Bienvenue à Moulay Said !
4 juillet 2006. Devant la tribu des Têtes-képis, rassemblée pour la circonstance aux Tagarins , le président Tête-nue Kaiser Moulay annonce un amendement de la Constitution avant la fin de l’année afin d’y inscrire le pouvoir à vie.
« Conformément aux prérogatives que me confère la Constitution, j’invite les citoyennes et les citoyens à exprimer leur avis sur les amendements proposés à la Constitution. (...) Nous souhaitons que le référendum sur l’amendement de la Constitution soit organisé, avec la volonté de Dieu, avant la fin de l’année »
Tout est pourtant sinistre dans le bilan de Kaiser Moulay.
Une coterie usée, vieillie et corrompue s’imposait à un peuple épuisé dans la plus pure tradition absolutiste des joumloukias arabes ! .
Kaiser Moulay n’est pas dans la lignée de Jefferson, Kennedy ou de Gaulle, fils de l’alternance démocratique, celle que prescrivait Tocqueville, il y a deux siècles déjà, préconisant que « le plus grand soin d'un bon gouvernement devrait être d'habituer peu à peu les peuples à se passer de lui ». Kaiser Moulay est dans une filiation beaucoup moins prestigieuse : celle de Saddam Hussein, Khadafi, Hafedh El-Assad ou Ben Ali : une créature du despotisme arabe qui compte persuader le peuple de ne pas se passer de lui.
Il a tout de ces tyrans pittoresques et cyniques : comme eux, c’est un homme d’origine fruste, un peu rustaud, un peu godiche, qui se voit pris par le vertige de la toute puissance absolue qui s’offre soudain à lui. Un parvenu qui se voit en monarque archaïque ; un fier-à-bras, à l’image de tous les autres, qui tient en otage un pays, maquillé en fausse république, et qui ne compte pas le lâcher.
Comme eux, il voit grand et veut aller vite en besogne pour inscrire son nom dans l’Histoire.
Comme eux, il n’a pas de contre-pouvoir et ne permettra à aucun de se mettre en place. Comme eux, il veille à l’abolition de toutes les libertés publiques et privées, au règne de la corruption et usera de la répression, c’est-à-dire aux marqueurs universels de la gestion mafieuse de la chose publique.
La belle langue arabe a tout prévu. La royauté s’y dit mouloukia, c’est-à-dire l’appropriation du pays par un seul homme : le malik, littéralement « le propriétaire » Et nos joumloukia ne sont que cela : une propriété privée. Une propriété privée hermétique où le pouvoir absolu est sans limites et où l’autoritarisme se présente à l’état pur.
Oh ! certes, écrit Moncef Marzouki, les joumloukias possèdent toutes des Constitutions écrites et souvent bien écrites, des Parlements « élus « à intervalles réguliers, une « opposition » et tout le toutim…. Et le « président « prend même des gants : il a des mandats de cinq ou six ans et il doit « solliciter « du « peuple « le renouvellement périodique de son mandat perpétuel. Nos chefs de joumloukias ont bien saisi que, dans un monde où la démocratie et les élections étaient devenues la seule source de légitimité reconnue, il faut organiser des élections. Mais tout cela n’est que simulacre. Ainsi, depuis 1962, rappelons-le, on organise dans le Territoire des Frères Ali Gator, des élections à satiété, mais elles n’assureront aucune alternance ! Elles ne feront que légitimer le pouvoir en place. L’important est que les médias en parlent…
Personne n’est dupe de ce mauvais scénario régulièrement joué sous le regard fatigué, désabusé, moqueur ou dégoûté de la population.
Aussi, le 4 juillet 2006, Kaiser Moulay n’inventait-il rien qui n’existait déjà. Les dictateurs syrien Hafez El Assad et tunisien Ben Ali avaient été ses devanciers dans le squat perpétuel des républiques. Quatre années auparavant, Ben Ali, au mépris de sa parole, décidait d’un « référendum » pour amender la Constitution qu’il avait pourtant juré, lors de sa prise de pouvoir en 1987, de respecter et de défendre. Le nouveau texte annulait la limitation du nombre des mandats présidentiels jusque-là restreints à trois, offrant ainsi le droit au président sortant de se présenter autant de fois qu’il le désire.
C’est la légalisation de la présidence à vie !
Hafez El Assad abusa lui aussi de la Constitution à plusieurs reprises ce qui lui permit de s’accrocher au pouvoir jusqu’à sa mort en 2000.
Le Territoire des Frères Ali Gator aurait été une monarchie classique, comme celles qui continuent à régner au Maroc, en Jordanie, en Arabie Saoudite ou dans les États du golfe, il aurait eu un roi ! Il aurait été une République moderne telles qu’elles fonctionnent en Occident, en Inde, ou en Amérique latine, il aurait un président élu !
N’étant qu’une monarchie archaïque sur le modèle de l’Irak, de la Libye, de la Syrie, de l’Égypte ou de la Tunisie, le Territoire des Frères Ali Gator aura un roi roturier et éternel que personne n’a choisi et qui règnera par une dictature de la pire espèce, par l’incurie, la gabegie, l’incompétence et le désordre destructeur .
Le président de la joumloukia, lui, n’a aucun de ces freins : le pouvoir est un butin de guerre que le dictateur a conquis pour toujours », nous dit Moncef Marzouki.
