Pour une transition démocratique consensuelle en Algérie
Le pouvoir algérien doit se démarquer d’une vision culturelle largement dépassé, tant sur le plan politique, économique qu’en matière diplomatique. Nous sommes en 2011 avec des mutations géostratégiques considérables. La mentalité bureaucratique administrative des années 1970 est de croire qu’il suffit de changer de lois pour résoudre les problèmes. Cette vision bureaucratique est une erreur politique qui ne peut que conduire le pays à l’impasse, voire à une déflagration sociale.
Il ne suffit pas de pondre des lois que contredisent depuis l’indépendance les pratiques politiques, sociales, et économiques. Tout le monde en convient étrangers et algériens, par exemple lors d’élections que le système judicaire et le système administratif chargé du contrôle ne sont pas indépendants. Aller aux élections aux échéances fixées dans ces conditions ne fera que reproduire le système lui même avec la domination des partis FLN/RND/MSP avec le risque d’une démobilisation populaire sans précédent.
13% de voix pour la coalition au pouvoir
Selon les données officielles du ministère de l’intérieur (certainement le taux réel est plus bas) aux dernières élections législatives, par rapport aux inscrits avec tous leurs satellites ces trois partis ont eu 13% des voix. 87% de la population n’étant donc pas représentés. Comment vouloir faire passer des lois qui engagent l’avenir du pays par une assemblée non représentative ? Il faut donc éviter de vendre des illusions démocratiques dans un monde devenu une maison de verre. Le pouvoir doit éviter de discréditer plus l’image de l’Algérie.
Sans avoir une vue négative car bon nombre de realisations ont été faites entre 1963 et 2011, l’objectif stratégique, maintenant, est de réaliser une mutation systémique. Le blocage actuel étant systémique et toute dépense monétaire a un impact limité entrainant un gaspillage des ressources financières du pays. Ce n’est plus une question d’argent . Le système actuel est dans l’incapacité de résoudre les problèmes fondamentaux de l’Algérie qui a pourtant d’importantes potentialités dans le cadre d’une intégration maghrébine et plus globalement l’Afrique du Nord son espace social naturel. Ce qui s’est passé en Tunisie, en Egypte, en Libye, pour l’Afrique du Nord, sans parler du Yémen et de la Syrie auront des répercussions géostratégiques sur l’Algérie. Une nouvelle donne internationale a été introduite.
Invoquer l’islamisme radical, la lutte contre le terrorisme pour se maintenir comme le font certains dirigeants alors qu’ils ont enfanté eux-mêmes la pauvreté de leur peuple par la corruption cause de l’extrémisme, ne tient plus la route. Les anciens dirigeants tunisiens égyptiens et récemment libyens et syriens en ont fait les frais. Aussi l’Algérie qui a souffert du terrorisme doit aller vers une transition démocratique pacifique. Il faut éviter la vison d’assimiler la population algérienne à un tube digestif grâce à une redistribution passive de la rente des hydrocarbures pour une paix sociale éphémère. Avec la grogne sociale croissante, la population algérienne a soif de démocratie et de justice sociale mais également d’efficacité économique avec un sacrifice partagé car les réformes à venir seront douloureuses. Il ne faut pas être utopique. La démocratie d’une manière générale dans les pays arabes ne se fera pas du jour au lendemain. Les prix Nobel institutionnalistes d’économie ont montré récemment clairement que de nouvelles institutions prennent du temps pour leur efficacité. Ce qui donne l’impression d’anarchie à court terme mais ce ne sont que des illusions entretenues par les tenants de l’ancien système (après moi le déluge, l’homme providentiel). Je préconise les mesures suivantes devant privilégier non les intérêts occultes de la rente d’une minorité mais l’Algérie et seulement l’Algérie.
Les six actions pour donner une image positive de l’Algérie
1- Revoir la Constitution au sein d’une grande conférence nationale, associant l’ensemble des forces politiques, sociales, économiques et des experts en limitant le nombre de mandats présidentiels et préciser clairement le régime parlementaire ou présidentiel. Toute révision fondamentale de la Constitution devra passer par un référendum et non plus par les deux chambres non crédibles.
