Cheikh Chamseddine, le Moudjahid, le fusil et la gorgée de whisky
Une polémique digne des temps reculés de la «djahilia» vient de prendre des proportions colossales, à l’image des pitreries auxquelles s’adonne en permanence le prédicateur cheikh Chamseddine sur les ondes d’Ennahar TV.
Tout part d’une scène du film L’Oranais dans lequel, semble-t-il, un moudjahid se réchauffe le gosier et le cerveau avec un petit whisky, certainement pour dissiper le brouillard spirituel et les petites pétoches ambiantes, moyen comme un autre d’avoir les idées claires tout en se donnant un peu de courage (il en fallait une sacré dose !) avant de livrer bataille à l’ennemi. Et voilà que notre cheikh national s’emballe et monte au créneau pour affirmer que pendant la révolution le moudjahid portait un fusil sous le bras et non pas une bouteille de whisky, comme pour recentrer le noble combat de nos valeureux moujahidine et le cantonner dans un cadre strictement licite !? Faut-il pleurer, faut-il en rire? Autant ne pas avoir le cœur à le dire, tant tel recadrage relève d’une légèreté des plus farfelues que seul un islamiste borné et inculte peut en atteindre une telle valeur absolue. Il n’est pourtant pas difficile de comprendre qu’il faille parfois une petite dose de narcotique aux hommes pour revigorer et parfois estomper cette vaillance qui consiste à tuer leurs semblables de sang-froid, que ça soit en temps de guerre ou en temps de paix. Pour entre-tuer, les hommes ont de tous temps eu recours à des stupéfiants pour amplifier leur bravoure. Si les uns ingurgitent des drogues concrètes softs, sous forme liquide, de fumée ou de «chemma», d’autres leurs préfèrent des drogues spirituelles dures, celles qui vous injecte dans le cerveau l’idée folle que tout être humain différent de vous est un ennemi potentiel à abattre.
Le but de ces gesticulations stériles est-il de déclarer la révolution hallal ou non-hallal 60 années plus tard ? Ya Cheikh an3al bliss, la révolution fut portée par des hommes avec un grand H. Elle fut trop noble pour permettre à des benêts d’ainsi arbitrer de ses moindres péripéties. Si whisky il y eut, il fut consommé au nom de la liberté, cette liberté que du haut de vos minbars, par leur courage stérilisés, vous vous acharnez à combattre et faire disparaître de la terre des hommes libres!
C’est dans ces instants de polémiques de société que nous voudrions voir nos opposants prendre partie et défendre l’honneur de ces moudjahidine qui ont préféré le verre de whisky aux sourates et «sirrat-el-moustakim», car parmi nos combattants, il n’y avait pas seulement ceux qui s’égosillaient de la formule consacrée des combattants d’Allah, il y en avait d’autres qui combattaient en silence, la rage au cœur pour arracher cette liberté que d’autres veulent confisquer, celle de pouvoir consommer son petit whisky partout sur nos terres, même dans les endroits jadis interdits «aux Arabes et aux chiens». Mais ça, cheikh Chamseddine ne le sait pas ou feint de l’ignorer.
Il y a pourtant deux témoins clés quant au rôle joué par les lieux de retrouvailles telles les brasseries «arabes» pendant la révolution : Ali Haroun de la fédération de France et Abdelaziz Bouteflika. Tous deux savent très bien que les bars, ceux des grands villes de France notamment, avaient joué un rôle capital dans la collecte des fonds qui avaient servis à armer nos moudjahidine pendant les années de braise. A la fin des années 50, l’émissaire spécial Bouteflika, il y a encore d’autres témoins vivants si Ali Haroun se débine pour le confirmer, faisait la tournée des brasseries pour récupérer l’argent récolté par les gérants algériens auprès de la communauté émigrée, bien pauvre à l’époque mais aussi bien consciente de la nécessité de sa participation à la lutte qui faisait rage au pays.
Pendant que Bouteflika faisait la tournée des bars de France, la FLiN-toxerie, dans sa version locale, lançait des appels au peuple avec des interdits explicites concernant la consommation d’alcool. Il me revient en mémoire une scène traumatisante pour l’enfant que j’étais, au début des années 1960 sur le boulevard Zirout Youcef, à proximité de l’APN : de jeunes adolescents, dont l’aîné ne devait pas dépasser 17, 18 ans, s’acharnaient sur un pauvre clochard ivre en le rognant de coups, le terrassant à terre en jubilant et criant «kilou batata ! kilou batata ! ….». Le plus dramatique, c’est que les passants, tous «arabes », semblaient apprécier le spectacle car personne n’était intervenu pour mettre fin au calvaire de ce pauvre malheureux.
Il est des vérités qu’il est urgent de rétablir : Les combattants algériens qui ont donné leur vie pour le pays ne l’ont pas fait au nom de préceptes rétrogrades ou pour qu’un cheikh Chamseddine s’arroge le droit bien léger de faire porter l’exclusivité du combat contre l’oppresseur aux seuls combattants d’Allah. Cela est totalement faux, et il est grand temps de rétablir ces vérités que l’on cherche à noyer dans un moule trop étroit pour la grandeur et la noblesse du combat pour la liberté mené par nos vaillants moudjahidine.
Cette polémique a le mérite de montrer au grand jour la face hideuse de l’Algérie que veulent construire ces aliénés pour nos enfants. On se croirait revenu au temps des «yadjouze» - «la-yadjouze» de Ali Belhadj et consorts qui ont précipité l’Algérie dans l’horreur !