Alors oui, nous adorerons « démocratiquement » notre Guide Kaiser Moulay comme on vénèrerait le souverain de Babylone, nous oublierons qu’il est aussi inamovible que le Tigre et l’Euphrate, et nous finirons par admettre qu’il est la réincarnation des rois de l’âge d’or, des palais de mille et une nuits et de toutes nos légendes !
« Tawrîth al sulta »
Après Kaiser Moulay Premier, nous aurons le privilège du frère, Kaiser Moulay Saïd, ou de l’héritier disponible, à défaut de fils.
En joumloukia, le pouvoir absolu et éternel survit même à la mort. « De la présidence à vie, on glisse subrepticement à la transmission du pays au rejeton » note Moncef Marzouki.
Faute de pouvoir léguer un royaume, on lèguera une « république. » On appelle même cela « tawrîth al sulta », l’héritage du pouvoir. Transmission héréditaire, au fils, au frère ou, dans le cas extrême, transmission au sein du même clan. L’important est qu’il reste concentré entre les mêmes mains. Peu importe que l’héritier soit du renseignement ou de la caste militaire, l’essentiel est que le peuple soit exclu de la compétition.
Ainsi, en vertu de « tawrîth al sulta » , la Syrie fut léguée par Hafez El Assad, à son fils Bashar. L’opération s’accompagna même d’une supercherie historique. Hafez El Assad mourut, en effet, trop tôt et l’héritier n’avait que trente-quatre ans. Pas assez pour monter sur le trône au regard de la constitution qui fixe au président un âge minimum de 40 ans. Peu importe ! Le « parlement » syrien modifia en juillet 2000 la constitution lors d’une brève séance et abaissa l’âge réglementaire à trente-quatre ans tout juste, ce qui permit le plus légalement du monde à Bashar El Assad de succéder à son père.
Quant à l’Égypte, où le président Hosni Moubarak triture allègrement la constitution, elle reviendra à Gamal Moubarak, le rejeton ! Oh ! bien sûr, tout cela se fait avec l’hypocrisie coutumière et les dénégations d’usage. On adapte le discours à un monde qui a changé et qui n’en est plus aux années 20 quand un obscur colonel pouvait se couronner shah d’Iran et laisser « l’Empire « à son fils. Il faut ruser. Ainsi, le Président Moubarak s’est-il publiquement offusqué dans son discours du 1er janvier 2004 que l’on puisse parler de transmission héréditaire du pouvoir. « Si cela a pu arriver dans certains pays, cela n’arrivera pas en Égypte ! » Cela n’empêche pas le fils cadet du président d’entreprendre une ascension fulgurante au sein du Parti national démocratique qui veut bien dire ce qu’elle veut dire : il succédera à son père. Des amendements constitutionnels du début de cette année ont écarté toutes les autres options.
Au nom de « tawrîth al sulta » , Kadhafi en Libye travaille à paver le chemin à son fils Seif-El-Islam, très impliqué dans l’exercice du pouvoir et si Saddam n’avait pas été éliminé par la guerre américaine et s’il était mort au pouvoir, c’est son fils aîné, le tristement célèbre Oddei qui lui aurait succédé.
Alors longue vie à Kaiser Moulay et bienvenue à Kaiser Moulay Saïd !
Extraits de « Journal d’un homme libre »
Med BENCHICOU
EDITIONS RIVENEUVE
Commentaires (13) | Réagir ?
On ne peut rien contre la divinité Monsieur Benchicou. Les Boutef est le destin des Algériens. Boutef-II est plus beau que Boutef-I. On aurait un Président avec beaucoup de cheveux, wach nzidou ???. Et puis, il est très très riche ? C’est un grand affairistes grâce à Boutef-II. Khalida ne peut rien refuser au futur Président, et, elle se tapera encore plus de manteaux de fourrure d’ours, des vrais quoi et puis de vraies lunettes de mekky ??. Tu sais, notre future Malik (Boutef-II) va certainement aimer une autre.. chaire fraîche pour mieux gouverner. Il balancerait Khalida certainement. Tiens.. j’ai une idée : Khalida serait certainement jalouse de la prochaine qui ne refuserait rien au Malik. A partir de là, le tour serait joué à Boutef-II. Comment ? Je vais me sacrifier moi-même.. Je sacrifie mon nif et mon âme !! ça mérite, c’est pour mon pays.. Je demanderai Khalida au mariage, même vielle et usée par les Boutefs. A partir de là, j’aurai tout les secret de la République Royale des Boutefs. On va essayer de s’infiltrer et on va voler les secrets de notre Khalifa, Amir el Mouminin (Boutef-II). L’Algérie s’en sortira grâce à mon sacrifice et celle de ma future qui ne me refuserait certainement rien par esprit de vengeance.. Qu’est ce que vous en dites, on utiliserait la formule jalousie entre femmes légales, maîtresses et ghanimates de Boutef-II. On aurait probablement sauvé ce pauvre peuple (ghanima) du pouvoir depuis 1962. Ce peuple mesquine qui ne sais rien faire, qu’obeir à ses Maïtres du passé et puis, à ceux d’aujourd’hui. Moi d’ailleurs, je l’envoie au diable s’il ne fait pas sa Révolution, comme l’a bien dit Karl Marx en 1882, de passage en Algérie pour des raisons de santé et dans une lettre à sa fille..
le frere de bouteflika merite de prendre la place de son grand frere puisque la place est libre et nous, echaab, tahanine mais surtout des incapables.