2- La dissolution des deux Chambres du fait que ces députés et sénateurs et bien d’autres organisations satellites vivant du transfert de la rente des hydrocarbures incapables de mobiliser la société. Il s’agit d’agréer de nouveaux partis et associations en évitant d’en faire des structures du pouvoir instrumentalisées lors des élections. Dans ce cadre, il s ‘agit de revoir les subventions aux partis et associations qui doivent compter sur leurs adhérents, ainsi que la rémunération des députés/sénateurs disproportionnée par rapport à leur rendement.
Le parti du FLN ne doit plus instrumentaliser le sigle FLN, propriété du peuple algérien de la glorieuse guerre de libération nationale, le restituer à l’Histoire, et trouver une autre dénomination pour une concurrence loyale par rapport aux autres partis. En démocratie, le pouvoir est le pouvoir et l’opposition est l’opposition productive nécessaire au pouvoir lui-même pour corriger ses erreurs et éventuellement préparer l’alternance.
3- Un changement presque intégral du gouvernement par un regroupement de ministères privilégiant l’efficacité au lieu de la distribution de postes qui se télescopent, composé de techniciens et de la composante de la jeunesse qui prépareront cette transition démocratique pacifique jusqu’à l’échéance présidentielle pour des élections libres, transparentes et démocratiques.
4- Favoriser le fonctionnement des institutions prévues dans la loi, tout en procédant à leur amélioration fonction des réformes, non en termes de promesses mais en actes, comme le conseil national de l’Energie, la Cour des comptes, le conseil de la concurrence, car source du développement global parallèlement aux contrepouvoirs économiques, sociaux et politiques en évitant comme par le passé leur gel et le choix dictatorial personnel. Dans ce cadre, impliquer la société civile par la promotion de la femme, signe la vitalité de toute société, une réelle décentralisation, une justice véritablement indépendante afin de lutter contre la corruption qui gangrène le corps social et démobilise la population privilégiant la connaissance et le mérite dans la promotion et non les rentes.
5- Autoriser des chaines de télévision indépendantes et les manifestations pacifiques, car vouloir étouffer comme une cocotte minute la société qui a besoin de respirer, l’explosion violente à terme pourrait être inévitable.
6.-Redéfinir la politique socio-économique actuelle qui mise que sur les infrastructures (70% des dépenses) par une nouvelle vision stratégique afin de mette en place une économie hors hydrocarbures compétitive dans le cadre des valeurs internationales si l’on veut créer des emplois durables et atténuer les tensions sociales inévitables. Pour cela, un débat national sans exclusive sur le bilan de tous les programmes économiques 2000/2011 s’impose lié à un large débat sur les réserves d’hydrocarbures et l’utilisation des réserves de change ( 53 milliards de dollars placées à l’étranger) loin de toute opacité, renvoyant à la démocratisation de la décision économique pour éviter la malheureuse expérience libyenne du gel de ses avoirs.
Cela permettra de déterminer la trajectoire future 2011/2020 de l’Algérie et poser la problématique de la démocratisation de la gestion des hydrocarbures et de l’utilisation des réserves de change. Une dépense publique de plus de 200 milliards de dollars entre 2004/2009, et une enveloppe de 286 milliards de dollars entre 2010/2014, dont 130 milliards de dollars de restes à réaliser des projets de 2004/2009 (soit plus de 400 milliards de dollars entre 2004/2014, avec des impacts très mitigés tant économiques que sociaux. Le gouvernement dépense deux fois plus pour avoir deux fois moins de résultats que certains pays similaires, montrant la mauvaise gestion et une corruption socialisée. Il est fini de tenir des discours démagogiques en voulant ignorer que la transformation du monde, misant sur la faiblesse de la culture économique de la population mais qui n’est pas dupe car confrontée à la dure réalité de la vie quotidienne comme si on créait trois millions d’emplois par décret.
