Le Matin 11-10-2017 81285
Sonatrach est bureaucratique et ne peut pas l’être autrement de par sa mission publique qu’elle assume parfaitement jusqu’à ce qu’on tripote son organisation.
Tous les PDG qui ont compris cette situation, ont pu rester quelque temps mais ceux qui voulaient lui imposer un rythme importé par mimétisme d’ailleurs pour l’acculturer ont été éjectés. Parce qu’il s’agit là d’un ordre établi où chacun trouve son compte. Celui qui perturbe ce système, gêne automatiquement les intérêts des uns et des autres.
Normalement avant de faire de telles déclarations, Ould Kaddour devrait demander à son parrain Chakib Khelil qui en sait quelque chose. Corruption et mauvaise gestion sont inséparables. Elles ont fait de Sonatrach une vache à lait à l'international. Sonatrach n'est pas, seulement, une entreprise mal gérée. C'est aussi une formidable mamelle pour les Algériens qui la partagent, généreusement, avec les partenaires étrangers. Elle a passé tous les stades de développement organisationnel depuis son lancement pour faire face aux mastodontes françaises en passant par une phase de croissance et de maturité qui a servi à une assise au développement des autres secteurs et vaste réservoir d’emplois jusqu’au stade actuel de vieillesse où on observe de la complaisance, de la bureaucratie et des seins totalement délattés à force d’être sucés par autant de bouches à nourrir.
La problématique se situe à ce niveau. Contrairement à un organisme biologique qui meurt après sa veillesse, l’organisation d’une entreprise à ce stade devra être soit redéployée, soit à longue échéance, couler et laisser ainsi toutes les bouches ouvertes au vent.
La première solution que n’importe qu’elle manager doté d’une expérience de gestion de type occidental adopte par la logique, ouvre une boite de Pandore qui lui explose au visage. Il faut reconnaitre qu’au stade où se situe la transition de l’économie algérienne vers une économie de marché, il n’est pas permis de tripoter l’organisation Sonatrach avant une diversification effective de l’économie nationale. Ce qui se passe avec le PDG actuel ressemble beaucoup à la tentative Khelil début des années 2000. Les brainstormings et les "R" qui marginalisent le code des marchés publics.
Il voulait en faire d’un bien public, une entité qui obéissait au droit privé. Ayant déjà travaillé au secteur de l’énergie par le passé, il connaissait les points faibles de certains cadres et leur schème motivationnel et surtout le moteur de leurs prédispositions. Il a réussi à reproduire le schéma d’en haut à la perfection. Or, il est impossible d’adapter des mesures économiques à une entité qui a des objectifs politiques. Plus loin, début des années 1980, des jeunes revenus des Etats-Unis après une formation solide dans des prestigieuses universités américaines, ayant pris des hauts postes de responsabilités dans le rouage de l’Etat, se sont inspirés des mêmes principes pour restructurer financièrement et organiquement Sonatrach pour être érigée plus tard en un groupe d’un résidu entouré de petite entreprises qui lui éclatent au nez aujourd’hui et Ould Kaddour en parle peut-être sans se rendre compte de ce fait historique.
Le total des effectifs du groupe dépasse les 100 000 agents dont près de 40% en sureffectif.
Toucher à ce groupe aujourd’hui c’est l’explosion sociale assurée.
Rabah Reghis, Consultant, Economiste Pétrolier