Indignés de tous les pays, unis dans la rue
De Londres à Manille en passant par Francfort et Sydney, des manifestations ont lieu dans un millier de villes. Des incidents ont éclaté à Rome.
Les "indignés" du monde entier se mobilisent samedi 15 octobre pour dénoncer les excès de la finance et les inégalités. Manifestations et actions non-violentes pour un "changement mondial" ont lieu dans plus d'un millier de villes de 87 pays.
Parti d'Espagne, le mouvement des "indignés", installés au printemps sur la place de la Puerta del Sol à Madrid, s'est étendu rapidement dans une Europe en pleine cure d'austérité. Les protestataires qui se veulent apolitiques refusent que les peuples payent le prix de la crise financière et demandent une "vraie démocratie" et une "révolution éthique". Aux Etats-Unis, le mouvement similaire "Occupy Wall Street" (OWS) à New York contre la "cupidité" des banques et des multinationales a de son côté gagné en un mois nombre de grandes villes américaines.
En Espagne
Contre le système financier, le chômage ou les coupes budgétaires dans la santé et l'éducation, des dizaines de milliers "d'indignés" ont retrouvé samedi soir les avenues du centre de Madrid, où était né le mouvement au mois de mai avant de s'étendre à travers le monde. "Parce que nous voulons récupérer la démocratie", "parce que ce sont toujours les mêmes qui gagnent", proclamaient les pancartes portées par les manifestants, rassemblés pour la première journée mondiale des "indignés" sous le slogan "Unis pour un changement mondial".
Cinq marches parties des quartiers périphériques ont convergé en fin de journée sur la place de Cibeles, dans le centre, pour se diriger ensuite vers la place de la Puerta del Sol, point de départ emblématique du mouvement, occupée au printemps, pendant un mois, par les "indignés" espagnols et leur village alternatif.
"C'était le moment où le peuple devait se lever", confiait Carmen Martin, une jeune manifestante de 24 ans arrivée avec des milliers d'autres, au son des tambours, depuis le sud. "Je suis émue que le mouvement qui est né ici s'étende au monde". "Si vous ne nous laissez pas rêver, nous ne vous laisserons pas dormir", "nous ne sommes pas des marchandises", criaient les manifestants, reprenant plusieurs de leurs slogans favoris.
En Italie
A Rome, lors de manifestation des "indignati", les indignés italiens, des groupes d'inconnus ont fracassé les vitres de banques et mis le feu à deux voitures dans le centre de la capitale. Les incidents se sont produits tout près du Colisée où des dizaines de milliers de personnes manifestaient. Une annexe du ministère de la Défense incendiée par des manifestants.
Peu après le démarrage de la manifestation, des petits groupes non contrôlés ont fracassé les vitrines de deux banques via Cavour à l'aide de panneaux de la circulation, avant de prendre la fuite et se mêler à la foule des manifestants. D'autres ont mis le feu à deux voitures. Une colonne de fumée s'élevait en début d'après-midi aux abords du Colisée où les pompiers ont aussitôt été dépêchés sur place.Selon l'agence italienne Ansa, des manifestants ont tenté de retenir un autre groupe de perturbateurs violents, masqués de noir en leur jetant des bouteilles.
La police a commencé à charger les manifestants samedi dans le centre de Rome où des incidents violents se poursuivaient en marge de la manifestation des "indignés", ont constaté des journalistes de l'AFP.
Les forces de l'ordre ont lancé l'assaut alors que des centaines d'éléments incontrôlés, masqués de foulards noirs, lançaient fumigènes, coktails molotov et bouteilles contre les forces de l'ordre. D'autres éléments ont continué à incendier des voitures et ont pénétré et jeté des fumigènes dans un bâtiment officiel, à deux pas du Colisée, tandis que des dizaines de milliers de personnes continuaient à manifester pacifiquement.
En France
Des centaines d'"indignés" se sont rejoint place de l'hôtel de ville à Paris pour une assemblée populaire pour répondre à l'appel international sous le mot d'ordre "Tous ensemble pour un changement mondial !", a constaté une journaliste de l'AFP.
"Nous sommes indignés, indignés, indignés !", ont chanté avec énergie les manifestants, convergeant vers la place de l'hôtel de ville en milieu d'après-midi. "Paris, Paris, soulève toi !", ont-ils scandé devant les badauds et touristes. Ces "indignés" s'étaient auparavant retrouvés dans différentes gares et points de rencontre parisiens avant d'affluer dans le centre de Paris. Après l'assemblée populaire, une soirée festive était prévue place de l'hôtel de ville à Paris.
En Allemagne
Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées devant le siège de la Banque centrale européenne (BCE), à Francfort. Ils sont "près de 6.000", selon l'organisation altermondialiste Attac, 5.000 selon la police, sur la place qui fait face à l'institut monétaire européen et sur laquelle se dresse un grand sigle de l'euro bleu et jaune. Jeunes, retraités, familles avec enfants dans les poussettes, sont venus brandir, sous un ciel bleu immaculé et un grand soleil d'automne, drapeaux et ballons. Sur les pancartes on pouvait lire "Ne bradons pas la démocratie à la BCE" ou encore "Brisons la dictature du capitalisme".