Ces six mesures sont urgentes afin de donner une image positive de l’Algérie en ces moments de bouleversements géostratégiques et non d’un État répressif. L’actuel gouvernement algérien dont la majorité des ministres est en panne d’idées. L’Algérie, qui a d’importantes potentialités pour devenir un acteur actif au sein de la mondialisation, a besoin de plus d’espaces de liberté, un Etat de droit, une gouvernance renouvelée, supposant une mutation systémique et une transition démocratique pacifique. D’où l’urgence d’un discours de vérité, rien que la vérité et de privilégier non les intérêts personnels mais uniquement l’Algérie et je le répète uniquement l’Algérie, personne n’ayant le monopole du nationalisme. Cela suppose une autre gouvernance et donc de revenir aux sources de la déclaration du 1er novembre 1954 : une Algérie démocratique et populaire au sein du concert des nations.
La leçon des expériences du printemps arabe : les pays occidentaux qui ont une lourde responsabilité de la situation actuelle ayant favorisé non pas les aspiration des sociétés mais des relations personnalisées entre des dirigeants de régimes corrompus,doivent éviter donc la vison du passé strictement mercantile et s’impliquer concrètement dans cette transition en aidant les forces démocratiques.
Abderrahmane Mebtoul, expert international en management
Commentaires (3) | Réagir ?
Trop de patriotisme tue la patrie et pour cause! Le citoyen lambda se dit pourquoi écouter les propositions qui viennent du haut ? Ils sont tous mauvais! et là, il parle des techniciens qui ont une vue géo-éco-politique plus proche de la réalité que la sienne.
Ce même citoyen, qui, au passage doit représenter beaucoup de monde pense être soi-même la solution aux problèmes du pays. Cette pensée venant d'esprit trés peu instruit mène nos compatriotes aux conflits perpituels. A mon sens, ayant une population trés politisée, celle-ci, n'ayant pas une vue d'ensemble risque de mettre à mal la stabilité du pays (social et économique) à long terme. . . mais, ceci n'est que mon opinion.
Limiter le nombre de mandats présidentiels (qu’en est-il des autres «élus» ?), dissoudre les deux chambres et diminuer l’argent de poche des futurs «représentants», changer les membres du gouvernement en incorporant des « techniciens» et des jeunes, dépoussiérer les institutions tout en «luttant contre la corruption» et en impliquant davantage les femmes ainsi que les autres «forces vives de la nation», mettre en place des soupapes pour éviter que la cocotte n’explose, et ne pas miser que sur les hydrocarbures. Ce sont-là, en résumé, les solutions que nous propose cet expert international. Des solutions qui ressemblent à des techniques de replâtrage et à des vœux pieux, c’est-à-dire tout droit tirés de «La mentalité bureaucratique administrative des années 1970» dont l’auteur de l’article prétend se démarquer. Je ne pense pas, M. Mebtoul, que le problème des Algériens ne soit que celui de la répartition des biens, de l’économie et de la subsistance («même les animaux trouvent de quoi se nourrir» disait un poète kabyle). Le problème de l’Algérien est beaucoup plus profond. Il est dans le questionnement du qui-suis-je ? Et qu’est-ce que je vais devenir ?
On dit aussi qu’il vaut mieux un petit chez-soi qu’un grand chez les autres. Personnellement, en tant qu’Algérien, je voudrais me sentir chez moi avant tout, pas forcément en Occident et encore moins en Orient. Tout comme nos ainés ont refusé de passer pour des Gaulois, je ne veux pas n’être assimilé qu’à un rejeton d’une lointaine péninsule. Je suis algérien, avec certes des particularités régionales qui sont autant de richesses qu’il faudra sauvegarder et mettre en valeur, mais juste un «Algérien» et point barre. Une fois mon cerveau apaisé, je penserais tranquillement à mon estomac. Il me semble pour le moment, M. Mebtoul, que le problème est plus dans le «être ou ne pas être» que dans le «paitre ou ne pas paitre».