La réforme Benghebrit, le caïd Zaïkouk et l’école des talebs du FLN
Permettez-moi de vous dire les choses dans la clarté "les valeurs algériennes et les principes de la révolution n’ont pas de code bar comme les produits consommables exposés dans les supermarchés. Ils ne sont ni en solde ni en liquidation".
Perdus dans un environnement pas assez clair nos enfants recherchent le Nord sans boussole et sans gouvernail. Il est temps de surveiller sérieusement la non-contradiction des valeurs idéologiques, tant au sein de l’École qu’entre l’École et la société.
Nos pertes légendaires dans le souk des connaissances s’affichent en gains dans la superette de l’ignorance. Les négociations entre le perdant et le demi-gagnant continuent et les gamins dans nos écoles sinistrées crient faillite et demandent secours. Pis encore, au cœur des fléaux les plus graves dans nos écoles – telles les violences, la drogue, l’autodestruction des cerveaux jeunes – se découvre une nouvelle arrogance intellectuelle. Une arrogance qui célèbre l’échec et chante la décadence pour exprimer la grande réussite dans nos écoles. Il est malheureux de reconnaître que les idées farfelues détruisent nos écoles et Zaïdouk, l’escroc sur son mulet chinois, galope sur les estrades officielles pour défendre nos principes. Ce tableau oblige les pauvres parents de chanter les paroles de Maṭub Lwennas : "Mon fils je ne te garantis pas, le savoir et la paix, dans un pays qui dévore les siens".
Nouria Benghebrit parle des zaouïas, des taleb et des étudiants envoyés en bourse d’études par le FLN pendant la révolution d’une manière vague et dérisoire. Je l’invite de consacrer cinq minutes de son temps libre pour lire le septième Mawqif de l’Emir Abdelkader avant de transformer notre école en Tour de Babel «Dieu m'a ravi à mon "moi" [illusoire] et m'a rapproché de mon "moi" [réel] et la disparition de la terre a entraîné celle du ciel. Le tout et la partie se sont confondus. La verticale (tul) et l'horizontale ('ard) se sont anéanties. L'œuvre surérogatoire a fait retour à l'œuvre obligatoire, et les couleurs sont revenues à la pure blancheur primordiale. Le voyage a atteint son terme et ce qui est autre que Lui a cessé d'exister. Toute attribution (idafat), tout aspect (i'tibarat), toute relation (nisab) étant abolis, l'état originel est rétabli. "Aujourd'hui, J'abaisse vos lignages, et J'élève le Mien!". Puis me fut dite la parole de Hallaj, avec cette différence qu'il la prononça lui-même alors qu'elle fut prononcée pour moi sans que je l'exprime moi-même. Cette parole, en connaissent le sens et l'acceptent ceux qui en sont dignes; en ignorent le sens et la rejettent ceux chez qui l'ignorance l'emporte»
Après cette introduction, je continue mes idées par un passage d’un papier intitulé : «Ecole et religion» rédigé par Benghebrit et publié dans un recueil d’articles titré «Où va l’Algérie ?» sorti en 2001. Je vous rappelle qu’en 2001, Nouria Benghebrit faisait partie de la commission dite commission Benzaghou, chargée de proposer un rapport visant à réformer le secteur de l'éducation en Algérie. Le titre de ce livre sème la confusion et appelle au trouble. Il nous rappelle le héros Boudiaf mais le hasard a voulu que le numéro du papier de Benghebrit dans la table des matières coïncide avec le matricule de sa willaya. Dans ce papier nous lisons «Des personnes ayant pour seul antécédent scolaire – si l’on peut appeler ainsi – que la fréquentation de la zaouïa accédèrent à l’université. D’autres ayant le même cursus profitèrent dans les écoles théologiques des pays arabes ou ils furent envoyés par le FLN à partir de 1956. A leur retour au pay,s ils n’eurent aucune difficulté à obtenir des équivalences académiques ; le brevet, le Bac ou la licence. L’article 120 de l’ex-parti unique leur ouvrit les portes des emplois stratégiques de la fonction publique. Pour un même poste de la fonction publique, c’est l’ancien taleb de la zaouïa qui est choisi». A la manière du titre du recueil je dis :«Où va Benghebrit avec cette idée?»