Tobias, 27 ans, éducateur, affichait le slogan "Le capitalisme va tuer le capitalisme" sur sa cassette noire vissée sur la tête, le visage barré par des lunettes de soleil. "Je considère le capitalisme mondial comme une bombe à retardement pour les humains mais aussi pour la planète", a-t-il expliqué. Chistl, 68 ans, retraitée, est venue en pensant à ses "enfants et petit-enfants qui vont devoir payer pour nos dettes".
Au Royaume-Uni
Quelque huit cents "indignés" rassemblées dans la City, coeur financier de Londres, ont reçu le renfort inopiné du fondateur de Wikileaks Julian Assange, mais sont restés fermement contenus par la police à distance de la bourse de Londres. L'arrivée d'Assange, qui est en liberté conditionnelle dans un manoir près de Londres en attendant une éventuelle extradition vers la Suède où il est poursuivi pour viol, a suscité des cris de joie.
"Nous soutenons ce qui se passe ici parce que le système bancaire à Londres est le bénéficiaire d'argent issu de la corruption", a lancé le fondateur de WikiLeaks sur les marches de la cathédrale Saint-Paul, où étaient massés les manifestants. Assange, entouré de gardes du corps, a dû se frayer un chemin à travers un important cordon policier cernant la manifestation.
Au Portugal
Des dizaines de milliers de personnes sont descendues samedi dans les rues du Portugal pour protester contre la politique d'austérité menée par le gouvernement sous la tutelle de l'UE et du FMI, dans le cadre d'une journée d'action mondiale du mouvement des "indignés". A Lisbonne, quelque 50.000 personnes de tous âges se sont dirigées dans le calme vers le parlement aux cris de "FMI dehors", rangées derrière une banderole proclamant "stop troïka", en référence aux créanciers du Portugal (Union européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international), selon une première estimation des organisateurs.
Des défilés étaient organisées dans neuf villes du pays à l'appel d'une quarantaine de mouvements citoyens et, d'après les médias locaux, la mobilisation était également importante à Porto (nord). "Nous sommes victimes de la spéculation financière et ce programme d'austérité va nous ruiner. Il faut changer ce système pourri", a affirmé à l'AFP Mathieu Rego, 25 ans, qui manifestait à Lisbonne sous un soleil intense.
"Je suis très révoltée car ce seront encore les fonctionnaires qui vont payer la crise", a dit Maria Joao Santos, 54 ans, employée dans une mairie. D'après les organisateurs de ces manifestations, le nouveau tour de vis budgétaire annoncé cette semaine par le Premier ministre Pedro Passos Coelho est venu "réaffirmer la nécessité de protester et de s'indigner".
Au Canada
Plus de 300 "indignés" étaient réunis samedi midi au Square Victoria, en plein centre-ville de Montréal où une dizaine de tentes étaient plantées, pour répondre à l'appel mondial contre la précarité, a constaté une journaliste de l'AFP. Arborant le célèbre masque blanc des indignés ou juste une pancarte, les manifestants de tous âges discutaient essentiellement des banques, du manque d'argent et de l'avenir.
Pour se réchauffer, certains ont esquivé des mouvements en suivant les membres du collectif Salsa aux pieds nus dont fait partie Carmen Ruiz. La femme de 32 ans, enceinte, "n'a jamais eu de carte de crédit" et se dit inquiète pour l'avenir mais d'un autre côté, elle estime que "les choses peuvent changer car les gens se rassemblent. Maintenant plus que jamais, je veux avoir l'espoir".
A Paris comme à Madrid, New York mais aussi à Toronto, les "indignés" se sont "unis pour exister", comme l'indique une pancarte à Montréal. Essayant de planter sa tente malgré le fort vent au Square Victoria, en plein quartier des affaires, Geneviève Dick, une étudiante en philosophie qui travaille comme traductrice, compte bien rester "aussi longtemps qu'il le faudra". "On veut se montrer visible au 1% qui nous gouverne et bâtir des liens avec d'autres citoyens, créer une alternative". Au Canada, des manifestations sont prévues dans plusieurs villes, dont Vancouver et Toronto.
Aux Etats-Unis
Aux Etats-Unis, dès vendredi, les protestataires américains avaient fait face aux forces de l'ordre de New York à San Francisco.
En Australie
Décalage horaire oblige, les premiers rassemblements de la journée ont eu lieu en Australie, à Sydney, où 300 personnes se sont rassemblées pour dénoncer la "cupidité" des multinationales et des banques.
Au Japon
A Tokyo, où la crise nucléaire reste au coeur des préoccupations, 200 personnes ont participé au mouvement mondial. Les manifestants ont défilé devant le siège de l'électricien TEPCO, l'opérateur de la centrale de Fukushima Dai-ichi, site d'un grave accident nucléaire après le séisme et le tsunami du 11 mars dernier, en scandant des slogans hostiles au nucléaire.
Aux Philippines
A Manille, une centaine de membres de plusieurs groupes réunis sous la bannière de l'alliance d'extrême gauche Bayan ont défilé samedi matin jusqu'à l'ambassade américaine pour exprimer leur soutien au mouvement Occupy Wall Street aux Etats-Unis et dénoncer l'"impérialisme américain".
En Corée du Sud
En Corée du Sud, les militants espéraient réunir un millier de personnes dans le quartier financier Yoeuido au coeur de Séoul et devant la mairie de la capitale.
Avec AFP
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