas remis de déclaration de patrimoine initiale après leur entrée au gouvernement ou à l'occasion de leur élection, ainsi qu'une liste de celles n'ayant pas remis de déclaration de patrimoine lors de leur cessation de fonction ou du non renouvellement de leur mandat électif.

Par le passé, un ministre et non des moindres, a reconnu implicitement, que ni lui ni aucun ministre de la formation politique à laquelle il appartenait, n'ont été soumis à cette obligation quand ils étaient au gouvernement !

Il aurait ainsi déclaré : "Je suis pour la déclaration de patrimoine à condition qu'elle soit vraie, mais il faut savoir qu'aucun responsable en Algérie n'a de fortune en son nom ; tous les biens des responsables algériens sont enregistrés sous des noms d'emprunts". Prenant un ton ironique, il aurait aussi dit à propos de certaines déclarations des ministres d'alors : "Le peuple algérien se réjouit de savoir que ses ministres sont pauvres". De tels propos, graves au demeurant, présentent la corruption dans notre pays, comme une fatalité et sa généralisation à ceux qui ont exercé ou exercent encore une responsabilité comme une évidente réalité. Pour la petite histoire, rappelons que l’auteur de la déclaration n’a été aucunement inquiété, nonobstant le "pavé" qu’il avait lancé dans la mare, en son temps.

La déclaration de patrimoine, faut-il le rappeler, permet de faire la comparaison entre le montant de la fortune d'un responsable public au moment où il entre en fonction et le moment où il en sort. Elle prend en compte tous les éléments composant le patrimoine, quelles que soient leur nature, leur importance ou leurs situations géographiques. L'ensemble des biens doit être déclaré, y compris ceux détenus à l'étranger. Elle est souscrite dans le mois qui suit la date d'installation ou celle de l'exercice du mandat électif de la personne concernée. En cas de modifications substantielles de son patrimoine, cette dernière procède immédiatement, et dans les mêmes formes, au renouvellement de sa déclaration initiale.

Il faut dire que la publication de la liste des biens et des avoirs détenus, outre la transparence qu'elle induit, permet aux tiers, citoyens ou autres, de saisir la justice en cas de soupçon de déclarations mensongères. Mais attention tout de même à ne pas tomber dans le déballage qui ne serait pas sain pour le pays et qui, surtout, donnerait le sentiment qu'il y a des choses à régler. Mais tant mieux aussi si l'objectif visé concerne la préservation des deniers publics et des biens de l'État !

Les citoyens algériens, loin d'être dupes, sont très réservés concernant la véracité des déclarations de patrimoine faites par les responsables. On a même avancé un chiffre pour dire que 80% des grands commis de l'État et autres élus qui se sont succédé toutes ces dernières années ne déclarent pas leur patrimoine et, conséquemment, celui-ci n'a pas fait l'objet d'une publication. Précisons que le formulaire est composé de sept pages à renseigner en arabe et en français ; la publication de toutes les déclarations de patrimoine, de l'ensemble des responsables en poste, aurait nécessité une ou plusieurs éditions de journaux officiels : faut-il, dans ces cas précis, recourir à des résumés, au risque d'amputer ces déclarations de leur contenu ?

De plus, la publication au Journal officiel peut aussi déclencher des réactions en chaîne du style :

  1. Les déclarants peuvent être amenés à faire des démentis ou à apporter des éclaircissements suite à des dénonciations par des tiers,
  2. Les banques, les notaires, les services des domaines auront ainsi leur mot à dire grâce à leurs fichiers,
  3. Il en est de même des services de sécurité qui peuvent déclencher des enquêtes sur des richesses ou des biens non déclarés.

Rappelons, enfin, que la déclaration de patrimoine est également établie en fin de mandat ou de cessation d'activité.

Pour l’heure, le gouvernement d’Ahmed Ouyahia qui n’a à aucun moment évoqué la "moralisation de la vie politique" dans son programme d’action, approuvé majoritairement par les deux chambres faut-il le rappeler, est malmené par la chute du pétrole et la crise qui s'est installée dans le pays.

Le Premier ministre doit aussi faire avec son staff ministériel, qui même réaménagé est loin de faire l'unanimité en termes de compétence. Encore une fois, et selon tous les observateurs de la vie politique, le remaniement ministériel aura été un ratage complet ! A moins qu’Ahmed Ouyahia n’y appose sa touche "personnelle" pour y remédier, une fois la loi de finances pour 2018 endossée par le parlement et paraphée par le président de la République, comme il l’a laissé entendre. Sinon, découvre-t-on, soudainement, en Algérie la nécessité de la moralisation de la vie publique ?

Cela fait quelque temps déjà qu'il y a régulièrement des scandales financiers et de corruptions présumées qui sont révélés ; en tous les cas la triche et la fraude semblent faire partie du sport national et à tous les niveaux. Les Algériens veulent-ils, aujourd'hui, qu'on leur parle de chômage, d'emploi, de pouvoir d'achat, de logement ou bien alors de la moralisation de la vie politique ? Il serait intéressant de les sonder à ce sujet, même si leurs priorités sont connues. De ce qu'on a déjà entendu, on retient bien évidemment le fameux "tous pourris" qui prospère au fil du temps et qui éloigne de plus en plus, le rêve d’une république exemplaire.

A contrario, la focalisation sur la transparence du patrimoine peut être aussi assimilée à une gesticulation qui risque de produire des effets inverses de ceux escompté : déclarer, contrôler, sanctionner, c'est de la transparence, alors que rendre public, participerait du "voyeurisme", selon certains. Mais il ne faudrait pas confondre publication du patrimoine, ce qui est obligatoire, et publicité autour du patrimoine, ce qui, au regard des concernés, est considéré comme une atteinte à leur vie privée.

La transparence absolue : un thème racoleur, selon certains, qui est sorti à la veille de chaque élection ! L'opinion publique, quant à elle, est favorable à cette mesure ? Globalement oui, puisque cela permettrait, ainsi, de répondre à la question : "A-t-il profité de ses fonctions pour s'enrichir ?", concernant tel ou tel responsable ou élu. Il est certes vrai que l’obligation de déclaration de patrimoine risquerait de gêner ceux qui craignent ce grand déballage et qui permettrait à une certaine presse d'établir, par exemple, les palmarès des ministres ou des walis les plus fortunés.

Ceci dit, tous ceux qui prétendent que la déclaration de patrimoine n'est qu'un "cautère sur une jambe de bois", et qui viendraient à critiquer le procédé réglementaire en vigueur, celui qui oblige les responsables à déclarer leur patrimoine, auraient été les premiers à s'émouvoir, voire même à s'indigner, s'il n'y avait pas de mesures réglementaires à même de cadrer cela. De toutes les façons, les déclarations de patrimoine ne changeront pas grand-chose et n'empêcheront pas la malhonnêteté, la corruption et l'enrichissement, sans cause, de croître !

Dans les équipes gouvernementales de ces 20 dernières années, rappelait à juste titre quelqu’un, de grands ministres, comme de grands commis de l'Etat ont laissé leurs traces, mais de bien médiocres ont sévi, faisant de lourds dégâts ! Rarement ces derniers ont rendu compte à la justice ou au peuple. Il faut dire à la décharge de tout le monde que la responsabilité première incombe au système politique qu'ils ont servi, soit par conviction, soit par obligation !

Ali Cherif

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