Dans le parcours éducationnel les sages ont toujours su comment franchir le double obstacle d’une tradition figée et d’une modernité débarrassée de toute âme. 53 ans après l’indépendance, Benghebrit veut opposer l’une et l’autre dans ce parcours. Cette idée obsolète ne peut qu’engendrer l’expérience horrible de la décennie rouge. Dans ce jeu politique de clans animé par Zaïdouk, des fondamentalistes religieux aussi bien que les intégristes laïques tirent les ficelles des marionnettes qui proposent des réformes bidons pour s’éterniser dans le décor politique. Benghebrit et son entourage ne voient pas la gravité de leur projet. Ils ignorent la profondeur de la déculturation et l'étendue de la désintégration des esprits de nos enfants par la drogue marocaine à l’école et retouchent le superficiel.
Généralement, au centre de toute réflexion sur l’éducation se place le couple que celle-ci forme avec la société. Pour Benzaghou ce couple s’étend à un groupe adapté à un espace restreint «Eli-Outlek» (Il m’a dit et je t’ai dit) avec un accent tlemçani. Il le définit comme suit : un groupe est un couple dont le premier terme est un ensemble T et le second une opération sur cet ensemble «•» qui, à deux éléments Bandou et Azza de T, associe un autre élément a • b. Le point relie les deux éléments par une affinité régionale ou une fidélité clanique. Cette définition est un peu confuse. Les bouches secrètes de l’université de Bab Ezzouar disent que la confusion venait de la traduction de la langue italienne à la langue française via Google quand Benzaghou exerçait la fonction d’ambassadeur à Rome.
Toute école s’adapte à la société et lui reflète les valeurs qu’elle mérite. Dans les sociétés civilisées l’école est le milieu sain où le respect des idées est maitre. Mon métier de pédagogue me permet dire que l'école éducationnelle est tout à la fois un lieu de scolarisation, un creuset de culturation, un foyer d'apprentissage de la langue et de transmission de liberté de penser dans le monde. En plus clair le lieu qui favorise chez les écoliers le développement des sentiments d'appartenance culturelle et l’amour de servir la nation d’une manière sincère et honnête.
La sincérité et l’honnêteté nous mènent à la culture citoyenne si l’éducation reflète notre citoyenneté. Il est donc obligatoire d’intégrer au savoir des jeunes générations la culture de la citoyenneté pour éviter le dérapage civilisationnel. Cette idée ne peut pas se développer dans toutes ses dimensions quand les politiciens retransmettent des discours, des pratiques et des valeurs qui sont en contradiction ou opposés à notre culture. Dans les pays qui se respectent, on met en avant un discours cohérent qui insiste sur le respect de la diversité dans l’unité de la nation.
Puisque nous philosophons et nous politiquons éducation, généralisons le problème et politisons de couple (Bandou • Azza) dans toutes nos écoles.
Dans nos écoles Bandou et Azza forment un couple qui représente quelques faits assez curieux. Les faits nous permettent d’en douter sur leurs intentions. Bandou aide Azza à rédiger en bon français. Azza est honnête. Elle le cite comme référence dans ses écrits scientifiques mais ne mentionne jamais qu’il est son mari. Ce couple est commutatif en arabe dialectale. Il image bien l’expression purement algérienne «Moussa El Hadj et El Hadj Moussa». Et la belle musique continue.
Après 40 ans de mariage dans une Algérie libre et indépendante, un premier miracle s’est produit entre les parenthèses qui unissent ce vieux couple. Azza veut traduire en Arabe la phrase «L’ouvrier Zaïdouk pousse sa bérouette pleine de béton». Azza est convaincue que cette phrase illustre bien les travaux de construction de monsieur Teboul dans une école du douar Hna-Oula-Houma dans la région de Tébessa.
Elle demande à son mari et son entourage linguistique de l’aider dans cette tâche pénible. Bandou et ses amis traduisent le texte mot à mot en arabe dialectale en utilisant leur génie dialectiquement didactique. Ils traduisent la phrase comme suit «Azoufri Zaïdouk rah ydezz fi bérouettou maâmra baghli». Dans cette phrase académiquement ghebritienne aucun mot ne reflète ni la langue calme et rigoureuse de l’ancien Ministre de l’éducation Dr. Taleb Ibrahimi ni la langue révolutionnaire et patriotique de Moufdi Zakaria.
Enthousiasmée par le farfadet de son mari dans son entourage, Azza pense qu’en utilisant l’analogie pédagogique des mots de cette phrase nos petits enfants ne seront plus désorientés dans leur environnement scolaire et maitriseront bien la langue de Youcef Ibn Tachfin. Selon Louisa Hanoune, cette méthode génialement conçue va permettre aux générations futures de lever le défi technologique dans le monde moderne.