A cet égard, il est temps que l’opposition épure ses positions et nous donne une image claire de l’Algérie qu’ils nous proposent. Il n’y en a pas trente-six, il y en a deux, et elles sont diamétralement opposées ; celle de Ennahar TV avec ses Chamseddine incultes et grossiers et celle de cette presse libre et moderne avec ses Dilem et ses Labter instruits et pétillants d’intelligence. Vit’amine a résumé l’affaire du whisky en un croquis paru dans le soir d’Algérie ce jeudi 20 Novembre «que celui qui n’a jamais péché lui jette la première bière !». Jetez nous donc toutes vos bières ! À vous toutes les rivières de vin qui coulent au paradis d’Allah. Promis, juré, nous ne vous en réclamerons pas la moindre goutte, mais de grâce, ne vous mêlez plus de nos petites bières et des petits whiskies des moudjahidine sur Terre! D’ailleurs ya Cheikh-soleil, faudrait peut-être expliquer à vos troupes que le vin des rivières qui coulent au paradis d’Allah est un vin qui ne saoule pas. C’est ce que nous appelons, ici bas, du jus de raisin, jus d’orange ta3 la3nab, pour être en phase avec le vocabulaire du terroir ! Quoique, il vaudrait peut-être mieux ne pas le leur expliquer pour éviter qu’ils se ruent sur nos bouteilles!
Au lieu de s’impliquer dans ces controverses indignes du XXIe siècle, nos opposants se gargarisent de l’importance d’une petite visite de l’UE et s’en réjouissent comme des enfants qui reçoivent un petit cadeau des mains propres du père Noël. La CNLTD s’est réjouie de cette rencontre, un “geste de reconnaissance de l’opposition”, qui s’est déroulée dans un climat cordial, rapporte la presse. L’opposition semble donc bien plus préoccupée par le quitus de l’occident que par le fait de gagner la confiance du p’tit peuple auquel on demande d’adhérer, les yeux fermés, à une démarche des plus incertaines.
Voilà qui a le mérite d’être clair. L’opposition est en mal de reconnaissance voilà tout ! L’UE lui rend visite et cela semble suffisant pour gonfler son ego et se sentir pousser des ailes !? Après telle exultation, que l’on ne vienne pas nous raconter la petite histoire sur la justice sociale, la liberté et autres bienfaits dont l’opposition chercherait à faire bénéficier le peuple, car il s’agit bien plus de gestion de carrières politiques personnelles que du bien-être des algériens. Et à ce petit jeu de reconnaissance extérieure, la famille FLiN-tox est bien plus éprouvée car l’occident ne tarit pas d’éloges et de louanges pour encenser le pouvoir Bouteflika pour son expertise en matière de lutte anti-terroriste, comme l’ergotent de nombreux journalistes émérites étrangers, en opposition flagrante avec la méfiance de nos «tayabets el-hamam» qui continuent à nous tromper sur le terrorisme d’état érigé en mode de fonctionnement par le clan Bouteflika depuis 15 ans.
N’en déplaise à maître Ali Yahia Abdenour et Saïd Sadi pour lesquels, le premier l’énonçant de Montréal, le second d’Azazga «la fin du régime est toute proche !», la famille FLiN-tox a encore de beaux jours devant elle. Quels peuvent bien être les signes avant-coureurs que notre docteur national et maître Ali Yahia perçoivent avant nous tous pour verser dans telle prédiction ? À moins qu’il ne s’agisse d’un nouveau jeu de voyance pour remplacer madame Soleil et verser dans le domaine de l’ésotérisme dans le but de se positionner en rivaux directs avec le minbar de cheikh Chamseddine pour en neutraliser les méfaits ? Allez savoir !
Il est pour le moins regrettable d’avoir à babiller sur des légèretés devenues affaires de société pendant que le robot Philae s’est agrippé à la comète Tchouri située à 500 millions de kms de la Terre, après un périple et un RDV pris il y a plus de 10 ans ; qu’un train à lévitation magnétique a transporté ses premiers voyageurs à 500 kms à l’heure au Japon ; que la jumelle de la Terre située à 22 années-lumière fascine et réjouit la communauté scientifique depuis de nombreux mois!
Vivement l’inauguration de la grande Mosquée d’Alger pour nous redorer le blason et gonfler notre ego en mal de fiertés, toujours puisées du ciel d’Allah ! Après tout, ils ont la surface de la Terre et la voûte du ciel visible pour eux, mais l’espace invisible, celui du paradis promis, sera à nous dès que nous serons ensevelis sous terre ! Ils ne le comprendront jamais ces Aâda-Allah, et c’est tant mieux pour nous, l’unique «kheira oumatine» de ces milliards de mondes éparpillés dans l’univers. Que dire du grand Satan qui s’apprête à conquérir la planète Mars d’ici 20 ans ? D’ici là, les hommes et les femmes investis dans ce projet avec intelligence, abnégation et passion, auront consommés des piscines de whisky, de bière et de vin terrestre pour revigorer leurs neurones, au grand dam de cheikh Chamseddine et de tous ces braillards du minbar. Ces fainéants sacrés qui ne font qu’enrayer la machine Algérie, avec la bénédiction de celui qui se sent plus proche des islamistes que des démocrates, pour en empêcher toute attache à un monde qui avance à pas de géants !
De quelle malédiction avons-nous donc hérité pour objecter en permanence tel degré d’arriération mentale ?
Kacem Madani
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Merci pour cet article
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