Lakhdar Brahimi : d’émissaire FLiN-tox endurci à Cornell University
Décidément, la politique est un art quasiment inaccessible aux propensions du citoyen lambda, condamné à mourir idiot, à force de vouloir tout ramener à une base de logique populaire simpliste.
Par Kacem Madani
Un art dont seuls les politiques avertis semblent être nantis de l’habileté nécessaire pour en manipuler avec expertise et dextérité tous les ingrédients. On a beau se croire observateur attentif des interactions politiques entre dirigeants influents de ce monde, sur lesquels repose le destin de millions, voire de milliards d’individus sur Terre, certains mécanismes échappent à notre discernement, surtout quand on s’entête à les enfermer dans un référentiel de logique et de sagesse didactique qui vous force à vouloir les décoder selon des schémas de postures et de réactions supposées être soumises à des règles qui ne s’écartent pas d’un cadre cartésien rigoureux, dans le fond, ni d’une attention généreuse et humaniste, dans la forme.
À cet égard, le cas du brillant, et néanmoins intriguant, Lakhdar Brahimi (82 ans) outrepasse et déroute toute intellection ou analyse sérieuse, quel que soit le référentiel d’inspection rationnel utilisé. Un Monsieur, au parcours lumineux qu’il n’est pas besoin de reproduire ici, tant le niveau international élevé des responsabilités qui lui ont été confiées aux quatre coins de la planète empêche toute critique sans lui faire courir le risque d’être perçue comme un signe d’indécence, voire carrément d’impudence à son égard. Malheureusement, ce tableau flamboyant est quelque peu terni par une amitié douteuse avec le multiple putschiste Bouteflika et une appartenance à une famille révolutionnaire égarée par la corruption et le profit. Une complicité avec Abdelaziz Bouteflika (78 ans) affichée, à de nombreuses occasions, sur le perron d’El-Mouradia pour cautionner un système corrompu, servir de trompe-l’œil pour blanchir et transformer, via le sceau de légitimité d’une sommité mondialement reconnue, un autocrate invétéré en dirigeant fréquentable aux yeux du monde, et mieux perpétuer la tromperie du peuple. Jusqu’ici, rien de bien nouveau à l’horizon de la famille FLiN-tox. Mais quand l’ami d’un monarque autoproclamé se retrouve invité dans la prestigieuse Université de Cornell pour y livrer des conférences et professer sur les conflits internationaux, notamment sur la Syrie et la crise des réfugiés, on ne peut s’empêcher de ruminer, de se perdre en moult conjectures, et tenter de décoder le sens de telles besognes incompatibles, voire opposées à l’extrême.
Ah que j’eusse tant aimé pouvoir me déplacer jusqu’à Cornell, ce mardi 22 mars afin de savourer une immersion subtile dans la masse estudiantine et avoir la chance de poser deux petites questions à Monsieur Brahimi !
-Une première interrogation concerne ses déclarations sur le «qui tue qui», qu’il considère être une aberration, convaincu que les hordes islamistes sont les seules et uniques responsables de toutes les sauvageries de la décennie noire, dédouanant de ce fait les généraux Janvieristes qui les avaient combattu. Au contraire de son ami Bouteflika qui les désavoue inlassablement d’un mandat à l’autre pour leur faire porter l’entière responsabilité de ces tueries barbares que notre mémoire collective se refuse à effacer, et qu’elle n’oubliera sans doute jamais. Tel désaveu ne représente-t-il pas un signe manifeste de remise sur selle de cet islamisme ravageur que «fakhamatouhou» affectionne, sans s’en cacher le moins du monde, au point de ne pas hésiter à afficher sa sympathie envers tous ces salafistes bornés, allant jusqu’à dérouler le tapis, en toute impudeur, à l’un de ses représentants notoires, assassin de surcroit, en la personne de Madani Mezrag ? Comment se fait-il que Monsieur Brahimi ne trouve rien à redire à telle attitude avant-courrière d’un avenir bien sombre pour le pays, lui, l’homme de paix éclairé, acclamé et glorifié jusqu’aux enceintes de l’ONU, ce «machin» que l’on dit garant d’un monde apaisé et rassuré ?
-Une deuxième question est relative à ce que laisse présumer son éloignement du cercle politique algérien, alors qu’une médiocratie sans précèdent y règne en toute splendeur, encouragée par son ami monarque dont l’unique obsession est de mourir sur le trône, quitte à provoquer le déluge fatal pour tout le pays et ses 40 millions de «ghachi». Tel éloignement sous-entend-t-il un refus absolu de cautionnement de la politique suicidaire de Bouteflika ? Mais si tel était le cas, comment, dès lors expliquer ces visites fréquentes au Palais El-Mouradia, la dernière en date ne remontant guère qu’au début du mois de février 2016, pour y être reçu par un président moribond pendant que la télévision nationale en enjolive les contours pour nous présenter la petite entrevue comme un événement d’une importance quasiment capitale pour le pays ?
"Sha3llagh thafath, tskhilekh a mass Brahimi, n’foudh an’walli"! Vous qui êtes capable d’éclairer les étudiants brillants de Cornell, ayez un peu de compassion pour vos nombreux compatriotes assoiffés de lumière, eux qui n’ont pas la chance de suivre vos prestigieuses envolées conférencières !
Combien même il est bien dommage que nous ne puissions pas poser ces questions, et bien d’autres, directement à Monsieur le conférencier, il est à espérer que les étudiants algériens de la promotion Cornell 2016 (et Dieu sait qu’il y en a !) oseront le faire pour nous !
Quel que soit l’angle de lecture, d’analyse et autres déductions acrobatiques dans lesquelles on s’engouffre, ces accointances douteuses avec les putschistes d’Alger ont de quoi désarçonner et laisser perplexe le chroniqueur le plus averti, et carrément noyer tout naïf éloigné de la connectique politique. Les questions précédentes en soulèvent d’ailleurs bien d’autres encore. Notamment sur les véritables intentions de ces universités prestigieuses, comme Cornell, qui accueillent des serviteurs d’autocrates endurcis sans se poser la moindre question sur leurs parcours, ni remettre en cause l’immoralité adjacente à de telles allégeances. À cet égard, la légion «d’horreur» décernée par François Hollande au prince héritier d’Arabie Saoudite est un acte loufoque, dangereux et déplorable, qui ne fait que confirmer toutes sortes d’intrigues et de manigances en haut lieu! Mais si la magouille devient règle générale et supplante l’exception à tous les niveaux de la cité des hommes, au point d’atteindre l’intégrité de ces grandes universités, censées dispenser éthique, morale et principes supérieurs, où peut bien aller ce monde demain, et qu’en fera la combinaison probable du trio Trump-Putin-Lepen qui se profile pour bientôt ? Dites-le nous Sire Brahimi !
K. M.
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