Regardons de près cette phrase qui fascine Hanoune. Le mot «Azoufri» rappelle aux écoliers la chanson de Rai «Rani Nsoufri» puisque chab Mami mâche le A et allonge le S. Le mot «baghli» leur rappelle mon mulet, un petit jouet en plastique chinois, importé spécialement pour les bambins qui fréquentent la crèche El-Hayat à Hydra pour leur apprendre à consommer chinois. C’est dans cet environnement sans repères, que la brouette est devenue bérouetta et le béret de François a évolué en bérita. Zaïdouk est le diminutif de débrouillard chez monsieur Albert.
Le mot Dezz est facile à retenir par nos enfants. Ils l’ont déjà entendu dans l’expression des gens de la rue «Dezz maahoum» qui veut dire pousse avec eux dans la langue de Françoise. Je ne sais pas si nos jeunes connaissent l’origine de cette expression purement algérienne ou non. Cette expression est née dans le douar de Zaïdouk. Ce douar était commandé par un caïd nommé par les colons. Le caïd utilisait ses mouchards pour contrôler le douar. Il récompensait celui qui lui rapportait un évènement exceptionnel ou extraordinaire dans le douar. Il donnait 1000 DA pour chaque évènement rapporté à temps. Zaïdouk est connu dans le douar comme l’expert des indicateurs. Il était toujours le premier à gagner les 1000 DA.
Un jour le douar était tranquille et calme. Pas d’évènement à rapporter au caïd. Zaïdouk quitte son gourbi de bonne heure et se dirige vers la maison du caïd pour une courte halte chez le grand patron. Zaïdouk voulait faire son briefing.
Sachant que Zaïdouk est venu pour récupérer les 1000 DA comme d’habitude, le caïd demande à Zaïdouk les nouvelles du douar. Cette fois-ci le douar est au statuquo et son baromètre affiche R. A. S (rien à signaler).
Zaïdouk répond au caïd d’un ton sérieux "le douar était calme cette nuit mais j’ai fait un rêve qui mérite d’être raconté. J’ai vu dans mon rêve que les habitants de ce douar voulaient votre tête. Dans ce rêve j’ai vu un groupe de jeunes de ce douar vous transporter dans une bérouetta. Ces jeunes voulaient se débarrasser de vos idées en vous jetant dans la mer. Vous savez monsieur que je suis votre homme de confiance. Je ne veux point de mal ni pour vous ni pour votre famille. Je me suis hâté vers la mer. J’ai fait un grand saut dans l’eau. Pendant que ces jeunes poussaient la bérouetta vers la mer pour vous noyer, moi le Zaïdouk du douar, je poussais seul contre eux tous pour vous protéger et éviter votre péril."
Le caïd a bien compris le message de Zaïdouk. Il lui tend 1000 DA et dit : "Si ce rêve se répète, je vous conseille de passer de l’autre coter de la rive pour pousser avec eux. Dezz maâhoum est un acte de bienveillance. Il symbolise la liberté dans mon douar".
En conclusion : Le caïd, Zaïdouk et les colons illustrent une période de l’Histoire coloniale. Les colons sont partis. Le caïd est mort. Benghebrit est ministre de l’Education et la vie continue. Dans cette vie, Zaïdouk est toujours là pour accomplir sa mission de dezz maâhoum dans nos écoles.
Pr. Omar Chaalal
Commentaires (2) | Réagir ?
les résidus de la france coloniale ne laisseront jamais le peuple retrouver sa racine, il restera ainsi exposé aux vents tantot d'est tantot de l'ouest!
C'est connu et reconnu, les cheikhs dans les villages, qui ne connaissent que quelques sourates du coran et les prêcheurs des mosquées aux heures de prières, sont les premiers responsables de la déconfiture de notre enseignements,
Ceux qui dont les parents travaillaient avec la France dont les enfants avaient bénéficiaient de fréquenté les médersas et plus tard les universités en Tunisie et en Egypte, se considèrent comme des lettrés.
Sauf, que l'enseignement qu'ils ont reçus se limite aux sciences religieuses qui ne mènent à aucun déboucher de technologie sauf celui de la parole de l'enfer et du paradis, puis comme escroquer son prochain au nom de dieu.